12 hommes en colère
« Sil existe en vous le moindre doute concernant la culpabilité de laccusé, il vous faudra lacquitter. Dans le cas contraire, le condamner. Une grande responsabilité vous incombe. »
« Douze hommes en colère » est un film réalisé en 1957 par Sidney Lumet, qui signe alors son premier long pour le cinéma. Inspiré dune pièce de théâtre de Reginald Rose, le film a reçu lOurs dor du Festival de Berlin la même année. Sil sest spécialisé depuis dans les films de procès, Sidney Lumet signait pour son premier long un véritable coup de maître. Même sil nest pas à lorigine de ce projet, initié en fait par Henry Fonda, également producteur et acteur principal du film, Lumet réalise ici un film original, particulièrement maîtrisé, et devenu depuis un grand classique du cinéma américain de lépoque. Retour sur un chef duvre.
« Quon en finisse, jai mes billets pour le match ! »
Lhistoire :
New York. Suite à un long procès mettant en cause un jeune homme dorigine modeste pour lassassinat de son propre père, un jury composé de douze hommes se retire pour délibérer. Pressés den finir et sans doutes particuliers, ils décident dentrée de voter. A onze voix contre une, le jeune homme est jugé coupable. Mais une décision ne pouvant être adopté quà lunanimité, un long débat commence alors, entre des hommes très sûrs deux et sans état dâme, et un homme qui laisse place aux doutes et qui tente de convaincre ses condisciples que la vérité nest pas si évidente
« Vous avez le droit de faire récuser le jury. Il sera rejugé mais le résultat sera le même. »
Huis clos pour sujet grave, ce film, inspiré dune pièce de théâtre se construit comme telle devant la caméra de Lumet. Ce dernier opte dailleurs pour une mise en scène épurée, sans fioritures, et surtout sans réels effets esthétisants. Le film se déroule ainsi dans sa quasi intégralité dans un unique décor, une pièce froide et austère, complètement fermée (la porte est gardée, les fenêtres souvrent difficilement et doivent être refermées en raison de lorage), et dans laquelle il fait une chaleur à mourir (climatisation en panne), renforçant lidée dune atmosphère étouffante et clostrophobique, et dun débat fermé et oppressant. Cest dans ce décor dune salle de délibération que le juré n°8, Henry Fonda, va affronter seul contre tous, les autres personnes ayant la responsabilité denvoyer ou non sur la chaise un jeune homme dorigine modeste.
Le film repose sur un scénario parfaitement écrit, dans lequel ne figurent que les douze jurés.
Aucun deux ne sera appelé par un nom ou un prénom, mais tous auront un numéro pour les reconnaître. Et un caractère bien distinct. Dans un anonymat total, dans une ambiance impersonnelle, ils pourront décider du sort de laccusé.
Ceux-ci vont reprendre un par un les éléments et les témoignages passés en revue lors du procès, mais nous ne verrons jamais alors ni juge, ni accusé, ni témoins. Si la démonstration et les arguments qui réfutent la culpabilité de laccusé, à laquelle presque tout le monde semble croire dentrée, ne sont pas toujours probants, le tout repose sur la défense de lidée de la présomption dinnocence.
« Nous essayons de faire exécuter le coupable et vous venez nous raconter des histoires »
Au-delà de sa forme spécifique, la force du film repose sur son propos humaniste, incarné par le personnage dHenry Fonda, qui, telle la justice, affronte seul et obstinément linjustice et en vrac tout ce qui la caractérise : les idées reçus (jurés 3 et 4), la bêtise (juré 7), le racisme (juré 10) et la facilité (juré 1 et 12). Emporté par sa seule conviction et son courage, Fonda va ainsi tenir sobrement tête à tous, sans jamais ni sénerver, ni sombrer dans la provocation qui lui ai constamment faite. Mieux, sans jamais apporter de preuve majeure à linnocence de laccusé, il démontre simplement que le doute est possible sur chaque point de laccusation, et arrive à convaincre successivement tous ces condisciples, même les plus réticents, ceux que leur propre contradiction empêche de reconnaître lévidence. Ode contre linjustice, la peine de mort, la ségrégation, le racisme, les jugements faciles et hâtifs, le regard faussé des bourgeois de la middle class sur les classes populaires, ce film apporte un message humaniste et moderne fort, comme un pied de nez à un peuple alors très marqué par des classes sociales ne se mélangeant pas, et par un état desprit paranoïaque tissé par la Guerre Froide. Le film sort en effet à peu près un an après la fin du Maccarthysme, où à force de dénonciation, de suspicion et dinterrogatoires, le gouvernement à mené une véritable chasse aux sorcières dans la société, visant notamment les élites intellectuelles et artistiques, et réduisant à la fois la liberté dexpression et les libertés individuelles sous prétexte de sécurité nationale. Pas étonnant de retrouver dailleurs le très engagé et humaniste Henry Fonda à lorigine du projet. Ironie du sort, le plus têtu des juré, le numéro 3, est interprété par Lee J. Cobb, lun des délateurs les plus actifs de Hollywood.
« Il est toujours difficile de se garder des préjugés. Ils masquent toujours la vérité. »
Film protestataire et humaniste sil en est, « 12 hommes en colère » reste un véritable chef duvre du septième art. Dirigé dune main de maître, porté par douze comédiens impeccables, Henry Fonda en tête, il délivre un message humaniste, un plaidoyer pour une plus grande justice, loin de tout préjugés et de tout racisme. Un vrai message universel. Un grand film, à voir absolument.
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