La visite de la fanfare
« Il ny a pas de centre culturel ici. Ni Arabe, ni Israélien. Pas de culture. Cest la zone »
Israël. Dans la plus grande indifférence générale, la petite fanfare égyptienne de la police dAlexandrie débarque pour inaugurer le centre culturel arabe dune petite ville. Mais problème dorganisation ou pas, toujours est-il que personne ne les attend à la sortie de laéroport. Se sentant perdus en territoire étranger, ceux-ci se renseignent tant bien que mal pour rejoindre la petite localité où ils doivent jouer en car. Mais là encore, la malchance est avec eux, et une simple erreur de prononciation du nom de la ville leur suffit pour se débarquer dans une autre ville. Une ville perdue au beau milieu de nulle part. Ayant pris le dernier car de la journée et sans argent, les musiciens se retrouvent dépendants de lhospitalité des locaux. Entre méfiance des uns et générosité des autres, un échange commence à se créer entre eux
« - Ça ne dérangera pas votre mari de nous héberger ?
- Si je le rencontre un jour, je lui demanderais »
Présenté avec succès lors du dernier Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, « La visite de la fanfare » était non seulement reparti avec le prix de la jeunesse et un parrainage du Ministère de la Culture, mais aussi avec la satisfaction davoir enthousiasmé unanimement la critique. Suffisamment en tous cas pour faire de ce long métrage un film attendu et dont on parle très positivement depuis des mois dans tous les médias spécialisés. « La visite de la fanfare » est le premier long du réalisateur israélien Eran Korilin, qui avait jusquici officié comme scénariste et réalisateur pour la télévision israélienne. A noter également que malgré lenthousiasme quil a suscité, le film ne représentera pas Israël dans la course à lOscar du meilleur film étranger, pour la bonne raison quil a été tourné à plus de 50% en langue anglaise, critère totalement disqualifiant.
« - Pourquoi la police dAlexandrie a-t-elle besoin de jouer les grands classiques de la musique arabe ?
- Cest comme si vous me demandiez pourquoi un homme a besoin dune âme »
Dentrée de jeu, on comprend ce qui a autant enthousiasmé la critique dans ce film. Car « La visite de la fanfare » est avant tout une gentille fable intemporelle, distillant généreusement un intelligent message de paix et despoir, un appel à la tolérance et au respect, à la communication entre les différents peuples et les différentes cultures, et démontrant luniversalité de lHumain, dans ses sentiments, ses douleurs et ses aspirations. A ce titre, la forte présence de la musique en tant que langage universel, est un vecteur permettant de dépasser les clivages et les préjugés pour mieux établir les bases dune communication trop souvent boudée par bêtise et préjugés. Un message qui, au vue de lactualité brûlante de la région, est forcément salutaire. De plus, le film jouit dun scénario plutôt original et bien écrit, mêlant assez habilement burlesque et émotions. A ce jeu, on peut ainsi citer quelques jolies scènes qui brillent par leur grâce et leur légèreté, comme celle de la leçon de drague ou celle de la conversation nocturne dans le parc. Pour autant, difficile dêtre totalement convaincu ou emballé par « La visite de la fanfare », qui au-delà des grandes et belles idées quil défend, est appesanti par une avalanche indigeste de bons sentiments bien guimauves et dune détestable volonté de faire dans le larmoyant. Entre la culpabilité du chef de la fanfare dans le décès de sa femme et de son fils, et laspect irréaliste du « finalement, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » (des égyptiens arrivent à limproviste, perdus, dans un village isolé israélien, en deux minutes, trois personnes acceptent de les loger, personne ne bronche, et même la méfiance qui est de mise sévapore après trois notes de musique), il y a une impression de « trop bien pensant », de trop lisse, trop gentil et trop niais (à la manière de Jean Becker ou de Christophe Barratier), qui prend le dessus pour notre plus grand déplaisir. Tout cela est assez dommage, car une belle et convaincante énergie se dégage de ce film, énergie positive montrant la forte implication de toute léquipe dans ce projet. De même, on saluera lefficacité de la mise en scène de Korilin, dune belle simplicité qui préserve à la fois de jolis moments presque poétique, et la belle authenticité des comédiens. Des comédiens eux-mêmes au diapason, Ronit Elkabetz et Sasson Gabai en tête. Avec des personnages aux caractères opposés, Elkabetz donne littéralement vie au sien par son panache de fougue, de force, et de féminité, quand Gabai est pour sa part tout en gravité contenue.
« Jai cru que cette nuit on aurait pu revivre ça : un grand film damour avec de grands mots arabes »
Au final, « La visite de la fanfare » laisse un sentiment assez mitigé. Si le film reste plaisant à regarder, et si le message de paix et de tolérance qui est en ressort est très louable, lensemble déçoit par son excès de bons sentiments et par sa naïveté, ainsi que par la volonté affichée du réalisateur den faire un film ultra consensuel. En ce sens (et même si la comparaison peut paraître maladroite compte tenu de la différence de la nature des sujets), « La visite de la fanfare » me laisse un peu la même impression dinachevé, en raison de leur côté trop guimauve, que des films récents comme « Once » ou « Un secret » qui ont pourtant fait lunanimité auprès du public. Rassurante et positive, cette gentille fable comblera certainement les attentes de la plupart de ses spectateurs. Pour ma part, elle manquera dun peu de souffle, de profondeur et de réalisme pour finir de me convaincre. Si « La visite de la fanfare » est un sympathique petit film, il remet néanmoins de nouveau en cause lobjectivité de la presse spécialisée, qui lui a taillé une réputation de petit chef duvre qui semble malgré tout largement disproportionné.
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