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11 Jul

Raisons d’état

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Quand on s’aime vraiment, on pas de secrets l’un pour l’autre. Tu es en sécurité avec moi »

 

Il aura fallu attendre plus de treize ans pour revoir le légendaire Robert De Niro passer de nouveau derrière une caméra, sa première expérience, « Il était une fois dans le Bronx » datant déjà de 1993. Et si son premier film était plutôt bon, on peut dire qu’il n’a pas choisit la facilité pour sa seconde réalisation. Sujet dense et historiquement complexe, cette fresque sur l’histoire de la création de la CIA, à mi-chemin entre fiction et réalité, avait tout du terrain miné. Car si le personnage principal, interprété par Matt Damon, est fictif, il s’inspire quand même largement de la vie de James Jesus Angleton, l’un des vrais fondateurs de la CIA. Heureusement pour lui, De Niro a pu compter sur Eric Roth, scénariste à la grande réputation à Hollywood, et habitué aux scénarios fouillés et méticuleux (on lui doit notamment celui du « Munich » de Spielberg).

En tous cas, le fait de retrouver De Niro, probablement l’un des tous meilleurs acteurs américains (ou du moins le plus emblématique) de ces 30 dernières années, derrière la caméra, avait quelque chose d’excitant. Et ce d’autant plus que ses dernières performances devant l’objectif ont quasiment toujours été décevantes (à l’exception de " Mon beau-père, mes parents et moi"), ceci étant du plus à une série de mauvais choix qu’à une baisse de talent.

Quoi qu’il en soit, ce film devait permettre à De Niro de renouer avec ses thèmes de prédilection, comme la sécurité américaine, les milieux secrets, et les personnages torturés. En tous les cas, c’était le film attendu de ce début d’été ! Impressions.

 

« On recherche des jeunes gens patriotes, bien éduqués, nés dans le sérail. Donc pas de juifs, de nègres, et peu de catholiques. »

 

L’histoire :

 

1939, Université de Yale. Edward Wilson est un étudiant réservé et brillant. Il integre une fraternité secrète, la « Bones and Skulls Society », qui fournit l’essentiel de la matière grise des grandes institutions de la nation. Au gré de ses rencontres, la seconde guerre mondiale approchant, Wilson se voit proposer de partir à Londres, pour se former aux arts du contre-espionnage. Si son initiation finit d’achever ses dernières illusions, il brille néanmoins dans ce domaine, suffisamment pour se faire un nom et une solide réputation durant ses six années de service qui le mèneront jusqu’aux ruines de Berlin et la fuite organisée de ses cerveaux. A son retour, il découvre son fils de cinq ans, né pendant sa mission et qu’il n’a jamais vu, ainsi qu’une femme qu’il n’a jamais réellement aimé. Dans la paranoïa de la guerre froide, on lui propose de participer à la création de la CIA, dont il devient, à force de rigueur et de travail, l’un des piliers. S’en suit un jeu de pistes, de bluff, de manipulations en manipulations, jusqu’à l’épisode cubain raté de la Baie des cochons en 1961.

Matt Damon et Robert De Niro. Studio Canal

 

« Un bon agent doit avoir une foi inébranlable en ce qu’il fait et être d’un romantisme échevelé ! »

 

Ce qui frappe en premier lieu dans le film de Robert De Niro, c’est la grande fluidité et la grande maîtrise avec laquelle il tient son récit, qui est pourtant complexe à plusieurs niveaux : au niveau de la forme historique, car il fallait pouvoir replacer un certain nombre d’évènements, de noms, de dates, et un contexte politico-historique, ce qui n’est jamais facile à faire en préservant l’attention des spectateurs. Au niveau de la trame scénaristique ensuite, puisque De Niro prend un malin plaisir à développer des histoires secondaires dans l’histoire principale, comme son amour avorté pour une jeune femme sourde ou comme sa relation avec son fils. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le grand Bob gère toutes ces intrigues et ces histoires avec une grande maîtrise et une grande cohérence, puisque malgré les nombreux flash-back, le spectateur arrive toujours à suivre ce récit riche en évènements et en détails.

Le scénario, qui s’appuie sur un travail de documentation des plus fouillé, nous propose une passionnante plongée dans les dessous les moins glamours du contre-espionnage américain et dans ceux de la CIA, restituant parfaitement l’ambiance de paranoïa qui prédominait à l’époque.

    Matt Damon. Studio CanalAngelina Jolie et Matt Damon. Studio CanalMatt Damon et John Turturro. Studio Canal

 

« Bones d’abord, Dieu ensuite »

 

Au-delà de cette grande fresque politico-historique, De Niro dresse le portrait passionnant d’un homme, consciencieux et zélé, qui jusqu’au bout accordera plus d’importance à son travail et aux secrets qui y sont liés, au détriment de sa propre vie, de ses désirs et de sa famille. Image parfaite du sacrifice de l’individu au service d’une cause plus grande que lui, quelques scènes, bouleversantes, sont là pour rappeler le prix à payer quand on hérite de telles missions. Ainsi, la scène où Wilson rencontre pour la première fois son fils qu’il n’a jamais vu à son retour de Berlin alors que celui-ci a déjà cinq ans, ou celle où il retrouve l’unique amour de sa vie bien des années plus tard, ou enfin celle où il fait éliminer la future épouse de son fils, espionne de l’autre camp, sont autant de petites bombes émotionnelles qui viennent pimenter un peu plus un sujet passionnant. Pour mener à bien un tel film, De Niro a su s’entourer de la fine fleur des comédiens américains, à commencer par Matt Damon, parfait de sobriété, dans un rôle où il ne laisse pas paraître beaucoup de sentiments. De plus son physique d’éternel jeune homme est un atout parfait pour un personnage que nous suivons sur 30 ans, de la sortie de l’université jusqu’à sa petite cinquantaine. Autour de lui que du beau monde, à commencer par Angelina Jolie, William Hurt, Alec Baldwin, ou encore Michael Gambon. Tous brillent par une parfaite justesse, mais aussi une certaine sobriété, qui permet au film, loin de tout esbroufe et de sophistication, de tenir parfaitement sa route. A noter également la jolie performance de la ravissante Tammy Blanchard qui irradie de sa beauté les regrets de Damon.

Matt Damon. Studio Canal

 

Sobriété est également le mot qui convient le plus à la réalisation de De Niro. Sans excès, sans esbroufe, et avec classicisme, il réalise un film élégant, maîtrisant parfaitement l’art subtil des flash-back, et impose une direction d’acteurs de grande qualité.

Angelina Jolie. Studio Canal

 

« Tu me dois toujours une journée au bord de la mer… »

 

Avec ce « Raisons d’état », De Niro replonge dans l’univers des thrillers et des polars paranoïaques hollywoodiens (rappelant par sa forme des films comme « Les hommes du président » de Alan J. Pakula, mais aussi quelque part « Il était une fois en Amérique » de Leone version contre-espionnage), et nous plonge dans une passionnante fresque sur les débuts de la CIA et ses dessous peu reluisants. Saga historique et politique de l’Amérique de la guerre froide, il dresse également un portrait édifiant d’un homme qui sacrifie sa vie pour la cause. Filmé de manière élégante et sobre, à la manière des vieux films hollywoodiens, sur un scénario brillant et ultra documenté, et porté par des acteurs de grande classe, De Niro réussit donc parfaitement son pari et prouve encore un plus qu’au-delà d’être un grand acteur, il est aussi un brillant réalisateur.

Ne vous fiez pas à la durée du film, qui passe sans ennui, et allez voir ce film passionnant !!!



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B
Que de passion ! Il va donc falloir voir aussi celui-ci ? Bon, allez, en salle !
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