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16 Feb

Cortex

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films noirs-Policiers-Thrillers

« Tu ne m’as pas attendu pour faire ta valise ? Tu es sûr que tu n’a rien oublié ? »

 

Charles Boyer, ancien inspecteur de police fraîchement retraité, est atteint de la maladie d’Alzheimer. S’il est encore suffisamment conscient des choses, il passe par des grandes phases d’oubli qui l’incitent à tout noter sur son cahier. C’est ainsi qu’il s’apprête à entrer définitivement en institution spécialisée. Si il a du mal à se faire à la vie sur place, où il cotoie beaucoup de personnes à un stade plus avancé que lui de la maladie, il s’éprend assez vite d’une autre pensionnaire, Carole. Malheureusement, une vague de décès de pensionnaires d’autant plus mystérieuse que le personnel médical refuse d’en parler, frappe la paisible institution. Si Charles reste méfiant vis-à-vis de ses évènements, le décès de Carole va finir de le convaincre de mener son enquête. Mais désormais sans le pouvoir de l’insigne, il devra également se battre contre sa mémoire défaillante…

 

« - Qu’est-ce que tu m’as dis que j’avais déjà ?

   - Alzheimer, Papa »

 

Grand féru de cinéma, Nicolas Boukhrief se sera illustré par son parcours atypique. Journaliste cinéma, fondateur de la revue Starfix, il se fera connaître tout d’abord en tant que scénariste (« Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes » - Zilbermann – 1993). Après deux premiers longs n’ayant pas rencontrés leur public (« Va mourir » en 1995, « Le plaisir et ses petits tracas » en 1998), il revient à l’écriture (« Assassin(s) » - Kassovitz – 1997), et à la production (« Le pacte des loups » - Gans – 2001). Il faut attendre 2004 pour le revoir aux commandes d’un nouveau long, le surprenant et très réussi « Le convoyeur ». Fort du petit succès de ce dernier, le voici de retour avec son quatrième long, « Cortex », un polar sur fond de perte de mémoire. Un projet né de la volonté de Boukhrief de travailler avec la scénariste Frédérique Moreau (« Meurtrières » - Grandperret – 2006). L’idée d’aborder le thème de la maladie d’Alzheimer et de la perte de la mémoire est venue naturellement aux deux scénaristes dont la volonté première était de placer l’action dans un milieu clos, de type hospitalier. A noter que le film s’est monté sur un budget relativement limité de 4.5 millions d’euros, pour un tournage d’une durée de huit semaines.

 

« - T’avais vraiment besoin de lui dire qu’elle est décédée ?

   - Quelle importance ? Il oubliera de toutes façons »

 

Véritable sujet de société, la maladie d’Alzheimer semble intéresser de plus en plus le milieu du cinéma (« Se souvenir des belles choses », « Loin d’elle », « N’oublie jamais »). Il faut dire que le huis clos mystérieux et souvent un peu glauque des maisons de retraite en fait un lieu idéal pour développer des intrigues. Mais plus encore, la maladie d’Alzheimer offre des enjeux particulièrement dramatiques et intéressants en confrontant l’enquête aux affres des pertes progressives de mémoires. Une double intrigue peut ainsi se mettre en place, d’une part l’enquête elle-même, et de l’autre le combat personnel du héros face à sa mémoire défaillante qui constitue un obstacle dans sa volonté de mener à bien son enquête. Dans le genre, on se souviendra du récent « Vous êtes de la police » de Beugnon, de « La boite noire » de Richard Berry, de la trilogie Jason Bourne et surtout de l’excellent film belge « La mémoire du tueur » (Van Looy – 2003). Contrairement aux apparences, « Cortex » n’est donc pas à priori d’une originalité incroyable. Reste que le sujet – la plongée dans les arcanes de la mémoire – offre une multitude de possibilités tant en terme d’intrigues que de traitement du sujet. Hélas, de toute évidence, les choix scénaristiques de Boukhrief ne sont pas pertinents : rien ne permet de penser que les disparitions successives des pensionnaires sont des crimes (aucune trace de violence, qui apporterait un minimum de tension dramatique, n’est à signaler), et ni l’assassin final (dont les motivations semblent avoir été oubliées par le réalisateur), ni ses collègues n’avaient de comportements propres à laisser planer le doute et la peur. De manière assez générale, c’est réellement ce manque de tension et d’enjeux dramatiques qui est à stigmatiser et qui pénalise énormément ce film. Sans oublier le dénouement absurde et cousu de fil blanc (la révélation du surnom de Boyer lors de ses années flamboyantes est un peu too much). Cependant, le choix de Boukhrief de s’intéresser davantage au ressenti et au combat intérieur du personnage central, interprété par Dussollier, aurait pu être une bonne idée. Mais en passant la totalité du film à laisser planer la question de savoir s’il y a bien complot (qu’il est pour le coup à soupçonner, même les spectateurs ne voient rien venir, et pour cause, on ne nous montre rien) ou si au contraire son personnage sombre dans une paranoïa due à la folie, l’intrigue policière tourne pour le coup à vide, et on s’ennuie ferme.

 

« - Il ne faut pas ressasser M. Boyer. Il faut oublier.

   - Je ne veux pas oublier »

 

Côté réalisation, Boukhrief a voulu jouer à mort sur l’aspect stylisé de son film : huis-clos, atmosphère austère et inquiétante renforcée par une volonté d’épure des décors et par le choix de lumières blafardes. Si ces choix visuels contribuent à monter un semblant d’ambiance, celle-ci ne dépasse jamais hélas le stade de la caricature. De même, de manière assez générale, son montage manque franchement d’énergie. Si on comprend aisément sa volonté d’exprimer à l’image l’inertie qui rattrape inéluctablement son héros, ce manque récurent de punch enfonce encore un peu plus son film vers des profondeurs abyssales d’ennui. Dans le même genre, on regrettera le manque d’une ou deux scènes vraiment marquantes, de celles qui marquent identitairement un film. Dommage car derrière la direction d’acteur est globalement bonne, et la prestation d’André Dussollier est, comme à son habitude, parfaite. On notera également la qualité des seconds rôles, qu’il s’agisse de Julien Boisselier, Marthe Keller, Gilles Gaston-Dreyfuss, Claire Nebout, Claude Perron, ou Pascal Elbé. Malheureusement, leurs efforts restent vains tant ce film apparaît comme étant déconcertant (on ne sait jamais vraiment ce qu’a voulu faire le réalisateur) et ennuyeux. Grosse déception.

     



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