Fido
« Quelle terrible chose cette guerre des zombies : des familles entières qui se tiraient dessus »
Il faut bien reconnaître que luvre du réalisateur canadien Andrew Currie est franchement méconnue de par chez nous. Bien que réalisateur dune poignée de films et de téléfilms, « Fido » est, à ma connaissance, son premier film à sortir de ce côté-ci de lAtlantique. Raison de plus pour aller découvrir un nouvel univers cinématographique ! Dautant que ce « Fido » bénéficiait de quelques bonnes critiques, et que la bande-annonce semblait annoncer un ovni au milieu des grosses productions de cet été. Impressions.
« Je tuerais ma femme sans hésiter sil le fallait »
Lhistoire :
Suite à un nuage radioactif, les morts sont revenus sur Terre sous la forme de zombies. Après une terrible guerre entre vivants et zombies, la société Zomcon, qui semble désormais régir le monde, a inventé un collier électronique permettant de domestiquer les zombies. Du coup, les vivants les ont astreint aux tâches les plus contraignantes. Parfaits en ouvriers, jardiniers, livreurs, majordomes, ou même objets sexuels, les zombies sont partout dans la société. Timmy, un jeune écolier, regarde tout cela avec beaucoup de dédain, jusquau jour où, pour convenance sociale, sa mère en achète un pour chez eux. Si au début Timmy se sert de son zombie comme dun objet à tout faire, une relation damitié finit par naître peu à peu, et Timmy va jusquà lui donner le nom de Fido (parfait nom de chien domestique). Mais quand le collier de ce dernier connaît quelques petites pannes, de drôles de disparitions sont signalées dans le quartier
« De la poussière tu es venu, à la poussière tu retournas, de la poussière tu ne reviendras pas »
Il est frappant de voir combien le film de Wright, « Shaun of the dead » (2005), a marqué les esprits par sa créativité et a ouvert des voies. Car ce « Fido », par son ton décalé et particulier, sinscrit clairement dans la lignée des films de zombie comico-gore. Gros délire gentiment régressif au premier abord, le film marque surtout par son univers visuel très soigné. Laction se situe en effet à une époque qui se veut intemporelle mais qui est clairement marquée comme étant les années 50, dans une espèce de banlieue pavillonnaire calme et proprette, pour classes moyennes. Cette univers années 50, trop lisse, trop calme, trop vernissé ressemble à sy méprendre à celui du très bon « Pleasentville » de Gary Ross (1998). Dans ce monde aseptisé en apparence, Currie développe un scénario légèrement barré dans lequel on retrouve des enfants qui apprennent le tir contre zombie à lécole, des personnes armées jusquau dent, un voisin qui culbute gentiment sa zombie domestique, des zombies qui bouffent des vieux, et des adultes qui vident leurs chargeurs sur des gamins un peu teignes. Le contraste est saisissant, et très vite, cette farce recèle quelques bons moments subversifs et jouissifs.
« Je sais que tu ne devrais pas posséder une arme avant tes douze ans révolus, mais on est jamais trop prudents »
Sans pencher vers lhumour très anglais et délirant de « Shaun of the dead », tout en références, flegme et gros délire, « Fido » se démarque et soffre le luxe davoir son univers propre. Et ce dautant plus que le film propose gentiment, sans jamais pousser la chose trop loin, une critique de la société américaine, ou du moins, une réflexion sur celle-ci. Société fondée sur les apparences et le communautarisme (la rue est peuplée de blancs, plutôt aisés, ceux qui le sont un peu moins font leur possible pour essayer de se montrer au même niveau que les autres, doù larrivée de Fido dans la famille du héros qui était la seule de la rue à ne pas posséder de zombie), où on se gargarise des guerres antérieures sans en tirer la moindre leçon, où les armes tiennent une place primordiale et renforcent un peu plus le caractère égoïste, violent et paranoïaque de la société. Les zombies, ceux qui nappartiennent pas à ce monde par définition, sont réduits aux tâches les plus ingrates (travail à la chaîne, travaux domestiques, livraisons), dans des conditions semblables à lesclavage (attachés avec une chaîne dès que le travail est fini, promenés en laisse, souvent humiliés). Comment ne pas y voir là encore une jolie métaphore sur la manière dont sont traités ceux qui nappartiennent pas réellement à cet univers (certaines minorités, clandestins, immigrés, étrangers ). Pour se jouer des préjugés, il nous offre même une vision personnelle selon laquelle certains vivants paraissent plus chiants que les morts, et certains morts plus attachants que les vivants (Fido ressemble davantage à un père et un mari idéal que le propre père de Timmy).
Au niveau de la forme, la mise en scène est soignée. On regrettera cependant quelques longueurs, et un manque de maîtrise du rythme du film. Celui-ci a néanmoins le mérite dimposer un univers qui lui est propre et de ne pas se limiter à létalage de références mais au contraire de savoir les transcender. On retiendra également les prestations très savoureuses de Carrie-Ann Moss, formidable en femme au foyer charnelle et insatisfaite, et de Billy Connolly en zombie doué de sentiments.
« Je suis un très bon père : mon père a essayé de me manger, moi je nai jamais mangé Timmy »
Avec ce « Fido », Andrew Currie se glisse parfaitement dans la brèche des films de zombies à la fois comiques et gore, ouverte par lexcellent « Shaun of the dead ». Si le film regarde obligatoirement, par son synopsis, vers le film de Wright, Currie réalise un coup de maître en développant un univers qui lui est très personnel et qui ne ressemble pour le coup à rien dautre. Avec un scénario barré et gentiment subversif et critique à légard de la société américaine, il signe une uvre intéressante et originale, hélas diminuée par quelques problèmes de rythme. Sans avoir le potentiel pour devenir un gros succès commercial ni un film culte, ce « Fido » est néanmoins une comédie surprenante, révélant de belles surprises et réservant quelques jolies scènes comiques. Une agréable découverte.
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