La rafle
« La France, cest le salut des Juifs »
Joseph a onze ans. Et ce matin de juin, il doit aller à l'école, une étoile Jaune cousue sur sa poitrine...
Il reçoit les encouragements d'un voisin brocanteur. Les railleries d'une boulangère. Entre bienveillance et mépris, Jo, ses copains juifs comme lui, leurs familles, apprennent la vie dans un Paris occupé, sur la Butte Montmartre, où ils ont trouvé refuge. Du moins le croient-ils, jusqu'à ce matin de 16 juillet 1942, ou leur fragile bonheur bascule... Du Vélodrome d'Hiver, où 13 000 raflés sont entassés, au camp de Beaune-La-Rolande, de Vichy à la terrasse du Berghof, La Rafle suit les destins réels des victimes et des bourreaux. De ceux qui ont orchestré. De ceux qui ont eu confiance. De ceux qui ont fui. De ceux qui se sont opposés. Tous les personnages du film ont existé. Tous les évènements, même les plus extrêmes, ont eu lieu cet été 1942.
« Viendra un temps où ils devront sexpliquer »
Ex-grand reporter et scénariste du « 1492 : Christophe Colomb » de Ridley Scott (1992), Rose Bosch sétait depuis essentiellement illustrée comme scénariste de comédies de seconde zone, notamment chez Jolivet (« En plein cur ») et Zeitoun (« Bimboland »). Malgré une première réalisation (« Animal » en 2006) restée assez confidentielle, rien ne la prédestinait à se retrouver aux commandes dun gros film historique comptant parmi les plus attendus de lannée 2010. Car plus encore que son casting, cest le thème de son film la rafle du Vel dHiv (16-17 juillet 1942) qui lui conférait son envergure. Il faut dire que comptant parmi les pages les plus sombres notre Histoire nationale, le sujet est resté longtemps tabou dans linconscient collectif, au point que peu de cinéastes aient osé sy risquer (citons tout de même Joseph Losey et son « M. Klein »). Ordonnée par les autorités françaises de Vichy, cette rafle a été exécutée par des fonctionnaires français zélés qui ont commis lirréparable, à savoir livrer aux bourreaux leurs propres concitoyens, prenant même linitiative de déporter aussi les enfants. Ce que même Franco et Mussolini refuseront de faire. De quoi salir à jamais notre Histoire et les valeurs de notre République. Outre laspect politique controversé (les responsables de ce crime ont dans lensemble échappé à tout jugement avec la complicité de la classe politique au pouvoir), la réalisatrice devait sattaquer à un défi de taille : celui de mettre des images sur lindicible. Une chose pas si facile en soi puisquil nexiste aucun témoignage visuel (photo ou vidéo) de cette rafle. Cest donc sur le témoignage de quelques rares survivants et témoins (principalement Joseph Weismann, un de deux enfants qui réussit à séchapper du camp) quelle appuiera son récit.
« Ce nest pas des morts quil faut se méfier, cest des vivants. »
Au premier abord, il y a quelque chose de dérangeant dans le film de Rose Bosch. Quelque chose qui sonne étonnement faux. Sans doute dans sa reconstitution idyllique du Paris de 42, où il ny a aucune trace du rationnement, des privations, voire même de lantisémitisme. Certes, il y a bien par-ci par-là une grosse boulangère peroxydée ou un gendarme pour rappeler cette vieille France stigmatisant les juifs. Mais dans lensemble, « La rafle » présente une vision emprunte de trop dangélisme, faisant la part belle aux personnages bienveillants et compassionnels, de la concierge protectrice aux pompiers humanistes en passant par linfirmière militante. Lavalanche des bons sentiments (de rigueur) nétait pas loin et le spectre dun énième conte bienpensant façon « Monsieur Batignole » était à craindre. Jusquà ce que la rafle à proprement parlé nait lieu, mettant en lumière toute la brutalité, la violence et lignominie de cet évènement. A ce titre, le plan séquence révélant limmensité du Vel dHiv et lampleur des populations y étant retenues est assez impressionnant. Si le film réserve quelques scènes franchement poignantes (la séparation des enfants, lhumiliation de la fouille des femmes avant de les faire quitter le camp), on regrette cependant certains partis pris pas toujours convaincant de la réalisatrice. A commencer par ses embardées romanesques un peu trop tire-larmes (à limage du jeune Nono et de sa réapparition finale, un peu grotesque). Mais était-il réellement possible de traiter un tel sujet sans chercher à provoquer les émotions des spectateurs? De même, on pourra reprocher à la réalisatrice un certain manque dambition formelle, avec un découpage pas toujours pertinent (les scènes avec Hitler sont un peu cheap) et une réalisation balbutiante, qui tendent, sur la forme, à faire de cette « Rafle » un téléfilm de luxe plutôt quun véritable film de cinéma. Pour autant, lessentiel est ailleurs. Dans ce difficile exercice du devoir de mémoire et de vérité. Dans la mise en lumière de ce tragique évènement finalement si méconnu. Dans cette piqure de rappel de la culpabilité de la France et de la fragilité de nos institutions démocratiques. En cela, Rose Bosch réussit son pari. Et même si « La rafle » nest pas peut-être pas un grand film, il nen demeure pas moins un film utile. Nest-ce pas finalement là, aussi, lune des raisons dêtre du cinéma ?
Commenter cet article