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20 Mar

La rafle

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« La France, c’est le salut des Juifs »

Joseph a onze ans. Et ce matin de juin, il doit aller à l'école, une étoile Jaune cousue sur sa poitrine...
Il reçoit les encouragements d'un voisin brocanteur. Les railleries d'une boulangère. Entre bienveillance et mépris, Jo, ses copains juifs comme lui, leurs familles, apprennent la vie dans un Paris occupé, sur la Butte Montmartre, où ils ont trouvé refuge. Du moins le croient-ils, jusqu'à ce matin de 16 juillet 1942, ou leur fragile bonheur bascule... Du Vélodrome d'Hiver, où 13 000 raflés sont entassés, au camp de Beaune-La-Rolande, de Vichy à la terrasse du Berghof, La Rafle suit les destins réels des victimes et des bourreaux. De ceux qui ont orchestré. De ceux qui ont eu confiance. De ceux qui ont fui. De ceux qui se sont opposés. Tous les personnages du film ont existé. Tous les évènements, même les plus extrêmes, ont eu lieu cet été 1942.

« Viendra un temps où ils devront s’expliquer »

Ex-grand reporter et scénariste du « 1492 : Christophe Colomb » de Ridley Scott (1992), Rose Bosch s’était depuis essentiellement illustrée comme scénariste de comédies de seconde zone, notamment chez Jolivet (« En plein cœur ») et Zeitoun (« Bimboland »). Malgré une première réalisation (« Animal » en 2006) restée assez confidentielle, rien ne la prédestinait à se retrouver aux commandes d’un gros film historique comptant parmi les plus attendus de l’année 2010. Car plus encore que son casting, c’est le thème de son film – la rafle du Vel d’Hiv’ (16-17 juillet 1942) – qui lui conférait son envergure. Il faut dire que comptant parmi les pages les plus sombres notre Histoire nationale, le sujet est resté longtemps tabou dans l’inconscient collectif, au point que peu de cinéastes aient osé s’y risquer (citons tout de même Joseph Losey et son « M. Klein »). Ordonnée par les autorités françaises de Vichy, cette rafle a été exécutée par des fonctionnaires français zélés qui ont commis l’irréparable, à savoir livrer aux bourreaux leurs propres concitoyens, prenant même l’initiative de déporter aussi les enfants. Ce que même Franco et Mussolini refuseront de faire. De quoi salir à jamais notre Histoire et les valeurs de notre République. Outre l’aspect politique controversé (les responsables de ce crime ont dans l’ensemble échappé à tout jugement avec la complicité de la classe politique au pouvoir), la réalisatrice devait s’attaquer à un défi de taille : celui de mettre des images sur l’indicible. Une chose pas si facile en soi puisqu’il n’existe aucun témoignage visuel (photo ou vidéo) de cette rafle. C’est donc sur le témoignage de quelques rares survivants et témoins (principalement Joseph Weismann, un de deux enfants qui réussit à s’échapper du camp) qu’elle appuiera son récit.

« Ce n’est pas des morts qu’il faut se méfier, c’est des vivants. » 

Au premier abord, il y a quelque chose de dérangeant dans le film de Rose Bosch. Quelque chose qui sonne étonnement faux. Sans doute dans sa reconstitution idyllique du Paris de 42, où il n’y a aucune trace du rationnement, des privations, voire même de l’antisémitisme. Certes, il y a bien par-ci par-là une grosse boulangère peroxydée ou un gendarme pour rappeler cette vieille France stigmatisant les juifs. Mais dans l’ensemble, « La rafle » présente une vision emprunte de trop d’angélisme, faisant la part belle aux personnages bienveillants et compassionnels, de la concierge protectrice aux pompiers humanistes en passant par l’infirmière militante. L’avalanche des bons sentiments (de rigueur) n’était pas loin et le spectre d’un énième conte bienpensant façon « Monsieur Batignole » était à craindre. Jusqu’à ce que la rafle à proprement parlé n’ait lieu, mettant en lumière toute la brutalité, la violence et l’ignominie de cet évènement. A ce titre, le plan séquence révélant l’immensité du Vel d’Hiv et l’ampleur des populations y étant retenues est assez impressionnant. Si le film réserve quelques scènes franchement poignantes (la séparation des enfants, l’humiliation de la fouille des femmes avant de les faire quitter le camp), on regrette cependant certains partis pris pas toujours convaincant de la réalisatrice. A commencer par ses embardées romanesques un peu trop tire-larmes (à l’image du jeune Nono et de sa réapparition finale, un peu grotesque). Mais était-il réellement possible de traiter un tel sujet sans chercher à provoquer les émotions des spectateurs? De même, on pourra reprocher à la réalisatrice un certain manque d’ambition formelle, avec un découpage pas toujours pertinent (les scènes avec Hitler sont un peu cheap) et une réalisation balbutiante, qui tendent, sur la forme, à faire de cette « Rafle » un téléfilm de luxe plutôt qu’un véritable film de cinéma. Pour autant, l’essentiel est ailleurs. Dans ce difficile exercice du devoir de mémoire et de vérité. Dans la mise en lumière de ce tragique évènement finalement si méconnu. Dans cette piqure de rappel de la culpabilité de la France et de la fragilité de nos institutions démocratiques. En cela, Rose Bosch réussit son pari. Et même si « La rafle » n’est pas peut-être pas un grand film, il n’en demeure pas moins un film utile. N’est-ce pas finalement là, aussi, l’une des raisons d’être du cinéma ?

  



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B
Oui, tout ce que tu dis est juste, et au final c'est cette émotion qui reste en nous sur cette attrocité commise sans que les coupables n'aient été punis. Une tache indélébile.
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