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31 Dec

Vous êtes de la police?

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films noirs-Policiers-Thrillers

« - Pourquoi avoir fait de ce château une maison de retraite ?

   - J’ai toujours fait dans le vieux. Les vieux, c’est l’avenir »

 

Inspecteur de police en retraire désormais en fauteuil roulant, Simon est placé contre son gré dans une maison de retraite, Les Aravelles. Peuplé de grabataires, Simon se refuse à aller vers les autres. Seul Alfred Lamproie, ancien propriétaire des lieux désormais lui aussi pensionnaire, trouve grâce à ses yeux. Tout d’abord fantasque, doucereux et intrigant, Alfred se révèle en fait très hautain et autoritaire. De quoi créer finalement des tensions entre les deux hommes. Reste qu’Alfred fait une chute mortelle sous les yeux de Simon. Si tout le monde croit à la thèse de l’accident, Simon, lui, est persuadé qu’on l’a poussé intentionnellement. Accompagné par le valide résident Francky, papy rocker rebelle et kleptomane, Simon décide de mener sa propre enquête au sein de la maison de retraite…

 

« Maintenant, mon sang coule dans ton sang et tu es un Cheyenne, comme moi. Et si tu as un fils, il seras un Cheyenne, comme toi »

 

Nombre de copies peu élevé, médiatisation du film minimale, production à petit budget, c’est dans une quasi indifférence que sortait le premier film de Romuald Beugnon, « Vous êtes de la police ? ». Pourtant, ce film pouvait se vanter d’avoir un casting prestigieux, regroupant pas mal de vieilles gloires de notre patrimoine cinématographique national. C’est d’ailleurs de son casting que vient le réel intérêt de ce film, puisqu’il s’agit du dernier film tourné par deux de nos grands comédiens qui nous ont quittés cette année : Jean-Pierre Cassel et Jean-Claude Brialy. Pour le reste, il s’agit du premier long de Romuald Beugnon, diplômé de la prestigieuse FEMIS, et qui s’était déjà illustré par quelques court métrages et documentaires. C’est d’ailleurs lors d’un tournage d’un court documentaire sur le tabac en maison de retraite (« Aspirez ! » - 1995) que ce dernier a eu l’idée d’y situer l’action d’une fiction. A noter que le comédien Philippe Nahon a reçu pour sa prestation le Prix d’Interprétation du Festival de Saint-Jean-de-Luz.

 

« On a pas de témoins. C’est plein d’Alzheimer ici. Même si quelqu’un a vu quelque chose, il a du déjà oublier »

 

Audacieux et original, tels sont les adjectifs qui viennent en premier lieu pour qualifier ce projet de polar en maison de retraite. En effet, loin de toute image glamour et traitant de sujets à priori peu enthousiasmants (la vieillesse, la régression physique, la solitude, les maisons de retraite), le film ose le pari de ne pas tabler sur des sujets – à priori – très commerciaux. Une originalité que Beugnon, qui a co-signé scénario et dialogues, a voulu insuffler dans son écriture, en essayant de mêler le plus habilement possible un certain nombre de références et de figures imposés liées au genre. En cela, il réussit plutôt bien son pari en imposant à son film un ton qui ne se prend jamais trop au sérieux. Entre l’incroyable buddy movie (porté par un duo composé d’un retraité en fauteuil et d’un papy rocker débonnaire fan de karaoké) et les improbables révélations (coucheries et règlements de comptes entre pensionnaires), il plane résolument une étrange tonalité assez joyeuse et drôle, qui contraste formellement avec la monotonie du lieu et tout ce qu’il contient de connotations latentes un peu glauques (mort, personnes âgées handicapées ou séniles, infantilisation des pensionnaires, etc…). La reconstitution du lieu et de son atmosphère sonne d’ailleurs très juste, probablement grâce à l’expérience du réalisateur dans le travail de documentaire, qui a insisté pour que les figurants soient de vrais pensionnaires de maisons de retraites. Il est d’ailleurs intéressant de voir la représentation qu’il nous livre du lieu, qui est clos et coupé du monde, et dont les pensionnaires ne peuvent s’extraire. Ce côté enfermement façon « Assault » (Carpenter), mêlé à la tonalité humoristique, renforce d’ailleurs le petit côté « Agatha Christie » du film. Une ambiance et une tonalité qui sont les principales attractions formelles d’un scénario, qui, sur un plan strictement policier, ne recèle aucune inventivité ou originalité. Tout juste l’identité surprenante et immorale des coupables (la trop gentille et mutique doyenne et la plus maternelle des infirmières !) surprendra.

 

« Il va pas s’envoler ton coupable. T’es chez les vieux ici ! »

 

Sur la forme, autant le dire, on sent aisément que le film n’a pas bénéficié d’une grande largesse budgétaire. D’un point de vue visuelle, ce film ne vaut d’ailleurs pas beaucoup plus qu’un téléfilm de la 3. De même, le rythme du film pose souvent problème, trop de longueurs étant à signaler. Mention cependant au travail des décorateurs et accessoiristes qui ont contribué à soigner le côté authentique du lieu, et qui nous offrent de jolis sourires lors de la découverte de la chambre de Francky. Côté interprétation, c’est tout d’abord l’émotion de voir Jean-Pierre Cassel et Jean-Claude Brialy une dernière fois à l’écran qui prend le dessus (septième collaboration à l’écran pour les deux comédiens). Une émotion qui ne masque pas néanmoins la qualité de l’interprétation de ces deux grands acteurs, capables une fois encore de livrer de grosses prestations au service d’un petit film. Mention encore plus particulière pour Jean-Pierre Cassel qui passe les trois quart du film en fauteuil roulant. A leurs côtés, on est bluffé par la performance très décalées et toute en démesure de l’excellent Philippe Nahon. Même chose pour la très classe et trop rare Micheline Presle. A noter également la jolie performance de Yolande Moreau en infirmière un peu barge et flippante.

 

« - J’croyais qu’il était coupable

   - On croit toujours qu’ils sont coupables »

 

Au final, « Vous êtes de la police ? » reste un petit film original et sympa, mais pas inoubliable non plus. Si la tonalité du film reste légère et plaisante et l’authenticité du décor et du lieu de l’action permet de mettre sous les feux des projecteurs une catégorie de personnes qui s’y trouvent trop rarement, l’intrigue policière reste quand même assez banale et la qualité visuelle trop proche du téléfilm pour complètement convaincre. Reste un joli casting et une interprétation générale de grande qualité, avec en tête les immenses et regrettés Jean-Pierre Cassel et Jean-Claude Brialy pour leur dernier film. Un argument suffisent pour aller voir ce film plaisant mais pas indispensable.



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B
Encore une fois, je partage totalement ta critique, excellente, et recellant nombre d'infos sympas. Ce film aurait mérité un peu plus d'attention de la part du réalisateur, pour en faire un petit bijou.
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