Paris je t'aime
Annoncé depuis un petit moment dans la presse, la sortie de ce "Paris je t'aime" était donc un petit évènement attendu. D'autant qu'après un passage assez médiatique à Cannes, le film avait dans sa poche une grande partie de la critique. J'entre donc dans la salle, accompagné comme souvent du petit Kiki, compagnon de fortunes et dinfortunes cinématographiques. Et là, sans le savoir encore, nous étions partis pour deux heures d'un ennui profond!!! Chronique du premier film descendu sur ce blog.
"Mademoiselle, voulez-vous prendre un café avec moi? juste un café?"
L'idée de départ était pourtant bonne. Réunir le gratin cinématographique mondial pour célébrer l'amour et Paris à travers une vingtaine de saynètes, le projet semblait prometteur. D'autant que sur le papier, les producteurs ont réussi à réunir du beau monde, aussi bien chez les réalisateurs (les frères Coen, Walter Salles, Wes Craven, Alexander Payne, Denis Podalydes ou encore Olivier Assayas) que chez les comédiens (Natalie Portman, Gena Rowlands, Nick Nolte, Ben Gazarra, William Defoe, Gérard Depardieu, Juliette Binoche...). Mais voilà, le problème de ce genre de pari, c'est que chaque saynète a peu de temps (elles ont toutes été réalisées en deux jours et deux nuits) pour être développé et mettre en place une histoire et un univers un peu spécifiques, et des personnages. Et comme l'ensemble doit rester cohérent, et sur le même thème, on sombre souvent dans les clichés et la carte postale très niaise façon Amélie Poulain. Paris est toujours symbolisé par les mêmes choses: la Tour Eiffel, la Joconde, Montmartre (seuls "Place des fêtes" et "14ème arrondissement" sortent un peu des sentiers battus en découvrant des lieux moins touristiques)... Les mentalités n'évoluent pas, et ce spectacle sent fort la carte postale typique de Paris que l'Office de tourisme Parisien pourra vendre aux Américains et aux Asiatiques.
"Elle criait, des fois à raison, des fois sans raison"
Le deuxième point négatif à mon sens, c'est le manque de qualité scénaristique de ces courts métrages. Certes, les réalisateurs se voient offrir un laps de temps très court pour réaliser leur saynète, mais à quoi bon réunir autant de talents si c'est pour produire des courts métrages aussi formatés, d'une platitude et d'une niaiserie désolantes. Si certains sortent du lot et arrivent à produire des oeuvres très personnelles et originales, c'est notamment le cas de "Tour Eiffel" et de ses mimes, réalisé par le metteur en scène des « Triplettes de Belleville », l'ensemble reste quand même ras des pâquerettes. Nous assistons ainsi à des spectacles inégaux, allant du pas terrible, comme « Montmartre », « Quartier des enfants rouges », « Pigalle », ou « Quartier latin », au plus mauvais (qui sont les plus clichés et sans saveurs), comme « Parc Monceau », « Place des victoires », « Père Lachaise », ou encore « Loin du 16ème », la palme du plus spectacle le plus phénoménalement absurde et ridicule revenant de loin à « Porte de Choisy ». Au milieu de ça, quelques segments émergent, aussi bien par leur originalité (« Tour Eiffel », « Quartier de la Madeleine »), que par lémotion quils arrivent à dégager en si peu de temps par loriginalité de leurs thèmes, comme « Place des fêtes », « Bastille », ou « 14ème arrondissement ».
Les réalisateurs se démarquent également les uns des autres par la forme quils donnent à leur segment. Là encore, on va du moins heureux comme « Parc Monceau » qui est le seul à avoir été tourné en plan séquence, aux plus réussis comme « Bastille », muet avec une voix off qui raconte lhistoire et les sentiments des personnages à lécran, ou « Quartier de la Madeleine », pour lequel Vincenzo Natali utilise approximativement le même procédé que pour « Sin City », à savoir un noir et blanc stylisé, où seul le rouge du sang ressort. Mais dans lensemble, la créativité visuelle a été laissée aux oubliettes.
« Vous prenez combien pour regarder ? »
Linterprétation nest pas non plus toujours au rendez-vous, comme on était en droit de lattendre devant une telle distribution. Bien sûr, il y a toujours les valeurs sûres qui survolent aisément lensemble, comme Gena Rowlands et Ben Gazzara, qui forment un magnifique couple que la vie a éloigné, ou Fanny Ardant et Bob Hoskins, qui forment un couple moins crédible, mais dont le jeu savoureux assure largement le spectacle. Même chose avec Sergio Castellitto. Et puis il y a aussi la relève des jeunes acteurs qui tient bien la route, emmenés par lexcellent Elijah Wood, et la toujours aussi charmante Natalie Portman, auxquels se joignent les Gaspard Ulliel, Cyril Descours, ou Maggie Gyllenhaal. Enfin, nous pouvons citer les quasi inconnus qui brillent comme Seydou Boro ou Margo Martindale (une des rares non francophones à faire leffort de jouer en français avec Maggie Gyllenhaal). Mais tous ne tiennent pas la route comme il se doit. La palme du jeu le plus terne revenant à notre Juliette Binoche nationale, aussi émouvante quun peigne, et au jeu subtil comme une brique. Dans sa lignée, les Steve Buscemi, Willem Dafoe, Ludivine Sagnier, ou Nick Nolte, sont totalement à côté de leurs pompes.
A la sortie, il reste un film beaucoup trop long, dont la succession de saynètes laisse place à un vrai mal de tête, et qui semble un peu brouillon du fait quaucune de ces histoires na le temps dêtre développée réellement. De même, il reste une grande déception tant la réunion de tout ces talents et tant lidée de base de ce film laissaient présager une uvre vraiment originale et de qualité. Quelques-uns de ces segments laissent ainsi un bon arrière goût, loin des grands crus, mais agréables tout de même, les autres, bâclés pour la plupart, sont trop niais ou prévisibles pour interpeller positivement les spectateurs. Et cette vision de ce Paris de carte postale complètement désuet, qui avait déjà rendu insupportable « Le fabuleux destin dAmélie Poulain », est encore ici trop présent et écurant. Une grosse déception.
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