Tabarly
« Quand jétais petit et quon me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais ; amiral ! »
« On souhaite s'approcher de ceux que l'on admire, pour les écouter, les connaître. Mais ces hommes-là ne racontent pas leur histoire, ils la vivent. Rencontrer Eric est déconcertant. Un homme de discrétion et d'humilité. Une présence, imposante. Des mots simples et un humour pudique. Je regrette de ne pas l'avoir mieux connu. Mais si je l'avais connu davantage, en aurais-je su beaucoup plus ? Parrainé par l'Association Eric Tabarly, le film de Pierre Marcel évoque le parcours hors norme du marin et son extrême sensibilité. S'appuyant sur une documentation unique d'archives radiophoniques et audiovisuelles, françaises et étrangères, professionnelles et amateurs, inédites pour la plupart, le documentaire nous fait revivre les courses au large, les arrivées discrètes ou triomphales, en solitaire ou en équipage, au long des trente cinq années de suprématie des Pen Duick sur toutes les mers du monde. Tabarly : la symbiose parfaite entre un homme, un bateau et la mer. Si Tabarly ne voulait pas être un homme à messages, il demeure pour toujours exemplaire. Jacques Perrin, producteur. »
« Sans mer il ny aurait pas de bateaux, et cest surtout le bateau qui mintéresse »
Siècle remarquable par son absence de terres vierges à découvrir et par la domestication progressive des éléments naturels par la technique, le 20ème siècle aura laissé peu de place pour les vrais aventuriers. Dès lors, de par ses exploits et ses succès de navigateurs, et par son tempérament de défi envers les éléments, Eric Tabarly aura été en quelque sorte lun des derniers aventuriers des temps modernes. De ceux dont les exploits marquent durablement les foules et font travailler limaginaire collectif. Rien détonnant donc à voir débarquer sur nos écrans un documentaire hommage sur la vie de ce navigateur hors normes à loccasion du dixième anniversaire de sa tragique disparition. Seulement voilà. Face à la grandeur des exploits du personnage, on était en droit de sattendre à un documentaire tout aussi grand. Le problème, cest que pour son premier long métrage, Pierre Marcel se livre sans scrupules à un triste travail de fumiste. Ainsi, son « documentaire » se borne à aligner chronologiquement les images darchives des courses et des victoires de Tabarly, entrecoupées par quelques extraits, pas toujours pertinents, dinterviews quaura pu donner le marin. Et cest tout. Sans vouloir faire la fine bouche, on était quand même en droit dattendre une investigation un peu plus creusée sur ce personnage atypique et sur limpact de ses exploits vu de nos jours. Dautant que, comble du ridicule, Pierre Marcel effleure les sujets, sans penser à les développer. Il nous montre par exemple que Tabarly a formé dans ses équipages successifs la majeure partie des navigateurs français actuels, de De Kersauson à Jean Le Cam en passant par Philippe Poupon, Marc Pajot, ou encore Titouan Lamazou. Pour autant, une fois sorti des quelques images darchives, le réalisateur ne pense à aucun moment à interviewer ces marins, dignes héritiers de Tabarly. Ballot ! Dans le même genre, il « oublie » totalement de mentionner la disparition de lancien compagnon de route devenu rival, Alain Colas. Un événement qui aurait pu permettre un éclairage intéressant sur la manière dont Tabarly appréhendait le risque en mer et la mort. Mais là encore, le réalisateur est aux abonnés absents. On lui reprochera dans le même genre de ne pas montrer limpact des innovations du navigateur grand visionnaire en matière de conception sur la technique des bateaux de compétitions actuels. Mais le gros échec de ce documentaire, cest le portrait du navigateur que tente desquisser Pierre Marcel. Sil nous montre un homme mal à laise face aux médias et dune incroyable réserve, le réalisateur se montre particulièrement malhabile dans sa tentative dexplication de cette facette de la personnalité de Tabarly. En nous ressortant maladroitement quelques bribes peu pertinentes de vieilles interviews où le marin reproche tantôt aux journalistes leur manque de professionnalisme, avant de nous assener un imparable « jaime pas parler pour ne rien dire, aussi quand je nai rien à dire je me tais », le réalisateur ne parvient pas à donner une autre image de Tabarly que celle dun vieux
con un peu bas du front et misanthrope. Un portrait qui finit par sombrer en raison de quelques images inutiles et surtout mal placées dans le film, comme celles où Tabarly confesse avoir peur des enfants en jouant avec sa fille, dont il ressort beaucoup de pathétisme, ou encore celles, censées montrer sa timidité, où il chante seul la mythique « Fanny de La Ninon » dans un banquet qui finit par prendre des tournures beaufs façon village dAstérix. Triste constat déchec que de livrer un portrait négatif dune personnalité quon admire et à qui on décide de consacrer un documentaire !
« Il a une grande qualité qui est aussi son principal défaut : il se dit obstiné, moi je dis quil est têtu »
Sur la forme, ce documentaire est assez déroutant et peu probant. On reconnaît la présence du producteur Jacques Perrin, par le passé déjà producteur de nombreux documentaires essentiellement animaliers (« Microcosmos »), et dont la vision « naturaliste » de la chose se concrétise ici par labsence totale de voix off, dinvestigation, ou dune quelconque subjectivité dun regard extérieur. Les images nous sont livrées telles quelles en pâture, simplement accompagnées de la belle musique de Yann Tiersen. Prenant leau de part et dautre, le documentaire de Pierre Marcel savère finalement assez décevant et peu passionnant. La faute à un parti pris très discutable de ce dernier, qui aborde son documentaire de façon « naturaliste », occultant totalement tout travail dinvestigation pourtant propre à ce genre. On se consolera avec les belles images de mer, qui, à limage des exploits de Tabarly, demeurent intemporels.
Commenter cet article