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01 Jul

Dialogue avec mon jardinier

Publié par platinoch  - Catégories :  #Comédies

« Mes outils près des tiens, je risque pas de confondre »

 

Il y a des cinéastes qui surprennent par le côté sinueux de leur parcours. Jean Becker fait partie de ceux-là. Car sa filmographie, en temps que réalisateur, compte quand même des films tels que « L’été meurtrier » (1983), ou « Elisa » (1995). Depuis ce dernier, le réalisateur semble avoir une fâcheuse tendance à s’attacher à des projets d’une qualité bien moindre. En effet, en signant « Les enfants du marais » (1999), « Un crime au paradis » (2001) et « Effroyables jardins » (2003), Becker s’est construit un style rustique, volontairement passéiste, teinté d’une nostalgie assez primaire, dont les héros sont des gens simples et très terriens qu’il oppose toujours à la futilité et au mépris des gens des villes. Avec la sortie de son nouveau film, « Dialogue avec mon jardinier » (adapté du roman de Henri Cueco), on pouvait s’attendre au pire. Impressions.

Studio Canal

 

« C’est très bien, sauf qu’on retrouve rien de ce que tu as sous les yeux »

 

L’histoire :

 

Un peintre quinquagénaire, ayant acquis une petite reconnaissance parisienne, quitte la capitale, pour s’éloigner de sa femme qui lui demande le divorce et faire le point sur sa vie, pour regagner la maison provinciale et campagnarde de son enfance. Sur place, il fait appel aux services d’un jardinier pour prendre soin du terrain en friche et lui créer un potager. Le jardinier n’est autre que son camarade d’enfance qu’il n’avait pas revu depuis. Si tout les oppose à première vu (le peintre est urbain, parisien, aisé, intello, branché, alors que le jardinier est rural, prolétaire, pas très érudit, terrien, et pas très riche), l’amitié entre les deux hommes se renoue très vite, le peintre étant admiratif devant le regard simple du jardinier qui lui donne au fil des jours une véritable leçon de vie…

Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin. Studio Canal

 

« Mieux vaut mourir d’un coup : on arrive au Ciel en meilleure forme »

 

Avant de commencer toute la partie critique, je tiens à faire quelques rappels. En effet, à l’heure où je rédige cet article, le film en est à sa quatrième semaine d’exploitation, et il a déjà dépassé les 700 000 spectateurs en France en trois semaines. Il devrait donc allégrement passer le million de billets vendus et devenir un des succès surprise de l’année. D’autant qu’il aura été bien porté par une critique quasiment unanime sur les qualités de ce film.

Mais voilà, un film ne peut pas plaire à tout le monde, et ce « Dialogue avec mon jardinier » n’est pas selon moi un film satisfaisant.

 

Tout d’abord, il y a le propos, qui est source de problèmes. Jean Becker s’enferme dans une réflexion de plus en plus extrême sur la société actuelle. On peut être nostalgique, fantasmer ce qu’on a connu du temps de son enfance, et avoir un goût prononcé pour la campagne et ses plaisirs simples. Mais de là à en faire un film, qui plus caricatural et démagogique, faut quand même pas abuser !

Car le problème de Jean Becker, c’est qu’il visite depuis près d’une décennie le même thème mais qu’il s’enfonce de plus en plus dans une avalanche de bons sentiments guimauves et des oppositions tellement caricaturales qu’elles en deviennent absurdes.

Ainsi, il met sur un piédestal le personnage du jardinier, homme d’une grosse cinquantaine d’années, qui ressemble davantage à un ancien du Front Populaire qu’à un ancien ouvrier de la SNCF, qui débite bêtise sur bêtise, platitude sur lieu commun, et qui par son regard pur sur la vie et son goût pour les choses simples redonne du recul et des valeurs à un peintre englué dans des problèmes trop parisiens et donc trop futiles. Hallucinant.

Jean-Pierre Darroussin et Daniel Auteuil. Studio Canal

 

« Ce trou c’est mes racines, c’est là que j’ai poussé »

 

Becker nous dresse des apologies stupéfiantes de démagogie, comme la supériorité de l’intelligence du cœur à tout ce qui pourrait être de l’ordre de l’intelligible, la supériorité du travail manuel et de la terre à toute autre forme de travail plus futile, et va même jusqu’à nous faire l’apologie de l’art figuratif supérieur selon lui à l’art abstrait. Toutes ces affirmations incroyables passent dans un ramassis de dialogues d’une platitude rare, de scène à l’humour plus que ras des pâquerettes (l’enterrement de Poileau ou encore le coup du pétard dans le gâteau, ça vole quand même pas bien haut), de bonne morale terrienne (la scène du joint) et de scènes qu’on pensais ne plus revoir sur un écran de cinéma (le coup de la leçon de morale de Daniel Auteuil contre un intello stupido-pédant parisien est d’un caricatural absolu – doit-on y voir une vengeance contre un public qui il est vrai n’a jamais adhéré à l’œuvre de Jean Becker ? - et d’une rare démagogie).

Daniel Auteuil. Studio CanalJean-Pierre Darroussin. Studio CanalJean-Pierre Darroussin et Daniel Auteuil. Studio Canal 

Outre la vacuité et le misérabilisme du propos, Becker n’arrive même pas à rattraper son film par la qualité de sa mise en scène. Ce n’est pas le tout de montrer et de dire qu’on aime la campagne et les jardins, il faut aussi savoir les filmer de manière à donner envie ou de convaincre. Hormis peut-être la scène de la partie de pêche, les autres paysages de cette campagne, et surtout ce jardin, censé être le lien entre ces deux hommes, sont filmés avec les pieds et sans aucun cœur. Ajoutons à cela des comédiens guère convaincants (sauf Daniel Auteuil, pour le coup impeccable), la palme revenant à Darroussin, qui joue ici son énième personnage de vieux couillon bourru au grand cœur, et on frise le ridicule.

Daniel Auteuil et Fanny Cottençon. Studio Canal

 

« J’aimerais que tu me peignes des choses qui me tiennent à cœur. Même si c’est pas très bien fini, je voudrais juste des couleurs, histoire que je me souvienne »

 

Pour conclure, Jean Becker, cinéaste de la campagne et du terroir qu’il défend contre la ville à la manière d’un Poujade, nous signe une énième historiette d’amitié et de campagne, sentant bon le terroir et l’encrier d’école, le camembert, les vaches, et les tracteurs. Celle-ci ne brille jamais par son originalité, mais nous ressert en plus un plat indigeste de bonne morale désuète, de dialogues lourdingues et démagogiques. Certes, l’ensemble brille par sa gentillesse. Comme le dirait ma grand-mère qui a adoré ce film, « ça fait du bien un beau film comme ça, où on passe du rire aux larmes et en plus, ça change des autres films puisqu’il n’y a ni violence ni sexe ». Vous le comprendrez, ce film plaira certainement aux personnes âgées, pour qui il semble être calibré. Pour les autres, même si l’ensemble se laisse suivre, ce film est du même niveau que les affreux téléfilms de France 3 du samedi soir, et n’est donc clairement pas indispensable. A vous de voir si vous préférez faire confiance à l’avis de ma grand-mère ou au mien !!!



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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!