Le massacre de Fort Apache
« Quels ingrats au ministère de menvoyer dans un endroit pareil »
Envoyé dans le désert de l'Arizona pour prendre le commandement de Fort Apache, le lieutenant-colonel Owen Thursday espère retrouver son grade de général. Mais au Fort il est méprisé pour son ignorance des tactiques indiennes et ses hommes n'apprécient pas sa discipline stricte.
Mais lorsqu'il apprend que Cochise, le chef des Apaches a quitté sa réserve et conduit sa tribu vers le territoire mexicain, il espère le capturer et rétablir ainsi sa renommée. Mais les indiens sont d'excellents stratèges...
« Vous lui avez donné votre parole ? Et alors ? Il ny a pas dhonneur entre un officier américain et un indien »
Considéré comme le maitre absolu du western, John Ford séloigna cependant quelque peu de son genre de prédilection pendant la première moitié des années 40, durant laquelle il se consacra à des fresques sociales et historiques (« Vers sa destinée », « La route du tabac », « Les raisins de la colère », « Quelle était verte ma vallée ») ainsi quaux films sur la guerre (« La bataille de Midway », « Les hommes de la mer », lexcellent « Les sacrifiés »). De retour aux affaires avec le très bon « La poursuite infernale » (1946), il entame en 1948 avec « Le massacre de Fort Apache » sa trilogie dite « de la cavalerie », quil poursuivra dans les années suivantes avec « La charge héroïque » et « Rio Grande ». Si Ford sentoure pour ce film de la plupart de ses acteurs fétiches (John Wayne, Henry Fonda, Ward Bond, Pedro Armendariz), on retiendra tout de même que « Le massacre de Fort Apache » marque le début de sa (fructueuse) collaboration avec le scénariste Franck S. Nugent, quil retrouvera pour la plupart de ses grands succès dans la décennie suivante, de « Lhomme tranquille » au « Convoi des braves » en passant par « La prisonnière du désert » et les « Deux cavaliers ».
« Ce fut un homme qui sut mourir en héros et couvrir de gloire et dhonneurs son régiment »
« Le massacre de Fort Apache » devait faire date dans lhistoire du western. Pour la première fois, un réalisateur (et pas le moindre !) allait en effet saffranchir des conventions morales du genre, et notamment de sa vision manichéenne primaire (les gentils pionniers contres les méchants indiens) pour y apporter un regard critique. A commencer par la perception des blancs. Fini donc les gentils pionniers luttant pour leur survie, Ford inverse ici les rôles : si les indiens se rebellent et se battent, cest avant tout parce que les blancs les méprisent et ne respectent pas leurs engagements. A limage du représentant du gouvernement, rongé par la cupidité, qui leur vend du mauvais whisky et des armes de contrebande. Ou du Lieutenant-colonel Thursday, étrange double fictionnel de Custer, qui, dévoré par son ambition et son égo, ne tiendra pas sa parole envers les indiens et mènera ses hommes contre tout bon sens militaire dans un piège fatal simplement pour se couvrir dun peu de gloire. Sil préserve linstitution militaire en tant que telle, et notamment la bravoure et la loyauté des hommes du rang, Ford critique cependant ouvertement lattitude et les décisions de ceux qui la dirigent. Mais la vraie nouveauté réside dans la manière dont il présente les indiens. Loin de la caricature du sauvage sanguinaire et cruel, ils sont présentés ici comme des hommes dignes et braves, civilisés (à limage de leur redoutable stratégie militaire), ouverts à la négociation mais pas à la compromission avec des blancs ne voulant que leurs pertes. Une vraie petite révolution en soi qui annonçait la réhabilitation des indiens au cinéma. Une voie quallait creuser John Ford, avec des films puissants, comme « La prisonnière du désert » ou « Les Cheyennes », et qui allait se développer dans les westerns des 50s (« La flèche brisée », « La dernière chasse », « Bronco Apache »), jusquà trouver sa pleine expression dans les 70s (« Little big man », « Soldat bleu », « Un homme nommé Cheval »). Pourtant, en dépit de son approche innovante et pertinente, « Le massacre de Fort Apache », à linstar des autres films de la trilogie de la cavalerie, souffre dun manque criant de rythme, notamment dans ces scènes retraçant le quotidien des militaires du fort, qui le rend dans sa première moitié assez peu passionnant. Reste un John Wayne étonnant, qui loin de ses rôles de machos primaires, se révèle excellent dans le rôle de l'officier sage et progressiste. Une curiosité à voir néanmoins tant pour les amateurs de westerns que pour les fans de John Ford.
Commenter cet article