Les insoumis
« Ce que je vous demande, cest de vous fondre dans le paysage. Ici, on fait de la main courante, cest tout. »
Drieu est un policier en fin de parcours usé, brisé, grillé. Ce mystérieux Capitaine de la B.R.B se retrouve muté dans un improbable commissariat de province promis à une démolition dans les six mois, au cur d'une ville industrielle perdue au bout de l'Etang de Berre, entre pollution et canicule. Ici, le Commissaire Vasseur et son équipe Jean-Ba - Wazeme - Katiha, sont démobilisés. Plus personne n'y croit. Laxisme et désillusion sont de règle, ce qui arrange les "affaires" de la pègre locale rendue insaisissable et toute puissante. Entre l'envie d'en finir avec lui-même et celle de se battre pour sa propre survie, Drieu choisit de s'accrocher comme à une bouée à la Main Courante du Commissariat, cet épais recueil des PV et des interventions de la police urbaine. Délits minables et dépôts sans espoir de plaignants, la Main Courante est un échantillon de la misère humaine et du mal de vivre d'un monde à la dérive. Tout y paraît insignifiant... Et pourtant...
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« Dans le secteur, il y a des armes, de la drogue, et des moudjahidin un peu partout. Ils nous emmerdent pas, on ne les emmerde pas »
Réalisateur et scénariste de télévision, Claude-Michel Rome a déjà une riche carrière constituée de nombreux téléfilms et autres séries. A son actif, on lui doit notamment le téléfilm multiprimé « Dans la tête du tueur », sur le tueur en série Francis Heaulme, interprété magistralement par Thierry Fremont, ainsi que des sagas estivales telles que « Zodiaque » et « Les maîtres du zodiaque ». Il lui aura donc fallu près de 15 ans de carrière pour se voir offrir loccasion de réaliser son premier long de cinéma. Un polar inspiré par « les tueries du Brabants », tragique fait divers belge des années 80 marqué par une succession de braquages meurtriers et jamais réellement élucidés, dont une des thèses en imputerait la responsabilité à des policiers voulant déstabiliser le pouvoir en place. Un sujet riche et difficile qui promettait forcément un polar ambitieux. Loccasion pour Claude-Michel Rome de retrouver Zabou Breitman, avec qui il était étudiant au Cours Florent.
« La main courante dun commissariat, cest un peu comme la boite noire dun avion »
Ça commençait bien : Richard Berry en flic détruit, de nouveaux collègues corrompus ou vaincus dans lâme, le réalisateur Claude-Michel Rome avait toutes les cartes en main pour nous pondre un bon film de genre, bien sombre comme il faut. Pourtant la mayonnaise ne prend jamais. La faute à un réalisateur qui se vautre dans la caricature. En premier lieu desquelles, il y a les décors : le commissariat de quartier en taules ondulées et délabrées, au milieu dune décharge déserte et des usines Seveso, il ny a rien de crédible. Rajoutons à cela un goût prononcé pour les hôtels miteux et les voitures crasseuses, et on touche le fond du ridicule. Ensuite, il y a lintrigue à proprement parlée : le scénario méandreux et labyrinthique se perd en dinnombrables intrigues secondaires assez inutiles (la fouille des sacs dans la décharge, le combat de boxe, la partie de roulette russe, le coup du parcmètre, etc
), qui ne servent quà introduire maladroitement des indices qui permettront à Richard Berry de réunir toutes les pièces dun puzzle dont on aura rapidement lâché prise lors dun rapide flash-back raté. Enfin, il y a cette scène finale, inspirée (on dirait bien « copiée » si le film pouvait seulement faire jeu égal avec les originaux) de lassiègement de « Assault » de Carpenter. Un effet dautant plus mauvais quil est en totale rupture avec la volonté de réalisme affichée jusque là. Celui-ci tourne dautant plus court que laffrontement entre les 6 policiers enfermés et léquipe de bodybulders et de camionneurs suréquipés ne tient jamais la route. Sans compter quon se demande jusquau bout comment Richard Berry a pu rentrer dedans sans se faire voir de personne ? Reste un scénario sans originalité et complètement plat, basé sur des rebondissements à deux balles, et qui ne nous épargne pas un certain nombre de dialogues affligeants, du type « - Il ny a que vous pour le sauver, vous êtes un homme bien. Je nai jamais dis que jétais quelquun de bien ».
« Cest plus un commissariat, cest juste des douaniers à la frontière dune zone de non-droit »
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Manque de moyens ou habitude de réaliser des téléfilms, toujours est-il que le réalisateur nous livre un film formellement bien fade. Sans envergure ni ambition, avec des effets visuels kitchs au possible, ces « Insoumis » ressemblent à sy méprendre à un vulgaire épisode de « Navarro » ou de « PJ ». On demeure bien loin de lefficacité et de la modernité des polars américains. Pire, on reprochera au réalisateur de sombrer dans la facilité dune mise en scène ultra illustrative, comme cette arrivée du héros en train au beau milieu de nulle part avant son départ lors de la dernière scène par ce même train. Le jeu des acteurs vient relever quelque peu cette mise en scène franchement insuffisante, et ce malgré laspect ultra caricatural des personnages. Si Richard Berry se montre toujours globalement à la hauteur, on déplore cependant que son rôle nait pas été confié à un acteur plus ravagé et buriné. Dautant que ce dernier sest fait une spécialité des rôles de flics solitaires et intègres. De même, Pascal Elbé narrive jamais à faire vivre pleinement son personnage de flic ambigu, naviguant dans les eaux de lillégalité. Finalement, cest dans les seconds rôles quon trouvera le plus de satisfaction, notamment avec Bernard Blancan, Zabou Breitman, ou encore Aïssa Maïga. Pas suffisant pour relever le niveau de ce film bâclé ressemblant plus à un téléfilm quà un vrai film de cinéma. Dommage cependant, car lidée de base, bien que nétant pas éblouissante doriginalité, promettait un très honnête polar. Vous avez dit gâchis ?
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