Les invasions barbares
« - Pas trop dur de voir son mari à lhôpital ?
- Ça fait quinze ans que je lai mi dehors de la maison, alors quil soit là ou dehors à sauter ses étudiantes, ça ne change pas grand chose à mes yeux »
Montréal. Rémy, prof de fac quinquagénaire et divorcé se retrouve cloué dans un lit dhôpital. Sa maladie semble devoir le condamner rapidement. Louise, son ex-femme rappelle en urgence Sébastien, leur fils, qui travaille dans la finance à Londres. Après une longue hésitation, compte tenu du peu de relations que celui-ci entretien avec son père, il décide de rentrer à Montréal pour les soutenir en compagnie de sa compagne. Face au désolant spectacle quil découvre son père dans une chambre délabré occupé par plusieurs malades, dautres qui sentassent dans les couloirs de cet hôpital public, sa solitude permanente Sébastien décide de jouer de ses talents de négociateurs et de ses facilités financières pour améliorer les conditions de soins de son père. Outre la chambre privé quil fait réaliser pour lui dans lhôpital, et lhéroïne quil lui procure par le biais de la fille dune amie, elle-même junkie, il fait également venir à son chevet tous ses anciens amis. Mais lheure de la cinquantaine est aussi lheure des bilans, et ce dautant plus lorsque la mort nest pas loin. Ces anciens soixante-huitards se retrouvent ainsi face à leurs propres contradictions, dans une société qui na pas toujours évolué comme ils le souhaitaient
« Tu connais le proverbe : Pâques au scanner, Noël au cimetière »
17 ans après son succès planétaire du « Déclin de lempire américain », Denys Arcand nous livre une fausse suite, avec ses « Invasions barbares », sortie en 2003. Bien quil existe un certain nombre de similitudes entre les deux films, telles que la présence des mêmes acteurs dans les deux films (à lexception notable de lhumoriste Stéphane Rousseau et de sa fiancée Marina Hands, ainsi que de Marie-Josée Croze, qui nétaient pas présents il y a 17 ans et qui interprètent les enfants de la génération précédente), ou encore la même forme stylistique, sous forme de discussion entre amis autour de sujets de la vie, cette fois plus grave puisque la mort y est omniprésente. Notons également que si les acteurs sont les mêmes, les personnages quils interprètent dans les deux films ne sont pas les mêmes. « Les invasions barbares » ont été largement saluées à travers le monde à travers plusieurs récompenses majeures. Outre les Césars et les Génies (équivalents Québécois), le film a reçu lOscar du meilleur film étranger, et le Prix du scénario à Cannes, ainsi que le Prix dinterprétation féminine pour Marie-Josée Croze.
"Je me suis couché tous les soirs avec les plus belles femmes du monde, et un jour j'ai rêvé à la Mer des Caraïbes. C'est là que j'ai compris que j'étais devenu vieux."
Sur une tonalité tragi-comique, Arcand nous livre plusieurs histoires qui se croisent. Celle dun homme qui renoue avec son passé et ce quil comporte damis et de vieilles maîtresses, celle dun père et dun fils qui tentent de se découvrir et de se rencontrer avant quil ne soit trop tard, et enfin celle dun bilan quils tirent dune vie et dune époque. Anciens soixante-huitards devenus pour la plupart bobos ou assimilés bobos, la petite bande profite du décès prochain pour se retrouver. Leurs conversations portent essentiellement sur leurs idéaux déçus, leurs combats déchus, mais aussi leurs souvenirs quils ressassent à tout bout de champs et qui mêlent en vrac amitié, 400 coups et sexe. Si lidée - pas forcément originale - de départ, pouvait laisser entrevoir un film fort et plein démotions, Arcand rate quelque peu sa cible. La faute principalement à des personnages qui parlent sans discontinuer et avec une suffisance incroyable des évènements politiques et personnels de leurs vies, et qui citent et débattent sur un ton péremptoire de philosophie absconse. Avec de tels personnages, qui se complaisent à être aussi pédants et impudiques, et des dialogues trop larmoyants, Arcand ne permet jamais vraiment à ses spectateurs de sattacher à ses personnages ou de sémouvoir de leur sort.
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"Je pars sans avoir appris quelque chose. Je n'ai pas réussi à trouver à un sens. C'est ça qu'il faut chercher"
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Portrait excessif de deux générations et d'une époque, le scénario de Arcand pue quand même la facilité et la fumisterie. Avec d'un côté des anciens soixante-huitards qui ont évolué au gré des différents courants socialistes à la mode, et qu'on retrouve toujours fiers de leurs faits (ils laissent en effet une société peu glorieuse qui n'a d'humaniste que ses principes - l'hôpital public ressemble à une bétaillère, les soins pointus sont administrés aux USA - une société sclérosée et corrompue qui plus est, comme nous le montre la présence du syndicat. Une société également où se complait dans un anti-cléricalisme primaire et ringard, et où la drogue se consomme aussi aisément que le reste), et de l'autre les enfants des invasions barbares, fers de lance d'un système injuste, égoïste, où tout se règle à coups de dollars, Arcand ne prend pas trop de risques et nous livre du coup un constat très caricatural de nos sociétés.
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"J'ai eu beaucoup de plaisir à vivre cette modeste vie en votre compagnie, et ce sont vos sourires que j'emporte avec moi"
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Avec une mise en scène sans grande inventivité, et un brin mollassonne, Arcand nous livre un film assez moyen sur la mort et le bilan de nos sociétés occidentales. Avec un scénario trop caricatural (ces anciens soixantes-huitards prétencieux et nombrilistes sont très vite agassants), et des enjeux scénaristiques sacrifiés bêtement (on ne verra pas l'évolution de la relation père/fils - ce dernier personnage étant pour le coup le vrai sacrifié du scénario - si ce n'est dans l'accolade qu'ils se donnent avant la mort programmée du père), le film ne parvient jamais réellement à émouvoir. Les acteurs ne sont pas toujours pour le coup au top niveau, mais les dialogues de certaines scènes paraissent tellement artificiels qu'on ne leur en tiendra pas rigueur. Un film distrayant mais bien moyen tout de même, qui ne méritait pas en tous cas toutes ces récompenses.
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