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21 Feb

Paris

Publié par platinoch  - Catégories :  #Drames

« Le truc qui me fait triper, c’est d’observer les gens par la fenêtre. Qui ils sont. Où ils vont. Ils deviennent les héros d’histoires que je m’invente »

 

Pierre, la trentaine, est atteint d’une maladie du cœur. Dans l’attente d’une éventuelle transplantation cardiaque, il sait que ses semaines sont comptées. N’osant se confier qu’à sa sœur, et s’enfonçant peu à peu dans un état de déprime permanent, il occupe ses journées à observer la vie, dehors, dans un Paris constamment en mouvement et débordant d’énergie. Sa maladie lui donnant un regard neuf sur le monde et sur les autres, il se met donc à observer les passants, non plus comme des anonymes se fondant dans la masse mais comme des individus uniques. Des lors, les destins d’une dizaine de personnages s’entrecoupent dans Paris, tous porteurs à la fois d’égoïsme, mais en même temps animés d’une même quête d’une certaine forme de bonheur…

 

« ça a toujours été comme ça dans Paris : c’est qu’elle a toujours fabriqué sa modernité sur ce conflit entre le vieux et le moderne »

 

Après avoir pas mal bourlingué à travers l’Europe lors de ses derniers tournages (Barcelone, Londres, Saint-Pétersbourg), Cédric Klapisch a donc décidé de placer Paris, sa ville natale, au centre de son nouveau long, le neuvième de sa carrière. Si le réalisateur a toujours aimé les films « choral », la plupart de ses films (à l’exception peut-être de son premier « Riens du tout ») étaient construit sur un même modèle, avec un ou deux personnages centraux et une série de personnages secondaires gravitant autour. On se souvient ainsi des aventures européennes de Xavier dans « L’auberge espagnole » et « Les poupées russes ». Autant dire que son « Paris » est assez innovant, puisque Klapisch emprunte pour l’occasion un style narratif plus éclaté, avec de nombreux personnages, plus proche du style d’un cinéaste comme Lelouch. Cependant, malgré cette évolution de style, le réalisateur semble malgré tout toujours fidèle à sa garde rapprochée, et dirige à nouveau Romain Duris (sixième film ensemble) et Zinedine Soualem (qui aura été de tous ses films). Ce film semble ainsi s’inscrire dans une nouvelle tendance d’hommage cinématographique à la ville de Paris, avec des films comme le collectif « Paris je t’aime », « Dans Paris » de Honoré, ou encore les films de ou avec Julie Delpy comme « 2 days in Paris » et « Before sunrise ». Si Klapisch était clairement animé par une volonté de réhabiliter Paris pour son caractère, ses charmes, et son énergie, le réalisateur a également souhaité y intégrer une donne plus littéraire qui le touche particulièrement, en rattachant à la capitale un sentiment de spleen. Projet assez lourd et complexe en raison des nombreux acteurs, le tournage du film s’est étalé sur 14 semaines, de la fin 2006 au début de l’année 2007.

 

« ça fait une heure qu’on se promène sur ton chantier et tu vois même pas que je vais pas bien. J’arriverais jamais à être comme toi. Un mec normal »

 

Film singulier et surprenant, ce « Paris » s’avère être une agréable surprise. Si la bande-annonce, portée par une musique savoureuse, attisait la curiosité et laissait entrevoir un film plutôt réussi, ce genre d’entreprise, centrée autour d’un lieu ou d’une ville, laissait cependant craindre que le réalisateur puisse tomber dans le piège du cliché, de la carte postale touristique parfaite pour l’exportation du film. Mais Cédric Klapisch est un réalisateur talentueux, intelligent, et trop expérimenté pour tomber dans ce genre de pièges. Si Paris est bien évidemment omniprésente en arrière-plan, le choix de s’intéresser (comme souvent chez Klapisch) à la vie de personnages totalement ordinaires, filmés avec une grande bienveillance, donne justement un côté très humain à la ville. Explorant un registre plus sombre et plus dramatique qu’à l’accoutumée, le réalisateur décide ici de parler de la mort, et d’y confronter directement ou indirectement ses personnages, non pas pour créer une ambiance morbide, mais au contraire pour y faire ressortir une forme de vitalité et de chaleur, en renforçant les relations entre les personnages, en exacerbant les sentiments, et en faisant ressortir une forme d’espoir. Cette chronique douce-amère et nostalgique s’en retrouve ainsi bourrée de charme et d’émotions. Pourtant, ce « Paris » souffre clairement de sa durée : si le film démarre tambour battant, présentant intelligemment tous les personnages du film, et n’hésitant pas non plus à distiller quelques touches d’humour allégeant un peu la teneur dramatique de son histoire, le film semble cependant s’embourber un peu une fois passée la première heure. Dès lors, le rythme se ralentit sensiblement, et un certain nombre de scènes dispensables (le coup des mannequins à Rungis, celle du rêve de Cluzet, ou encore la soirée chez Duris) viennent plomber le récit comme autant de longueurs malvenues. Tout ceci est assez dommage, car certains personnages, potentiellement forts et intéressants (Gilles Lellouche et Julie Ferrier), ou simplement savoureux (Karin Viard), sont trop peu exploités, quelque peu sacrifié, et auraient du bénéficier du temps impartis à ces scènes trop longues et peu justifiables. Klapisch n’oublie pas non plus de poser un certain nombre de questions sur Paris: si la ville s’avère toujours aussi dynamique et attractive, jouissant d’une image de luxe et de richesse, il n’oublie pas pour autant de rappeler qu’il y a dans tout cela une part de miroir aux alouettes, faite de solitude et de précarité, comme le rappelle le personnage du SDF, et surtout le personnage de l’immigré camerounais, traversant au péril de sa vie l’Afrique et la Méditerranéenne pour rejoindre un monde qu’il espère meilleur pour lui. Pour autant, la carte postale qu’il compare à la fin du film avec la vue sur la ville réelle, laisse aussi présager d’une réalité beaucoup moins idyllique.

 

« Ta vie, elle est loin d’être finie. Si ça se trouve, elle a même pas encore commencé. Si tu crois pas en toi, moi je crois en toi »

 

Côté réalisation, Klapisch semble toujours affirmer et affiner son style. Son sens du cadrage, de l’utilisation de la musique, et du montage, sont à ce titre en tout point admirables. La photographie du film, ainsi que son éclairage assez gris, comme un ciel d’hiver, sont de très bonne qualité, créant une atmosphère particulière, une dynamique, comme si la froideur ambiante devait rapprocher inéluctablement les personnages les uns avec les autres. Mais plus que tout, Klapisch se distingue par la qualité de sa direction d’acteur : il aime ses acteurs, il aime les diriger, et cela se sent. On passera sur la déception Romain Duris, qui, une nouvelle fois, nous livre une non-performance, un jeu assez creux laissant passer trop peu d’émotions. Car derrière, c’est Juliette Binoche, nouvelle venue dans l’univers du réalisateur, qui livre une très belle prestation. Toute en grâce et en retenue, elle illumine littéralement le film par sa beauté et par ses belles émotions. Derrière, les autres acteurs assurent tout aussi brillamment. Fabrice Luchini, bien que toujours un peu dans le même rôle, se montre particulièrement touchant, faisant preuve d’une belle sensibilité. Même chose pour Albert Dupontel et Julie Ferrier. Peut-être moins en vues, les performances de François Cluzet, Mélanie Laurent, et Gilles Lellouche, sont toutes aussi convaincantes.

 

« Ils savent pas la chance qu’ils ont ceux-là de pouvoir marcher, courir, râler, être en retard. De pouvoir être juste comme ça, insouciant dans Paris »

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 Au final, ce « Paris » est plutôt bon, tenant globalement ses promesses. Cédric Klapisch relève parfaitement le défi du récit éclaté, avec de nombreux personnages à faire exister. Son passage à un registre plus sombre est également intéressant, le réalisateur n’oubliant jamais également de s’interroger sur le statut de cette ville si particulière : derrière son image de ville des plaisirs et du luxe, se cache un envers du décor moins reluisant, la ville étant aussi constituée d’un nombre incroyable de petites solitudes. Si sa réalisation est toujours aussi affûtée et de qualité, on pourra cependant reprocher à son film un certain nombre de longueurs, combinées à une baisse de régime sur la fin. Pour autant la qualité du scénario et des dialogues, ainsi que le très bon niveau d’ensemble de l’interprétation, à la hauteur du prestige du casting, permet au film de tourner efficacement et de s’imposer d’ores et déjà comme l’un des meilleurs films français de 2008.

 



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Q
3 étoiles pour moi aussi, j'ai aimé le film pour sa multitude d'acteurs. <br /> J'ai lu ton commentaire sur le blog de fritz et je pense la même chose pour Romain Duris(transparent).
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M
Un film émouvant et touchant. Certes, pleins de défauts mais comme on en ressort le coeur léger, on lui pardonne volontiers.
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B
Dommage en effet cette baisse de régimes et certaines scènes sinon inutiles du moins trop longues au détriment d'autres qui aurait regaussées le niveau. Excellents acteurs actrices, même Lucchini que j'appréhende mal habituellement. Duris ? indécrotablement Duris, il n'y a rien à en tirer de plus. Film à voir et sans aucun doute à revoir avec plaisir.
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