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09 May

Le vieux jardin

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Toi dedans, moi dehors, des fois c’était pénible »

 

On connaissait le talent du réalisateur Im Sang-Soo . Parmi ses précédents films, « une femme coréenne » avait été salué par l’ensemble de la presse. Ce « Vieux jardin » vient d’ailleurs s’inscrire logiquement à la suite de son dernier film en date « The president’s last bang », évoquant l’assassinat du dictateur sud-coréen Park Chung-Hee en 1979. L’histoire se situe en effet dans les mois qui suivent cet assassinat et nous font plonger dans l’univers du héros, Hyun-Woo, jeune étudiant militant socialiste pendant le soulèvement étudiant de Kwangju. Ce dernier, recherché comme tant d’autres activistes, trouve refuge quelques mois durant chez une jeune activiste de province, avec laquelle il vit une folle passion. Mais, tiraillé par sa volonté de rejoindre ses camarades et la lutte, il retourne en ville et se fait prendre. A sa sortie de prison, 17 ans plus tard, la société coréenne a évolué en un monde qu’il ne reconnaît plus et qui ne le reconnaît plus. Et surtout, Yoon-Hee, la femme qu’il a aimé pendant sa cavale, est morte trois ans plus tôt. Il tente donc de refaire le lien entre passé et présent, regrets et remords, avec le journal de bord que lui a laissée Yoon-Hee.

Pretty Pictures

« L’air est trempé par le vent qui souffle, je t’appelle « Pluie de Printemps » »

 

Pour son cinquième long-métrage, Im Sang-Soo choisit donc l’adaptation du roman homonyme de Hwang Sok-Yong, véritable best-seller au pays du matin calme, mêlant histoire, politique, et romance. Et autant dire qu’il était particulièrement attendu au tournant. Hwang Sok-Yong est un des auteurs les plus connus et lus de Corée du Sud, un des rares auteurs coréens à être reconnu dans les monde entier. Son engagement lui a valu, à l’instar de son héros, de faire un peu de prison. Son expérience personnelle se ressent d’ailleurs dans la précision historique des faits et dans le ressenti du héros, aussi bien de son enfermement, que de sa frustration politique.

 

« Tu sais comment on sait si on est encore un enfant ou un adulte ? Si on aime les nouilles Jiajiang, on est encore un enfant »

 

La force de ce récit réside dans la puissance et l’abondance des grands sentiments. Tantôt extrêmement amoureux, tantôt prêt à mourir pour la cause, Hyun-Woo ne vit pas les choses à moitié. Lui, le beau rebelle, découvre l’amour lors de sa cavale, au milieu de paysages naturels grandioses, et s’apprête sans le savoir à passer 17 ans, ses jeunes et plus belles années, en prison. Il a jusqu’à sa capture, toujours le choix en main pour décider comment mener sa vie, et la perd en quelque sorte, par l’intransigeance de sa jeunesse, qui le pousse irrémédiablement à prendre les mauvaises décisions.

De l’autre côté, Yoon-Hee, d’abord icône de la féminité par excellence, se révèle être un magnifique portrait de femme forte, amoureuse et battante jusqu’au bout, essayant de protéger tous ceux qui l’entoure et qui sont toujours sur le fil.

Yum Jung-ah et Jin-hee Ji. Pretty Pictures

 

Par ces deux personnages très forts, Im Sang-Soo nous dresse un bel hommage à la jeunesse, à sa révolte, à ses excès, mais aussi au fait qu’après avoir toujours mené les combats, c’est toujours la jeunesse qui paye le prix fort, en se voyant systématiquement sacrifiée.

De même, tout en prenant clairement position en faveur de ces étudiants qui se révoltent contre le régime en place pour plus de libertés, il n’en porte pas moins un regard des plus réalistes et critiques sur la société coréenne actuelle. Si le gardien de prison dit bien au héros en le relâchant « le monde est devenu meilleur paraît-il. Si c’est le cas, tu y es sûrement pour quelque chose », au fond, on se rend bien compte que Hyun-Woo ne se retrouve pas dans ce monde qui a tant muté pendant ses années d’emprisonnement, et que ce même monde semble l’avoir oublié et n’être plus fait pour les gens comme lui (ce dernier ne trouve plus sa place dans la société actuelle). A demi-mot, il sous-entend presque que si des gens Hyun-Woo se sont battus pour plus de libertés, la société à dérivée à l’extrême. Et par là, il rend un deuxième hommage, lourd de sens à mon avis, à la pureté de la jeunesse et à ses illusions perdues. Car de voir qu’aujourd’hui, ce que la société a gagné en libertés, elle les perd dans les excès de consumérisme et de productivisme, Hyun-Woo, de par ses attitudes, semble se poser des questions pour savoir si finalement, ce résultat méritait vraiment de sacrifier ses 17 plus belles

années.

Jin-hee Ji et Yum Jung-ah. Pretty Pictures

« Je te cache, je t’héberge, je te nourris, je te donne mon corps, et toi tu pars ? Bon vent, imbécile ! »

 

Les plus vives critiques de la presse concernant ce film se font principalement sur le fait que le scénario tombe parfois dans le mélo. Or, je trouve que c’est la grande force du film que d’arriver à faire un film à la fois politique et historique, mais aussi tout simplement humain. Cette histoire d’amour passionnée et cruelle renforce au contraire le sacrifice de cette jeunesse, incarnée par le beau Hyun-Woo. Car ne nous le cachons pas, le film prend une dimension humaine magnifiée par le romantisme de l’histoire, par le sacrifice, par le sort qui joue contre l’amour des héros (elle l’attend tout au long de sa peine et meurt avant sa sortie de prison), par ce qui aurait pu être et n’a pas été, par cet amour qui ne sera jamais vécu haut et fort comme il aurait du l’être.

Yum Jung-ah. Pretty Pictures

 

En ce sens, Im Sang-Soo réalise des scènes bouleversantes, telles que cette larme qui coule sans pouvoir être réprimée sur le visage vieilli de Hyun-Woo lors de son premier repas en famille et peu de temps après avoir appris la mort de sa bien-aimée. De même que le suicide de la meilleure amie de Yoon-Hee, qui s’immole par le feu en signe de contestation désespérée.Et puis il y a tous les récits du journal de bord que Yoon-Hee a écrit pour Hyun-Woo, et qui relate sa vie sans lui, ses espoirs et ses coups de cafard, et surtout ses rêves simples d’être auprès de lui et de vivre une vie de couple et de famille normale à ses côtés.

 

« Même si tu n’as été pour moi qu’une image toutes ces années, maintenant que je fais face à la mort, je me rends compte que tu auras été l’amour de ma vie. Mon chéri, je t’aime »

 

Im Sang-Soo n’a pas choisit la facilité pour la forme de son film. En effet, celui-ci est construit en d’incessants flash-backs mêlant habilement présent et passé. Le petit reproche que je pourrais faire serait qu’il perd quelquefois son spectateur dans cette question de temporalité. Mais son grand talent et son travail permettent dans l’ensemble une assez bonne fluidité dans ce domaine. Le choix des interprètes s’avérant une nouvelle fois extrêmement juste et judicieux. En particulier, Jin-Hee Ji et Yul Jung-Ah, qui excellent par leur intériorité, sachant parfaitement exploiter le force émotionnelle des dialogues, autant que celle des non-dits et des silences. Et ce jusqu’au final, quasi muet, et d’une rare poésie avec la silhouette longiligne de l’héroïne qui plane sur la première rencontre entre Hyun-Woo et de sa fille dont il vient de découvrir l’existence.

Jin-hee Ji. Pretty Pictures

 

Au final, le nouveau Im Sang-Soo comble parfaitement les attentes qu’on pouvait en avoir. Il signe là un film fort, poignant, politique, nostalgique et surtout d’une grande poésie. Probablement le plus beau film sur les écrans depuis le début de l’année. Un vrai petit bijou.



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B
L'une des plus belles critiques de ton blog, pour l'un des films les plus beau depuis hyper trop longtemps. <br /> En effet, la trame romantique "fleur bleue" ont dit certains, sert justement à démontrer l'hyper méga gachi d'une vie et d'un super talent comme le dit Yoon Hee, au profit d'une cause qui nous concerne tous sur cette terre le droit de vivre en liberté. Se contenter de vivre en soumis, ou se battre au risque de perdre la vie, mort ou enfermé ? et perdre aussi ce qui est l'essence même d'une vie sans quoi elle n'aurait pas de sens, l'amour. Bravo pour ce blog.
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