Les ponts de Toko-Ri
« Quand jétais dans leau après le crash, jai pensé à mes amis en Amérique qui nont pas été appelés et qui ont la chance de pouvoir profiter de la vie »
Novembre 1952. Vétéran de la seconde guerre mondiale, le Lieutenant Brubaker est rappelé pour combattre en Corée. Ce réserviste, avocat dans le civil, comprend mal pourquoi on le rappelle pour cette guerre alors quil a déjà servi par le passé son pays avec honneur. Surtout, il supporte mal de devoir laisser femme et enfants derrière lui, pour rejoindre un conflit qui ne porte pas encore le nom de guerre. Sur le porte-avion sur lequel il est affecté, ses qualités de pilotes autant que ses qualités humains font ladmiration de tous. Y compris de lamiral Tarrant qui retrouve en lui le courage de son défunt fils, tué lors de la précédente guerre. Mais alors que lescadrille de Brubaker prépare la périlleuse attaque des ponts du Toko-Ri, un incident technique qui manque de lui couter la vie plonge Brubaker dans le doute.
« Un de ces jours, nous détruirons les ponts de Toko-Ri. Ils ont une défense tellement formidable que limpact psychologique de leur destruction sur nos ennemis nen sera que plus grande. Cet exploit montrera que rien ne nous fera reculer »
Réalisateur de second plan, Mark Robson aura mené une belle carrière, ponctuée de deux nominations à lOscar du meilleur réalisateur pour « Les plaisirs de lenfer » (1957) et « Lauberge du sixième bonheur » (1958), ainsi que de quelques succès comme « Plus dure sera la chute » (1956), « Lexpress du Colonel Van Ryan » (1965) ou encore « Tremblement de terre » (1974). Il signera même un film français, « Les centurions » (1966), avec Anthony Quinn et Alain Delon. « Les ponts du Toko-Ri », première incursion de Robson dans le genre du film de guerre, est ladaptation dun roman de James A. Michener paru en 1953. Une fiction alors clairement ancrée dans lactualité car laction se déroule durant la guerre de Corée qui prend fin durant le tournage du film. A noter que Michener écrira un autre roman sur fond de Guerre de Corée, « Sayonara », qui sera également adapté au cinéma par Joshua Logan et porté par Marlon Brando. Oscarisé quelques mois plus tôt pour un autre film de guerre, « Stalag 17 », la star du moment, William Holden, accepte le rôle principal du film à la condition que les producteurs renoncent à changer la fin du roman pour imposer un happy end. Il partage laffiche avec Grace Kelly pour la seconde fois consécutive après « Une fille de province » de Georges Seaton, qui vaudra à lactrice dêtre également oscarisée. Avec plus de 4 millions de dollars de recettes, le film simposa comme lun des 20 plus gros succès de lannée 1955 et obtint même lOscar des meilleurs effets spéciaux en 1956.
« On ne boit jamais la tasse deux fois »
De Pearl Harbor à la chute de Saigon, les Etats-Unis auront mené non-stop des guerres en Asie pendant près de 35 ans. Une source dinspiration inépuisable pour les réalisateurs et pour Hollywood, qui aura produit durant les décennies suivantes des centaines de films retraçant aussi bien lhéroïsme des GI face au totalitarisme japonais que les traumatismes subit par toute une jeunesse dans le bourbier vietnamien. Pour autant, bien que toute aussi meurtrière, la guerre de Corée a semble-t-il beaucoup moins intéressé Hollywood qui lui aura consacré beaucoup moins de films quaux deux autres conflits. De quoi faire a priori de ces « Ponts de Toko-Ri » une curiosité tant cinématographique quhistorique. Pour autant, lintérêt du film se révèle assez vite limité. En tous cas dun point de vue historique, puisquà linverse de la plupart des films de guerre (« Le jour le plus long », « Okinawa », « Iwo Jima » pour ne citer queux), « Les ponts de Toko-Ri » privilégie laspect romanesque en nous contant une bataille purement fictionnelle, lattaque des fameux ponts (existent-ils vraiment ?) nayant jamais réellement eu lieu. Pour le reste, le film demeure ancré dans les standards de lépoque. On y retrouve lesprit de « Tant quil y aura des hommes » ou de « Sayonara », dans la description des rapports humains sur la base militaire ainsi que des tribulations des hommes lors de leurs permissions. A ce titre, les personnages sont extrêmement stéréotypés, à limage du pilote interprété par Mickey Rooney, bagarreur franchement lourdaud mais en même temps courageux. Lintroduction dun héros en proie au doute ne tient pas non plus toutes ses promesses, celui-ci tirant finalement sur la corde patriotique à la gloire de lAmérique. Reste lintérêt de laspect plus « documentaire » du film, notamment sur tout ce qui concerne lorganisation et le fonctionnement dune task force, et de belles scènes de batailles aériennes, assez modernes pour lépoque. Un film de guerre assez mineur, donc. Et un poil longuet.
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