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22 Jul

Le dernier train de Gun Hill

Publié par platinoch  - Catégories :  #Westerns

« Je te l’ai déjà dit je ne sais combien de fois : ne te laisse pas insulter sans te battre. Peu importe que tu perdes ou que tu gagnes : tu dois te battre »

Shérif de la petite ville de Pawnee, Matt Morgan vit paisiblement avec son épouse indienne, Catherine, et leur fils. Jusqu’au jour où Catherine se fait violer et assassinée par deux hommes sous les yeux de son fils, qui réussit à fuir avec le cheval de l’un des deux criminels. Seul indice de ce crime, la scène du cheval, très particulière, que Matt identifie tout de suite comme appartenant à Craig Belden, son ancien ami devenu riche éleveur, qui règne en maitre sur la ville de Gun Hill. Se jurant de livrer à la justice les assassins de son épouse, Matt part donc rendre la selle à son vieil ami dans l’espoir d’en savoir plus. Malheureusement, il se trouve que le coupable n’est autre que le jeune et méprisant Rick Belden, fils unique et chéri de Craig, qui refuse de le livrer à Matt. Profitant de son imprudence, Matt réussit néanmoins à le capturer et à se cloitrer avec son prisonnier dans une chambre d’hôtel.  Son but, emmener Rick par le dernier train du soir afin qu’il soit juger. Mais dehors, Belden est ses hommes assiègent l’hôtel, bien décidés à l’en empêcher par tous les moyens…  

« Tu sais, Matt : je n’ai pas eu beaucoup d’amis depuis qu’on s’est perdus de vue. Ceux que j’ai eu, je me les suis payés »

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Sorti en 1959, « Le dernier train de Gun Hill » est l’œuvre du réalisateur John Sturges, grand spécialiste du western à qui l’on doit entre autres « Les sept mercenaires » (1961), ou encore « Sur la piste de la grande caravane » (1965). Mais en 1959, le film le plus marquant de sa carrière est sans conteste « Règlement de comptes à OK Corral », sorti deux ans plus tôt, et qui fort de son important budget, fut couronné d’un énorme succès critique et commercial. C’est d’ailleurs suite à ce succès que le producteur de « Règlement de comptes à OK Corral », Hal Wallis, décida de refaire un nouveau western en reprenant la même équipe technique ainsi que plusieurs comédiens, Kirk Douglas en tête, mais également Earl Holliman. Malheureusement pour lui, ce film ne connaitra pas le même succès que son prédécesseur, étant en grande partie éclipsé par l’énorme succès du grand « Rio Bravo » de Hawks sorti la même année.

« Dans notre métier, il faut sentir le vent. Dans 30 ans, la même herbe poussera sur ma tombe et sur la votre. Tout le monde aura oublié que j’étais un lâche et que vous vous serez fait tué stupidement. Faites comme bon vous semble, mais humez toujours le vent, et soyez raisonnable »

S’il n’a pas aujourd’hui la reconnaissance qu’il mérite, ce « Dernier train de Gun Hill » s’avère cependant être un très bon western. Cependant, le film de Sturges paye probablement un certain manque d’originalité, reprenant ainsi de manière à peine voilée de larges passages et idées scénaristiques de westerns majeurs sortis quelques années plus tôt. Si on pense ainsi au « Train sifflera trois fois » (Zinnemann – 1952), pour la tension née du compte à rebours et pour l’aspect « seul contre toute une ville », c’est finalement le « 3h10 pour Yuma » de Delmer Daves (1957), qui s’impose comme une référence évidente, tant il y a de similitudes dans cette histoire où un shérif se cloitre avec son prisonnier dans une chambre d’hôtel assiégée, attendant le train qui doit lui permettre de livrer ce dernier à la justice. Pour autant, là où Daves jouait sur la relation ambiguë de séduction et d’admiration mutuelle qui liait les deux hommes dans « 3h10 pour Yuma », Sturges privilégie ici un schéma de tragédie beaucoup plus classique, mettant à mal l’amitié entre deux hommes valeureux empreints d’un fort respect mutuel. D’entrée, Sturges se démarque de son modèle en imposant une forme de violence inhabituelle pour le genre, avec cette scène d’ouverture où le viol et le meurtre cruel d’une femme est à peine voilé. En ne cherchant pas une inutile subtilité, Sturges gagne beaucoup en nervosité et en vitalité. Jouant volontiers sur les face à face virils, le réalisateur essaie toujours de privilégier l’action, notamment dans quelques scènes de fusillades assez épiques (la scène de l’arrestation de Rick dans la salle de jeu est à ce titre assez jouissive). Et le tout pour conclure sur un final des plus classiques, en apothéose, qui voit le héros obtenir justice avant de se livrer au face –à-face tant attendu avec son ancien ami.

« Morgan a un mandat contre toi et de quoi te faire pendre. Tu sais ce que je pense de lui, je t’en ai assez parlé. A sa place, je n’aurai pas besoin de mandat : je te tuerai »

Mais là encore, la grande force du réalisateur est de réussir à transcender un scénario de western pas forcément original afin d’en tirer un film fort, nerveux, et très prenant. Et ce grâce à une mise en scène d’un grand classicisme, qui ne laisse pas de place à l’esbroufe, et qui impose un style assez direct et dynamique. L’autre grande réussite de Sturges est d’être parvenu à jouer sur la notion de temps, avec ce compte à rebours fatidique de l’arrivée du train du soir, qui forcera le héros à sortir de sa tanière et à faire face à ses assaillants. Un procédé qui n’était pas là non plus tout neuf, mais qui a le mérite d’être toujours efficace et d’imposer une forte tension et une grande nervosité au film. Un film qui jouit de plus d’un visuel très soigné, avec notamment un Technicolor mettant particulièrement en valeur la très belle photographie. La réussite du film en dépit de son scénario finalement pas très original est également l’œuvre des comédiens, particulièrement charismatiques et talentueux. Si Kirk Douglas excelle dans le rôle du justicier vengeur déterminé, c’est peut-être Anthony Quinn qui régale le plus dans un rôle de chef de clan autoritaire, tiraillé entre sa volonté de sauver son fils tout en étant conscient du crime horrible commis par celui-ci et de la peine que ce dernier à infligé à son ami. Tout en cynisme et en immaturité, Earl Holliman se révèle parfaitement crédible dans son rôle de fils criminel. Enfin, Carolyn Jones, apporte beaucoup de sensibilité et de piquant à cet unique rôle féminin. Au final, s’il n’a peut-être pas aujourd’hui droit à la même reconnaissance que certains classiques du genre, « Le dernier train pour Gun Hill » s’impose néanmoins comme un western solide et d’excellente facture, porté par la mise en scène très nerveuse de Sturges et par un incroyable face à face qui tient toutes ses promesses entre deux légendes du 7ème art des plus charismatiques.

  

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B
Très belle critique pour un très bon film que j'avais beaucoup aimé et que je n'ai pas vu depuis... houlà ! des lustres. Mériterait d'être revu sur grand écran.
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