Un jour, peut-être
« Cest drôle, quand on se marie, on ne se dit jamais quon fera un jour partie des 46% de couples qui ne vécurent pas heureux »
Will Hayes est un jeune père New Yorkais d'une trentaine d'années en plein divorce lorsque sa fille de onze ans, Maya, le questionne sur sa vie avant qu'il ne soit marié. Elle veut savoir comment ses parents se sont rencontrés et comment ils sont tombés amoureux. L'histoire de Will commence en 1992 alors qu'il n'était encore qu'un jeune politicien qui débarquait de son Wisconsin natal à New York pour travailler sur la campagne de Clinton. Will raconte ses péripéties avec son meilleur ami, Russell, et, sous forme de puzzle, ses 3 grandes histoires d'amour. Il y a eu Emily, son amour de lycée; April, sa meilleure-amie et confidente de toujours et Summer, une journaliste ambitieuse. L'une d'entre elles est la mère de Maya mais ce n'est qu'à la fin de l'histoire qu'elle saura avec laquelle il s'est marié.
« Tes ambitions et la politique te vont bien. Mais on sent trop que tu cherches à être aimé »
Scénariste reconnu pour son travail (il a notamment réalisé les scénarios de « Bridget Jones 2 : lâge de raison » ou encore de « French kiss »), Adam Brooks signe avec ce « Un jour, peut-être » son quatrième long en plus de vingt ans (son premier film date de 1985). Néanmoins, aucun de ses films précédents nétant sortis en salle en France, ce « Un jour, peut-être » est un petit événement à part entière pour le réalisateur, qui signe également le scénario du film. Un récit quil a volontairement voulu étendre sur plus dune décennie dans un soucis de faciliter le sentiment dattachement du public envers le héros. Tourné en grande partie en décors naturels dans la ville de New York, il donne loccasion au comédien Ryan Reynolds de se voir offrir son premier vrai grand rôle en tête daffiche, dans un registre assez différent de ce quil avait pu faire jusque là.
« - Sentimentalement, cest le calme plat. Jai pas baisé depuis la réélection de Clinton
- Il baise bien assez pour tout le pays !!! »
Genre indémodable, la comédie romantique est néanmoins un genre qui sessouffle, la faute à un manque de renouvellement doublé par la multiplication constante des productions du genre. Il ny a quà voir à quel point les productions ressentes telles « Jackpot », « 27 robes », ou encore « Le témoin amoureux » - se ressemblent en de nombreux points scénaristiques (on sait toujours à lavance comment le film va finir) et formel (choix du cadre, de la photographie, toujours très calibré et balisé). Dans ce contexte, « Un jour, peut-être », à défaut dêtre parfait (loin de là), propose néanmoins de sortir un peu des sentiers battus. On peut même dire que si le réalisateur navait pas pêché par une volonté affichée dimposer un happy-end, il tenait potentiellement un scénario en or. En effet, construite à la manière dune énigme sentimentale qui prend des tournures de parcours initiatique, cette petite bluette réussit à maintenir le suspense jusquau dénouement, et par là même à nous tenir en haleine. Car bien que certaines ficelles soient grosses et que les coïncidences paraissent parfois improbables (la réapparition des ex plusieurs années après au hasard de la vie du héros), il demeure très difficile de deviner laquelle de ces trois jeunes femmes est en réalité la mère de la gamine. Quoi quil en soit, le réalisateur réussit à ménager quelques jolies scènes de séduction, comme celle du concours de cigarette sous la pluie. Outre son scénario original, le film jouit également de personnages très bien dessinés. Loin des clichés du genre, le héros masculin du film savère beaucoup moins parfait et beaucoup plus vulnérable que lon croit, traînant derrière lui son lots déchecs sentimentaux et professionnels. Même chose du point de vue des personnages féminins. Certes, chacune des trois potentielles épouse/mère est forcément un peu caricatural afin de pouvoir différencier clairement les trois, mais le réalisateur réussit à donner vie de manière égale à chacune. Enfin, lautre grande réussite du réalisateur est davoir su sortir du cadre exclusif de la comédie romantique en plaçant son récit au cur de la campagne présidentielle de Clinton en 1992. A ce titre, en donnant une dimension sociale et générationnelle à son film, cela lui permet de jeter un regard doux-amer bourré dempathie envers une génération déçue et désuvrée, de jeunes gens forcément empreints dune forme de naïveté qui se sont battus pour des idéaux et qui se retrouvent profondément déçus et trahis quinze ans plus tard, menant une vie beaucoup moins brillante et conforme à leurs espoirs de lépoque.
« Cest typique des histoires damour : la meilleure amie ne veut plus être la meilleure amie, elle veut devenir la petite amie. Mais trop tard. »
Ce scénario original et plutôt intelligent souffre néanmoins de quelques petits travers propres aux films américains, comme ce sempiternel petit moralisme (sur le tabac, sur lapproche de la sexualité), ainsi quune volonté trop appuyée du réalisateur darriver sur un fin positive et un peu gnian-gnian. Dommage, car jusquà ce dernier quart dheure pour le coup raté, le film évitait vraiment toute mièvrerie écurante. Sur la forme, on pourra aussi reprocher à ce « Un jour, peut-être » quelques petites longueurs. Pour autant, le réalisateur fait preuve dans sa mise en scène dune belle décontraction et dune absence totale de prétention, à limage du joli et aérien générique du début. De même, on saluera la qualité de la bande musicale, où Sinatra cohabite avec Nirvana, laissant entre les deux un petit peu de place pour quelques morceaux de pop plus sucrées qui ont pleinement leur place ici. Côté interprétation, la grosse révélation du film est certainement Ryan Reynolds, qui impose à la fois un physique bien viril tout en faisant preuve dune belle sensibilité et dune grande sobriété. A ses côtés, les trois actrices qui gravitent autour de lui développent des trésors de charme, que ce soit Elizabeth Banks ou Rachel Weisz. Pour autant, la révélation féminine est sans conteste la pétillante Isla Fischer quon avait remarqué en nymphomane rigolote dans « Serial Noceurs ». Tour à tour séductrice, grande gueule, ou femme-enfant émouvante, elle crève littéralement lécran par son naturel. A noter également la présence dans un savoureux second rôle du trop rare Kevin Kline. A ce petit jeu, cest finalement la jeune Miss Sunshine Abigail Breslin qui déçoit le plus. A sa décharge cest elle qui hérite du seul vrai rôle ingrat du film. Contre toute attente, ce « Un jour, peut-être » est une très agréable surprise. Malin, surprenant, original, et dans lair du temps, ce film a le mérite de renouveler un peu le genre avec beaucoup de légèreté. Porté par des comédiens très convaincants, ce film est un agréable divertissement très recommandable.
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