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10 Aug

12 hommes en colère

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« S’il existe en vous le moindre doute concernant la culpabilité de l’accusé, il vous faudra l’acquitter. Dans le cas contraire, le condamner. Une grande responsabilité vous incombe. »

 

« Douze hommes en colère » est un film réalisé en 1957 par Sidney Lumet, qui signe alors son premier long pour le cinéma. Inspiré d’une pièce de théâtre de Reginald Rose, le film a reçu l’Ours d’or du Festival de Berlin la même année. S’il s’est spécialisé depuis dans les films de procès, Sidney Lumet signait pour son premier long un véritable coup de maître. Même s’il n’est pas à l’origine de ce projet, initié en fait par Henry Fonda, également producteur et acteur principal du film, Lumet réalise ici un film original, particulièrement maîtrisé, et devenu depuis un grand classique du cinéma américain de l’époque. Retour sur un chef d’œuvre.

 

« Qu’on en finisse, j’ai mes billets pour le match ! »

 

L’histoire :

 

New York. Suite à un long procès mettant en cause un jeune homme d’origine modeste pour l’assassinat de son propre père, un jury composé de douze hommes se retire pour délibérer. Pressés d’en finir et sans doutes particuliers, ils décident d’entrée de voter. A onze voix contre une, le jeune homme est jugé coupable. Mais une décision ne pouvant être adopté qu’à l’unanimité, un long débat commence alors, entre des hommes très sûrs d’eux et sans état d’âme, et un homme qui laisse place aux doutes et qui tente de convaincre ses condisciples que la vérité n’est pas si évidente…

 

« Vous avez le droit de faire récuser le jury. Il sera rejugé mais le résultat sera le même. »

 

Huis clos pour sujet grave, ce film, inspiré d’une pièce de théâtre se construit comme telle devant la caméra de Lumet. Ce dernier opte d’ailleurs pour une mise en scène épurée, sans fioritures, et surtout sans réels effets esthétisants. Le film se déroule ainsi dans sa quasi intégralité dans un unique décor, une pièce froide et austère, complètement fermée (la porte est gardée, les fenêtres s’ouvrent difficilement et doivent être refermées en raison de l’orage), et dans laquelle il fait une chaleur à mourir (climatisation en panne), renforçant l’idée d’une atmosphère étouffante et clostrophobique, et d’un débat fermé et oppressant. C’est dans ce décor d’une salle de délibération que le juré n°8, Henry Fonda, va affronter seul contre tous, les autres personnes ayant la responsabilité d’envoyer ou non sur la chaise un jeune homme d’origine modeste.

Le film repose sur un scénario parfaitement écrit, dans lequel ne figurent que les douze jurés.

Aucun d’eux ne sera appelé par un nom ou un prénom, mais tous auront un numéro pour les reconnaître. Et un caractère bien distinct. Dans un anonymat total, dans une ambiance impersonnelle, ils pourront décider du sort de l’accusé.

Ceux-ci vont reprendre un par un les éléments et les témoignages passés en revue lors du procès, mais nous ne verrons jamais alors ni juge, ni accusé, ni témoins. Si la démonstration et les arguments qui réfutent la culpabilité de l’accusé, à laquelle presque tout le monde semble croire d’entrée, ne sont pas toujours probants, le tout repose sur la défense de l’idée de la présomption d’innocence.

 

« Nous essayons de faire exécuter le coupable et vous venez nous raconter des histoires… »

 

Au-delà de sa forme spécifique, la force du film repose sur son propos humaniste, incarné par le personnage d’Henry Fonda, qui, telle la justice, affronte seul et obstinément l’injustice et en vrac tout ce qui la caractérise : les idées reçus (jurés 3 et 4), la bêtise (juré 7), le racisme (juré 10) et la facilité (juré 1 et 12). Emporté par sa seule conviction et son courage, Fonda va ainsi tenir sobrement tête à tous, sans jamais ni s’énerver, ni sombrer dans la provocation qui lui ai constamment faite. Mieux, sans jamais apporter de preuve majeure à l’innocence de l’accusé, il démontre simplement que le doute est possible sur chaque point de l’accusation, et arrive à convaincre successivement tous ces condisciples, même les plus réticents, ceux que leur propre contradiction empêche de reconnaître l’évidence. Ode contre l’injustice, la peine de mort, la ségrégation, le racisme, les jugements faciles et hâtifs, le regard faussé des bourgeois de la middle class sur les classes populaires, ce film apporte un message humaniste et moderne fort, comme un pied de nez à un peuple alors très marqué par des classes sociales ne se mélangeant pas, et par un état d’esprit paranoïaque tissé par la Guerre Froide. Le film sort en effet à peu près un an après la fin du Maccarthysme, où à force de dénonciation, de suspicion et d’interrogatoires, le gouvernement à mené une véritable chasse aux sorcières dans la société, visant notamment les élites intellectuelles et artistiques, et réduisant à la fois la liberté d’expression et les libertés individuelles sous prétexte de sécurité nationale. Pas étonnant de retrouver d’ailleurs le très engagé et humaniste Henry Fonda à l’origine du projet. Ironie du sort, le plus têtu des juré, le numéro 3, est interprété par Lee J. Cobb, l’un des délateurs les plus actifs de Hollywood.

 

« Il est toujours difficile de se garder des préjugés. Ils masquent toujours la vérité. »

 

Film protestataire et humaniste s’il en est, « 12 hommes en colère » reste un véritable chef d’œuvre du septième art. Dirigé d’une main de maître, porté par douze comédiens impeccables, Henry Fonda en tête, il délivre un message humaniste, un plaidoyer pour une plus grande justice, loin de tout préjugés et de tout racisme. Un vrai message universel. Un grand film, à voir absolument.



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B
Ce film m'a marqué. Vu il y a longtemps, j'en garde encore l'émotion qu'il m'avait sucité. Film a voir et revoir en effet, pour garder constament le recul qui s'impose en nous en toute circonstance.
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!