Once
« Vous chantez pour largent ? Allez travailler dans un magasin dans ce cas »
Dublin. Un guitariste des rues tente tant bien que mal de vivre (de) sa passion. Un soir, il se fait aborder par une jeune vendeuse ambulante de roses, immigrée tchèque, qui lui dit combien elle trouve ses chansons belles. Dès lors, leurs rencontres sont de plus en plus fréquentes, et ont lieu autour dune passion commune : la musique. Dautant que la jeune femme est une pianiste très douée et que sa voix et son univers musical correspondent parfaitement à ceux du guitariste. Ils se retrouvent également dans les difficultés de la vie : ils sont sans le sou, lui ne sest jamais remis de sa dernière séparation amoureuse, elle est mariée à un homme quelle naime plus et qui tarde à la rejoindre en Irlande. Si ces deux-là semblent faits lun pour lautre, la raison prend parfois le dessus sur la passion. Ce qui ne les empêchera pas de tout faire pour réaliser leur rêve de musique
« Je ne te connais pas, mais celle que je veux, cest toi »
Présenté et remarqué à de nombreux festivals, « Once » sest surtout illustré au grand Festival de Sundance, où non content davoir largement convaincu la critique, il est en plus reparti avec le Prix du Public. Un véritable tour de force quand on sait que le film a été réalisé avec un budget ridicule et quil a de ce fait été tourné dans un temps record de deux semaines. Il faut dire que le film a connu quelques mésaventures en pré-production : la défection, pour incompatibilité demploi du temps de lacteur irlandais « bankable » Cillian Murphy, qui avait accepté de tenir le rôle principal, a vu le retrait de bon nombre de financiers au préalablement daccord pour participer au projet. Aux commandes de ce projet, on retrouve le réalisateur irlandais John Carney, déjà réalisateur de trois longs métrages en Irlande dont « La vie à la folie », avec Cillian Murphy, sorti sur nos écrans en 2002. A noter quavant de faire du cinéma, Carney était un musicien confirmé, et jouait au sein du groupe The Frames, dont le leader nest autre que Glen Hansard, l'interprète principal de ce film.
« Tu as écrit cette chanson pour une fille qui est partie ? Pour moi celui qui a écrit ça ne sen est jamais remis »
Et on comprend ce qui a pu toucher tant les critiques que le public de Sundance, tant ce « Once » prend à contre-pied lindustrie cinématographique actuelle par la simplicité de son propos. Car le film nous propose ni plus ni moins quune histoire aussi simple et normale que la rencontre de deux personnes normales qui vont apprendre à se découvrir, à saimer, et à partager une même passion. Une histoire forte, et pour une fois sans mièvrerie, sans réel happy-end, qui touche par sa sincérité et son authenticité. En cela, on ne peut que saluer la démarche du réalisateur et de son scénario. Dautant que le parti pris de substituer la musique aux mots pour exprimer les sentiments les plus forts était très intéressant, donnant lieu également à quelques jolies scènes (comme celle où le héros raconte sa vie en musique dans le bus). Une volonté dépure qui permet aux plus belles scènes de planer agréablement. Malheureusement, Carney ne sait pas jouer habilement avec les proportions, et certains passages musicaux finissent par ennuyer quelque peu, dautant que les chansons aussi jolies soient-elles finissent par se ressembler toutes un peu. De même, alors que son film surfait sur une belle sincérité, Carney ne peut sempêcher de glisser dans son film quelques scènes déconcertantes, dont le décalage casse la belle poésie du film (je pense en particulier à la demande de prêt où le banquier finit par sortir sa guitare). Carney nous gratifie aussi de quelques scènes « clichés » qui étaient très dispensables, comme la ballade en moto pour créer une intimité entre les deux héros, la façon dont il choisit ses musiciens à langle de la première rue, ou encore les retrouvailles de toute la joyeuse bande sur la plage pour décompresser de la cession denregistrement du disque. Tout cela demeure dautant plus dommage que la force du film reposait sur son originalité, loin des codes imposés, et sur son authenticité.
« Comment dit-on en tchèque « est-ce que tu laimes encore » ? »
Du point de vue de la forme, le film est beaucoup moins défendable, les faibles moyens étant là, certainement, pour excuser la laideur visuelle de lensemble. Et si limage vacillante de la caméra DV au poing témoigne certainement dune urgence, Carney semble en jouer à fond, jusquà la fumisterie. Car entre le grain franchement dégueu de limage, les plans tremblant, sans stabilité, et la luminosité teintée de grisaille, le résultat est limite repoussant, et il faut saccrocher à lhistoire pour tenter den faire abstraction. Reste alors les deux interprètes, en état de grâce. Débutants ou presque devant la caméra, ils apportent leur fraîcheur et leur naturel, et portent ce film sur leurs épaules. A noter que le héros, Glen Hansard, est le leader du groupe irlandais The Frames, et quil connaît la jeune Marketa Irglova, musicienne également, depuis quelques années, déjà, cela expliquant leur belle complicité à lécran.
« - Cest trop romantique pour moi
- Tu as verve romantique »
Annoncée depuis Sundance (qui avait révélé ces dernières années des pépites comme « Garden State » de Zach Braf ou « Little Miss Sunshine » de Faris et Dayton) comme le film le plus surprenant, le plus simple, et le plus émouvant de cette fin dannée, porté par laccroche ultra flatteuse de Steven Spielberg, « Once » cristallisait beaucoup dattentes. Malheureusement, sil part de bonnes intentions et de bonnes idées, on ne peut sempêcher de sortir un peu déçu de ce film. Entre une musique qui devient vite trop présente, une histoire jolie mais un brin cucul, qui tombe souvent dans le piège des clichés, et un résultat visuel grossier, voulant trop jouer sur son caractère authentique, « Once » nest rien de plus quune agréable curiosité. A voir cependant, surtout si vous aimez la musique pop/folk irlandaise.
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