Grace is gone
« Quand elle est partie pour le front, les adieux nont pas été très durs : jétais fier de la voir partir »
La vie de Stanley Philips, père de deux petites filles, bascule le jour où on lui annonce le décès de sa femme, Grace, tuée au combat en Irak. Comment faire face et annoncer à sa filles que leur mère ne reviendra pas ? Décontenancé et paumé, Stanley, dordinaire autoritaire et strict, part sur un coup de folie avec ses filles à destination dun parc dattraction de Floride. Histoire de repousser linstant fatidique où il devra faire face à son chagrin et à celui de ses filles en leur annonçant la nouvelle. Un long voyage en voiture commence, permettant de resserrer les liens et redonner vie à une famille brisée
« Je voulais juste te dire que les filles et moi on va bien. On va soffrir un petit voyage. Tout va bien, ne tinquiète pas »
.
Ecrit en réaction face au barrage médiatique de ladministration Bush autour des morts en Irak, « Grace is gone » est le premier long du réalisateur James C. Strouse. Scénariste avant tout, Strouse sétait fait remarqué en signant le scénario du « Longsome Jim » réalisé par Steve Buscemi en 2005. Auteur du scénario, Strouse navait pas prévu de réaliser le film, tâche qui devait incomber à lexpérimenté Rob Reiner (« Quand Harry rencontre Sally »). Ce nest quaprès labandon de celui-ci que Strouse sest lancé dans cette aventure. Produit par son interprète principal, John Cusack, « Grace is gone » peut se vanter davoir un autre nom prestigieux à son générique, en loccurrence celui de Clint Eastwood, qui en a composé la bande musicale. Présenté dans de nombreux festivals, « Grace is gone » a reçu le Prix de la Critique internationale au Festival de Deauville en 2007, ainsi que le Prix du Public au Festival de Sundance 2007.
« Il avait tellement gobé leurs conneries patriotiques que votre père aurait fait nimporte quoi pour sengager. Dailleurs il a triché. Cependant, cest aussi une bonne chose puisque cest là quil a rencontré votre mère et quils sont tombés immédiatement fous amoureux lun de lautre »
Sur le papier, « Grace is gone » semblait bénéficier dun scénario potentiellement fort, à la fois original et émouvant. En effet, ce dernier permettait de toucher à deux thématiques fortes : tout dabord une thématique sociologique et dactualité, avec le décès au front dune femme soldat laissant derrière un mari et des enfants, et ensuite une thématique liée au deuil et à la difficulté dannoncer et de surmonter ce dramatique événement pour un père strict et autoritaire qui narrive plus à communiquer avec ses filles. Si la deuxième thématique nétait pas forcément très inédite, la première bénéficiait cependant dune grande originalité, sinscrivant de fait dans lévolution récente de la société avec l'inversement des rôles hommes/femmes, et promettait un regard assez neuf sur la guerre en Irak, sujet brûlant qui passionne et divise les américains. Hélas, pour cela il aurait fallu que Strouse soit un scénariste digne de nom, capable de prendre des risques, de critiquer, et de sortir des sentiers battus. Au lieu de ça, il nous promène sur pas loin de deux heures le long dun road movie interminable, où les bons sentiments prennent définitivement le pas sur tout regard critique à légard de la conduite de la guerre en Irak et de ce quelle fait endurer tant aux irakiens quaux américains. Bien sûr, on a droit à deux trois échanges virulents sur Bush (avec le personnage du frangin, idéaliste profondément démocrate et anti-guerre, celui-ci est forcément présenté comme un trentenaire looser chômeur vivant aux crochets de sa mère!), mais le naturel revient vite au galop, et Strouse nous ressort malgré lui linévitable couplet patriotique. Sortez les violons : Grace est morte mais en accomplissant son devoir pour lAmérique, les gens comme elle se battent pour défendre les libertés essentiels des américains, et oui Stanley a triché pour rentrer dans larmée tout patriote quil était, cest dailleurs là quil a rencontré Grace. La rengaine classique au moralisme des plus douteux et écurant. Dès lors, pas grand chose de passionnant à se mettre sous la dent : le voyage sur la route devient anecdotique, tout comme la difficile relation père/filles et famille/deuil, traitée cependant avec une jolie pudeur.
« - Tu penses que Maman aurait du rester avec nous à la maison ?
- Je le pense tout le temps. Mais elle devait partir pour accomplir son devoir »
.
Côté réalisation, Strouse se perd dans une mise en scène sans souffle et sans envergure. Pire, il se vautre dans le piège dune réalisation très « illustrative », appuyée par une symbolique lourdingue et facile (la route comme voyage initiatique vers la rédemption et le deuil, lannonce fatidique du décès de la mère ne se fait quune fois sortie du parc dattraction dénommé « Jardins enchantés » comme pour bien souligné la perte de linnocence des gamines). Tout juste retiendra-t-on la musique, discrète, du vieux Clint. Côté interprète, John Cusack, légèrement transformé physiquement pour le rôle, prouve par létendue de son talent quil est un acteur définitivement trop rare. Omniprésent devant la caméra de Strouse, ce dernier fait létalage de toute sa palette avec une grande subtilité, livrant une prestation impeccable. A ses côtés, les deux jeunes actrices interprétants ses filles sont également très convaincantes et très matures pour leur âge, renvoyant parfaitement la balle à Cusack. Une interprétation de qualité qui narrive cependant pas à relever le niveau dun film mal écrit, mal réalisé, et qui derrière une vision en apparence provocatrice et critique par rapport à la guerre en Irak (qui fait aussi de petits orphelins dans la population américaine), ne peut sempêcher de distiller de douteux relents de patriotisme. Très dispensable.
Commenter cet article