Lust, caution
« Que le sabre sabaisse, ma jeunesse naura pas été veine »
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HongKong, fin des années 30. Après avoir fuit Shanghai prise par les japonais, un groupe détudiants, pris dune fougue adolescente patriotique et résistante, décide dorganiser lassassinat de M.Yee, fonctionnaire chinois collabo et tortionnaire, à la solde de lenvahisseur nippon. La petite bande mise tout sur la jeune et séduisante Wong, qui devra se faire passer pour la jeune épouse dun ponte local de limport export, afin de pénétrer dans lintimité de la famille de M. Yee. Mais très vite, une attirance très forte entre Yee et Wong vient considérablement compliquer les choses
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« Pour les générations futures, la Chine ne doit pas mourir »
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Après près dune décennie daventures cinématographiques aux Etats-Unis (« The ice storm », « Chevauchée avec le Diable », « Hulk »), Ang Lee, le metteur en scène dorigine taiwanaise, revient aux commandes dun film purement asiatique. Un événement puisque le réalisateur navait pas tourné de film sans sa langue maternelle depuis « Tigre et dragon » (2000). Pour son grand retour asiatique, il sattaque à ladaptation dune nouvelle dEileen Chang, qui fut lune des plus grandes romancières chinoises contemporaines, écrite dans les années 50. Pour la petite histoire, le titre du film peut avoir deux significations, car si « lust » signifie bien « désir », « caution » peut se traduire par « prudence » ou par « bague », les deux mots ayant le même idéogramme chinois. Deux ans après avoir reçu le Lion dor au festival de Venise pour « Le secret de Brokeback Mountain », « Lust, caution » a valu à Ang Lee de recevoir une deuxième fois ce prestigieux trophée lors du dernier Festival de Venise, le faisant rentrer dans le club très fermé des réalisateurs deux fois honorés par cette distinction suprême, qui ne comptait alors quAndré Cayatte, Louis Malle, et Zhang Yimou.
« Dhabitude, je ne vois quune chose dans les yeux de mes interlocuteurs : de la peur. Je ne vois pas ça en vous. Je crois que rien ne vous effraie. »
Connaissant le goût prononcé dAng Lee pour les grandes fresques visuellement somptueuses et les grands sentiments, il y avait, du moins sur le papier, de quoi faire de cette histoire une grande fresque romanesque émouvante et déchirante. Comme avait su le faire lannée dernière Paul Verhoven avec son « Black book » à lhistoire assez similaire. Par ailleurs, cétait loccasion de revenir sur loccupation japonaise de la Chine durant la seconde guerre mondiale, épisode finalement assez méconnu, du moins pour le public occidental. Malheureusement pour nous, Ang Lee a laissé son inspiration au placard. Tout dabord, on accroche jamais à cette histoire qui semble abracadabrantesque, de ces jeunes étudiants à moitié pieds-nickelés, qui sans la moindre formation despionnage, arrivent parfaitement à infiltrer une famille de collabos de haut rang qui savère pourtant des plus méfiantes. Mais plus que tout, alors que cette histoire appelait à une expression débridée des grands sentiments exacerbés (que ce soit lamour inavoué entre Wong et le jeune leader rebelle de la troupe de théâtre, ou davantage encore entre Wong et Yee, déchirés entre haine, dégoût, passion, désir, et attirance charnelle), on ne peut que déplorer le fait que Lee nous livre un film froid comme la pierre, dont il ne se dégage pas la moindre émotion. Du coup, entre les interminables parties de Ma-jong, et les scènes de sexe certes bien filmées mais dune bestialité manquant cruellement de sensualité, ce film nous laisse de marbre et on sennuie ferme. Et ce jusquà un dénouement final dune rare austérité, qui aurait du être déchirant sil navait pas été aussi bâclé et mal écrit. Si il y a toujours un risque denvoyer trop facilement et trop massivement les violons et les fleurs bleues dans ce genre de fresque, Ang Lee na visiblement pas compris que cétait la condition sine qua non pour quun tel film fonctionne, lintériorité et le non-dit qui ont fait le succès de « Brokeback Mountain » nétant pas du tout appropriés à cette histoire.
« - Je vous haie
- Je te crois. Je ne crois plus personne depuis longtemps, mais toi je te crois. Dis-le encore une fois et je te croirais. »
Sur la forme, « Lust, caution » a quelque chose dambivalent. On est forcé de constater que limage est léchée, grâce à lexcellent travail sur la lumière, grâce également au magnifique soin apporté à la reconstitution des costumes et des décors, ainsi que par la musique, signée du français Alexandre Desplat. Pour autant, à linstar du tout aussi raté « Mémoires dune geisha » (Rob Marshall 2006), cette beauté visuelle formelle a quelque chose en elle de trop factice, tenant trop de la reconstitution clichée et carte postale, pour spectateurs occidentaux en mal dexotisme et nostalgiques de lorientalisme et du japonisme. Côté comédiens, là encore, le résultat est inégal. Si Tony Leung fait encore une fois étalage de tout son talent et de son charisme en prêtant magistralement ses traits à ce collabo violent et sans état dâme, la jeune Tang Wei, dont cest ici le premier rôle à lécran, manque cruellement de subtilité, de finesse et démotion dans son jeu pour faire jeu égal avec son partenaire. A leur côté, Joan Chen fait aussi preuve dune belle présence à lécran. Dommage que son personnage apparaisse finalement aussi peu. Reste la brochette de jeunes comédiens jouant la bande détudiants. Quant au jeune Lee-Hom Wang, il narrive à aucun moment à se défaire de son look de chanteur pour minettes, ni à élever suffisamment son jeu pour nous convaincre totalement.
« - Je sais pourquoi tu mas amené ici : pour faire de moi ta putain.
- Ma putain ? Je sais mieux que toi faire la putain »
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Au final, malgré lévidence des gros moyens dont a bénéficié ce film, « Lust, caution », le nouveau film dAng Lee est une énorme déception. Adaptation ratée, ce film manque incroyablement de souffle, de profondeur et de chair. Un comble pour une histoire de déchirement et de passion. Ceci est dautant plus dommage que Lee avait un support historique et les moyens techniques pour réaliser une grande et émouvante fresque dans la lignée des « Casablanca » ou « Docteur Jivago ». Pire, en étirant au maximum un récit dont il na pas su tirer la substantifique moelle, ce « Lust, caution » tourne très vite à vide, et ses 2h38 de durée ressemblent à un interminable chemin de croix dennui. Plus que jamais, le Lion dor venu récompensé ce film semble incompréhensible. A fuir !!!
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