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04 Mar

Lettres d’Iwo Jima

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films de guerre

« C’est ici que nous combattrons, c’est ici que nous mourrons »

 La bataille d’Iwo Jima (février-mars 1945), aura été l’une des plus terrible de la seconde guerre mondiale, du moins pour la guerre dans le Pacifique. En effet, sur cet îlot japonais montagneux et chauve se sont affrontés un mois durant les troupes américaines et japonaises, avec pour enjeu le contrôle du ciel de la métropole nippone. C’est donc sur ce terrain qui coûta en tout et pour tout près de 28000 vies à l’ensemble des belligérants (21000 japonais, et près de 7000 américains) , que Clint Eastwood a décidé de bâtir son dyptique dénonçant la guerre. Le premier volet, « Mémoires de nos pères », sorti l’année dernière, retraçait la bataille vue par les troupes américaines, et montrait surtout la manipulation politique des « héros » de la bataille, à partir de ceux qui ont dressé le drapeau au sommet de la plus haute montagne de l’île, qui a donné un cliché célèbre.

Affiche américaine. Warner Bros.

Si ce premier opus ne m’avait pas semblé particulièrement probant, à force de flash-backs, d’histoires entremêlées, et de messages finalement assez patriotiques (normal venant de ce vieux Clint !), le second volet semblait plus alléchant à la vue de la bande-annonce.

 

Je vais donc voir le film en choisissant une belle salle et un grand écran (en l’occurrence, le Max Linder) pour apprécier au maximum le spectacle qui s’annonce grandiose. Et je dois dire que Clint nous a sorti un film de toute beauté.

 

« La lettre de ce soldat américain, ma mère aurait pu l’écrire »

 

On est d’abord surpris par la forme de son film. Tout d’abord, pour retracer la bataille vue par le camp japonais, le réalisateur a prit le parti de tourner son film dans la langue japonaise, avec des acteurs japonais, inconnus hors de leurs frontières pour la plupart, à l’exception du génial Ken Watanabe. Après la surprise de ne reconnaître donc aucun visage, on découvre très vite d’excellents comédiens, à l’image de Tsuyoshi Ihara qui interprète le Baron Nishi.

Ken Watanabe. Warner Bros. France

La seconde surprise majeure, c’est la photographie du film. Le réalisateur a opté pour une superbe image avec des couleurs désaturées, alors que le film se déroule en grande partie dans des souterrains et des caves, ou en extérieurs nuits. Avec ce résultat un peu « sépia d’époque », le résultat confine à une ambiance poétique et crépusculaire. Ce résultat est renforcé par l’utilisation d’une bande originale réalisée par le fils de Clint Eastwood himself, très cristalline et aérienne, aux intonations d’inspirations asiatiques mais profondément occidentale, comme pourrait l’être certaines musiques de Erik Satie.

 

« Je m’apprête à livrer ma dernière bataille, sans munitions et sans eau »

 

Le film entremêle astucieusement le destin de plusieurs hommes, tout d’abord des hommes du rang, Saigo, jeune deuxième classe, ainsi qu’un mystérieux ancien membre de la police politique. Le scénario donne également vie à deux officiers, le général commandant de la place, homme raffiné qui a étudié aux Etats-Unis, et un Lieutenant-colonel, le Baron Nishi (personnage authentique qui a réellement participé à la bataille), champion olympique d’équitation aux JO de Los Angeles en 1932. Ces deux hommes sont conscients de leur sort, d’une humanité incroyable, mais partagé entre tradition sociale et code de l’honneur d’un côté, et ouverture d’esprit et modernité de l’autre.

Par ces destins particuliers, Clint Eastwood redonne une image plus juste des soldats japonais, des hommes avant tout, avec leurs peurs et leur courage, des soldats comme ceux d’en face comme il le montre. Et c’est là toute la force du message universel d’Eastwood. Démontrer l’horreur et la connerie de la guerre, de ces massacres inutiles.

De même, il désacralise l’image du bon GI, en montrant ouvertement les exactions des soldats américains, montrant au passage l’universalité de la barbarie. Une telle image semble même assez novatrice pour un Clint Eastwood qui semblait quand même assez attachés aux valeurs de l’Amérique triomphante et juste.

Ken Watanabe. Warner Bros. France

 

« Je marcherais toujours devant vous »

 

Pour le reste, son film est avant tout un excellent film de guerre, peuplé de grandes scènes de batailles, et de grands moments de bravoure. Et replacé dans son ensemble, le premier volet de ce diptyque prend une toute autre dimension. Clint Eastwood nous livre là une œuvre phénoménale, mariant parfaitement le forme et le fond, proposant une réflexion intelligente sur la guerre et sur l’universalité des manipulations et de la barbarie. On ne le dire jamais assez, mais Clint Eastwood est véritablement un « Monsieur ».

 



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B
Je manque de voixLa critique est tellement belle et intelligente, que je ne sais quoi dire tant c'est pertinent. C'est une analyse bien plus professionnelle que nombre d'ânneries dans la presse. Argumentée, structurée, envolée, on ne peut qu'avoir envie d'aller voir le film au plus vite pour se conforter dans l'idée que cette ode à ce chef d'oeuvre n'est pas usurpée.
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