Cloclo
« Si je dois mal gagner ma vie, autant faire un métier qui me plait ! »
Cloclo, c’est le destin tragique d’une icône de la chanson française décédée à l’âge de 39 ans, qui plus de trente ans après sa disparition continue de fasciner.
Star adulée et business man, bête de scène et pro du marketing avant l’heure, machine à tubes et patron de presse, mais aussi père de famille et homme à femmes…
Cloclo ou le portrait d’un homme complexe, multiple ; toujours pressé, profondément moderne et prêt à tout pour se faire aimer.
« Si dans dix ans je ne suis pas le nouveau Samy Davis Jr, j’aurai raté ma vie ! »
Genre cinématographique jusqu’ici plutôt américain, le biopic se fait progressivement une place dans le paysage cinématographique français. Après « La môme » Piaf, Coluche « L’histoire d’un mec » et Gainsbourg (Vie héroïque), au tour de Claude François, autre icône populaire au destin foudroyé, de voir sa vie racontée sur grand écran. De prime abord, le sujet avait de quoi laisser perplexe : « Cloclo », le chanteur à minettes ringard, avec ses cols pelle à tarte et ses « claudettes » dénudées, héros de cinéma ? Pour couronner le tout, le projet était confié à Florent Emilio Siri, plutôt spécialiste jusqu’ici des films d’action (« Nid de guêpes », « Otages », « L’ennemi intime »).
« Si les gens me voient vivre comme tout le monde, il est où le rêve ? »
Pourtant, en dépit d’un récit un peu trop linéaire (reprenant toutes les étapes de la success story : les galères, l’ascension vers la gloire et la chute prématurée), force est de constater que la vie du chanteur est assez cinégénique : sa jeunesse égyptienne prise dans les tourments de la grande Histoire, ses relations conflictuelles avec un père autoritaire, ses années de galère… Et toujours cette folle énergie, cette obstination, cette foi inébranlable en son destin qui forcent le respect. Tour à tour showman génial, businessman visionnaire (il est le premier à créer son label et ses produits dérivés), star hyper mégalo ou maniaque obsédé par le contrôle de sa vie (son faux malaise sur scène, son fils caché), le film nous montre le personnage dans toute sa complexité. Si ses zones d’ombres (son égo surdimensionné, sa jalousie maladive qui le pousse à punir ses compagnes successives pour ne pas lui donner un amour exclusif ou pour lui avoir fait de l’ombre) rendent le personnage souvent peu attachant, le film, qui prend le parti de ne jamais être ni hagiographique ni à charges, lui confère tout de même une certaine humanité au détour de son éternelle insatisfaction (il se trouve laid, déteste sa voix, se croit « mal aimé », n’ose pas aborder son idole Sinatra alors même que celui-ci a repris sa chanson). S’il souffre parfois de quelques longueurs inutiles (notamment au deux tiers, lorsqu’il nous décrit ses activités commerciales et l’affaire de son fils caché) et de quelques enchainements pas toujours heureux (l’écriture de « Comme d’habitude » semble un peu tomber comme un cheveu sur la soupe), le film se révèle (étonnamment) aussi plaisant qu’une chanson populaire. Reste l’impeccable performance des acteurs, Jérémie Rénier en tête, dont la ressemblance au chanteur confère à l’ensemble une certaine authenticité. De quoi lui permettre à coup sûr d’être en bonne position pour les Césars.
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