Le tueur
« Je sais que tu es là pour moi. Jai un truc à te proposer : laisse-moi jusquà samedi. Depuis que tu es passé à mon bureau, jarrête pas de me demander où et quand tu vas le faire. Autant voir ça ensemble, ça mévitera davoir peur en permanence »
Paris, quelques jours avant Noël. Trader mystérieux, Leo Zimmerman semble avoir une vie rêvée : de largent à foison, un bel appartement, une situation professionnelle stimulante, une jeune et jolie épouse, et une petite fille dont il est fou. Pourtant, lorsque Dimitri Kopas, tueur à gages, débarque à Paris, cest pour exécuter le contrat qui pèse sur la tête de Zimmerman. Et lorsque Kopas débarque dans son bureau sous le prétexte dobtenir des renseignements, Léo comprend parfaitement que cette visite est une sorte davertissement lui rappelant que ses jours sont désormais comptés. En proie à langoisse et à la peur, Léo retrouve Kopas pour lui proposer un marché : il ne se sauvera pas, mais lui demande un délais de cinq jours, le temps de régler ses affaires
« Ce que je ne veux pas, cest souffrir. Je veux que ce soit rapide et efficace : une seconde je suis vivant, celle daprès je suis mort »
« Le tueur » est la première réalisation de Cédric Anger. Déjà auteur dun court métrage il y a plusieurs années, Anger sest surtout fait un nom dans le milieu du cinéma en tant que scénariste. Il a ainsi signé le scénario de « Selon Matthieu » et « Le petit lieutenant » pour Xavier Beauvois, ainsi que celui de « Deux » de Werner Schroeter. Pour sa première réalisation, il fait le choix difficile de réaliser un film de genre. Particulièrement codifié, celui-ci savère être un exercice beaucoup plus périlleux que les habituels premiers films consacrés à des sujets dauteur un peu narcissiques ou à des comédies légères. A noter que durant sa production, le film était initialement intitulé « Le soldat ».
« - Ce restaurant est vraiment triste et dégueulasse
- Tout le monde ne peut pas vivre en costard et fréquenter les grands restaurants »
Sujet archi traité, genre ultra codifié, la principale difficulté du film de tueur à gages était de pouvoir soutenir la comparaison avec les films déjà existants. Et la chose nétait pas aisée tant les films références en la matière ont placé la barre très haut (on pense au « Samouraï » de Melville, à « Collateral » de Mann, en passant par « La mémoire du tueur » de Van Looy, « Léon » de Besson, ou encore « Ghost dog » de Jarmush). Certaines figures de tueurs à gages sont même entrées dans la légende comme Delon dans le « Samouraï » ou Jack Palance dans « Lhomme des vallées perdues ». Bref, que du lourd. Pari risqué que de passer derrière. Et pour le coup, on sent bien que Anger manque un peu dépaules pour mener véritablement à bien son film. Et cest dautant plus dommage que le jeune réalisateur et scénariste a clairement acquis les codes et passages obligés du genre, et que son scénario foisonne de bonnes idées, comme la relation du tueur avec le personnage de Mélanie Laurent qui savère tout aussi manipulateur, ou les scènes de paranoïa et de flippe dont est victime Zimmerman. Malheureusement, Anger pêche par ce qui faisait loriginalité de son scénario : une fois que la cible rencontre son tueur et quelle négocie son sursis, la tension sévapore aussitôt et le film se perd entre un improbable portrait de tueur instinctif et paumé dans lexistence, lobservation stérile de son attente du moment fatidique, et des intrigues secondaires jamais vraiment totalement exploitées (la relation entre la femme de Léo et son associé). Du coup, même si la durée du film est tout à fait dans la norme, « Le tueur » paraît bien long et sa dernière demie-heure semble même dénuée de tout intérêt. A ce titre, la révélation finale de lidentité du commanditaire du contrat, qui est lune des clés du film, semble trop clichée et prévisible pour totalement convaincre. Sans parler de la dernière scène, inutile et pour le coup ridicule, qui nous laisse finir sur une mauvaise note.
« - Ça ne te fait rien de faire les choses que tu fais. Tu néprouves jamais de remords ?
- non »
Côté réalisation, Anger laisse entrevoir de belles qualités, malgré laspect terriblement inégal de son film. Les scènes dangoisse et de paranoïa de Léo sont à ce titre probablement les plus réussies, avec une mention particulière pour la scène de poursuite en voiture. On lui reconnaître également des choix judicieux et pertinents en terme de luminosité, de décors et datmosphère, pour restituer une ambiance des plus austères et parfois des plus glauques. Côté interprétation, on saluera une nouvelle fois limpeccable prestation de Gilbert Melki, aussi à laise en homme daffaires cynique, quen cible apeurée dune machination implacable. Face à lui, le jeu toujours un peu trop monolithique et brut de décoffrage de Grégoire Colin saccorde très bien. Quand à Mélanie Laurent, même si elle semble parfois manquer de conviction, elle apporte la petite touche de féminité et de charme nécessaire pour oublier quelques instants laustérité de lambiance de ce film. A noter la présence dans un second rôle de Xavier Beauvois, qui comme pour les films de ses potes comédiens Roschdy Zem (« Mauvaise foi ») et Jalil Lespert (« 24 mesures »), fait une apparition dans un second rôle.
« - Se faire dévorer vivant par un fauve, ça doit être le plus grand des frissons.
- Ya intérêt, parce que cest le dernier ! »
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Au final, ce « Tueur », première réalisation de Cédric Anger, est un film tout à fait regardable mais qui ne marquera pas non plus les esprits. Il faut dire quil ne renouvelle pas un genre déjà trop marqué par quelques films exceptionnels. Pire, certains rebondissements, convenus et clichés, donnent par moments un effet trop téléphoné à lensemble. Malgré cela, « Le tueur » laisse entrevoir des qualités intéressantes chez son réalisateur, dont on attendra avec attention le prochain long.
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