Cortex
« Tu ne mas pas attendu pour faire ta valise ? Tu es sûr que tu na rien oublié ? »
Charles Boyer, ancien inspecteur de police fraîchement retraité, est atteint de la maladie dAlzheimer. Sil est encore suffisamment conscient des choses, il passe par des grandes phases doubli qui lincitent à tout noter sur son cahier. Cest ainsi quil sapprête à entrer définitivement en institution spécialisée. Si il a du mal à se faire à la vie sur place, où il cotoie beaucoup de personnes à un stade plus avancé que lui de la maladie, il séprend assez vite dune autre pensionnaire, Carole. Malheureusement, une vague de décès de pensionnaires dautant plus mystérieuse que le personnel médical refuse den parler, frappe la paisible institution. Si Charles reste méfiant vis-à-vis de ses évènements, le décès de Carole va finir de le convaincre de mener son enquête. Mais désormais sans le pouvoir de linsigne, il devra également se battre contre sa mémoire défaillante
« - Quest-ce que tu mas dis que javais déjà ?
- Alzheimer, Papa »
Grand féru de cinéma, Nicolas Boukhrief se sera illustré par son parcours atypique. Journaliste cinéma, fondateur de la revue Starfix, il se fera connaître tout dabord en tant que scénariste (« Tout le monde na pas eu la chance davoir des parents communistes » - Zilbermann 1993). Après deux premiers longs nayant pas rencontrés leur public (« Va mourir » en 1995, « Le plaisir et ses petits tracas » en 1998), il revient à lécriture (« Assassin(s) » - Kassovitz 1997), et à la production (« Le pacte des loups » - Gans 2001). Il faut attendre 2004 pour le revoir aux commandes dun nouveau long, le surprenant et très réussi « Le convoyeur ». Fort du petit succès de ce dernier, le voici de retour avec son quatrième long, « Cortex », un polar sur fond de perte de mémoire. Un projet né de la volonté de Boukhrief de travailler avec la scénariste Frédérique Moreau (« Meurtrières » - Grandperret 2006). Lidée daborder le thème de la maladie dAlzheimer et de la perte de la mémoire est venue naturellement aux deux scénaristes dont la volonté première était de placer laction dans un milieu clos, de type hospitalier. A noter que le film sest monté sur un budget relativement limité de 4.5 millions deuros, pour un tournage dune durée de huit semaines.
« - Tavais vraiment besoin de lui dire quelle est décédée ?
- Quelle importance ? Il oubliera de toutes façons »
Véritable sujet de société, la maladie dAlzheimer semble intéresser de plus en plus le milieu du cinéma (« Se souvenir des belles choses », « Loin delle », « Noublie jamais »). Il faut dire que le huis clos mystérieux et souvent un peu glauque des maisons de retraite en fait un lieu idéal pour développer des intrigues. Mais plus encore, la maladie dAlzheimer offre des enjeux particulièrement dramatiques et intéressants en confrontant lenquête aux affres des pertes progressives de mémoires. Une double intrigue peut ainsi se mettre en place, dune part lenquête elle-même, et de lautre le combat personnel du héros face à sa mémoire défaillante qui constitue un obstacle dans sa volonté de mener à bien son enquête. Dans le genre, on se souviendra du récent « Vous êtes de la police » de Beugnon, de « La boite noire » de Richard Berry, de la trilogie Jason Bourne et surtout de lexcellent film belge « La mémoire du tueur » (Van Looy 2003). Contrairement aux apparences, « Cortex » nest donc pas à priori dune originalité incroyable. Reste que le sujet la plongée dans les arcanes de la mémoire offre une multitude de possibilités tant en terme dintrigues que de traitement du sujet. Hélas, de toute évidence, les choix scénaristiques de Boukhrief ne sont pas pertinents : rien ne permet de penser que les disparitions successives des pensionnaires sont des crimes (aucune trace de violence, qui apporterait un minimum de tension dramatique, nest à signaler), et ni lassassin final (dont les motivations semblent avoir été oubliées par le réalisateur), ni ses collègues navaient de comportements propres à laisser planer le doute et la peur. De manière assez générale, cest réellement ce manque de tension et denjeux dramatiques qui est à stigmatiser et qui pénalise énormément ce film. Sans oublier le dénouement absurde et cousu de fil blanc (la révélation du surnom de Boyer lors de ses années flamboyantes est un peu too much). Cependant, le choix de Boukhrief de sintéresser davantage au ressenti et au combat intérieur du personnage central, interprété par Dussollier, aurait pu être une bonne idée. Mais en passant la totalité du film à laisser planer la question de savoir sil y a bien complot (quil est pour le coup à soupçonner, même les spectateurs ne voient rien venir, et pour cause, on ne nous montre rien) ou si au contraire son personnage sombre dans une paranoïa due à la folie, lintrigue policière tourne pour le coup à vide, et on sennuie ferme.
« - Il ne faut pas ressasser M. Boyer. Il faut oublier.
- Je ne veux pas oublier »
Côté réalisation, Boukhrief a voulu jouer à mort sur laspect stylisé de son film : huis-clos, atmosphère austère et inquiétante renforcée par une volonté dépure des décors et par le choix de lumières blafardes. Si ces choix visuels contribuent à monter un semblant dambiance, celle-ci ne dépasse jamais hélas le stade de la caricature. De même, de manière assez générale, son montage manque franchement dénergie. Si on comprend aisément sa volonté dexprimer à limage linertie qui rattrape inéluctablement son héros, ce manque récurent de punch enfonce encore un peu plus son film vers des profondeurs abyssales dennui. Dans le même genre, on regrettera le manque dune ou deux scènes vraiment marquantes, de celles qui marquent identitairement un film. Dommage car derrière la direction dacteur est globalement bonne, et la prestation dAndré Dussollier est, comme à son habitude, parfaite. On notera également la qualité des seconds rôles, quil sagisse de Julien Boisselier, Marthe Keller, Gilles Gaston-Dreyfuss, Claire Nebout, Claude Perron, ou Pascal Elbé. Malheureusement, leurs efforts restent vains tant ce film apparaît comme étant déconcertant (on ne sait jamais vraiment ce qua voulu faire le réalisateur) et ennuyeux. Grosse déception.
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