Ne le dis à personne
« Alex, ne te coupes pas de moi si tu te coupes de moi, tu te coupes de tout le monde »
On connaît déjà pas mal Guillaume Canet pour son travail et son talent dacteur, qui a brillé déjà dans nombre de film tels que « La plage » de Boyle (2000), « Narco » de Lelouche et Aurouet (2004), « Jeux denfants » de Samuell (2003), « Joyeux Noel » de Carion (2005), ou plus récemment encore « Ensemble cest tout », dernier succès en date de Claude Berri (2007). Son travail de réalisateur était jusquici plus limité, se résumant à lunique « Mon idole » (2002). Il était donc un peu surprenant de voir lami Canet aux commandes, pour son deuxième long métrage, dune aussi grosse production que celle de « Ne le dis à personne », adapté du best seller de Harlan Coben (dont il a obtenu les droits à force de persévérance et de hasard), et avec un tel parterre de stars au casting. Le projet était donc annoncé comme lun des plus ambitieux projets français de ces dernières années. Résultat des courses.
« Ne le dis à personne, on nous surveille »
Lhistoire :
Alex et Margot se connaissent depuis lenfance. Non contents dêtre les meilleurs amis du monde, ils sont aussi follement amoureux lun de lautre. Un soir dété, alors quils passent la nuit au bord du lac de leur enfance, Margot est enlevée et assassinée par un serial killer. Alex qui avait tenté de lui porter secours est pour sa part salement blessé. Huit années se sont écoulées, et Alex ne se remet pas de la mort de lamour de sa vie. Il sest investi en compensation dans son travail, et sest coupé en partie du monde. Jusquau jour où accidentellement on découvre deux cadavres près des lieux du crime. Alors que lenquête est réouverte, Alex reçoit un mail étrange avec un lien vidéo montrant une femme dans la foule. Une femme ressemblant étrangement à Margot. Commence alors une incroyable tourbillon, une folle course poursuite, embarquant Alex, poursuivi par la police qui le croit coupable du meurtre de sa femme, et des agents troubles qui lespionnent de manière inquiétante et qui ont tendance à laisser des cadavres sur son passage. Et si Margot nétait pas morte, il y a huit ans ?
« - Quest-ce qui va se passer maintenant ?
- Votre femme est morte depuis huit ans. Cest un peu tard pour les poursuites pour violence conjugale. On peut donc craindre le pire. »
Sattaquer à ladaptation dun tel best-seller (pas moins de 6 millions dexemplaires vendus à travers le monde) savérait un pari risqué, surtout pour une seconde réalisation. Mais Guillaume Canet surprend par sa maîtrise de lensemble. En effet, après avoir lu le roman original, on se rend compte quil a réussit à conserver parfaitement lambiance électrique du livre, tout en ladaptant de différentes manières. Adaptation géographique tout dabord, le livre étant fortement centré sur New-York, il nétait pas si simple de restituer la même atmosphère en le faisant passer en région parisienne. Adaptation plus scénaristique ensuite, puisque Canet a su également supprimer certains passages peu visuels ou superflus, pour ne garder que lessentiel, soffrant même le luxe dy ajouter quelques passages apportant un peu plus démotions. Surtout, il arrive à rendre une histoire finalement assez rocambolesque improbable car trop énorme, passionnante et mettant toujours laccent sur la vraie quête du héros, à savoir retrouver la femme quil aime.
En sappuyant sur un scénario des plus solides, Guillaume Canet signe, avec beaucoup de culot pour son deuxième long seulement, une réalisation quasi parfaite. Ses plans de caméra sont toujours justes, les effets jamais gratuits, et surtout sans jamais desbroufe (pour preuve les scènes démotions, comme la dernière, qui est un modèle dépure). Pourtant il nous offre quelques morceaux de bravoure, comme la fameuse scène du périphérique ou quelques belles scènes de tortures. Plus que ça, il arrive à maintenir dans ses images une certaines électricité, une certaine vitalité, qui aurait pu se tasser peu à peu dans un film de plus de deux heures. De même, il arrive à alterner parfaitement les scènes daction pure et les moments de flash-back (qui sont toujours des séquences pièges pour les réalisateurs). Canet filme donc lensemble avec beaucoup defficacité, de fluidité et de nervosité en même temps, donnant un aspect visuel digne des productions américaines à son film. Notons également la bonne idée davoir confié la B.O. à M, dont la musique plane merveilleusement au-dessus de lensemble.
« Pas maintenant, cest pas possible »
Le casting de « Ne le dis à personne » est des plus impressionnants réunis par un film français depuis bien longtemps. Nul doute que cela constitue là encore un atout de plus pour ce film. Entre grands acteurs du patrimoine français (Rochefort, Baye, Dussolier, Scott-Thomas, ) et futurs grands et potes de Canet (Lellouche, Lefebvre, Hands, ), ce film réunit en effet une pléiade de stars. Ajoutons à cela que tous les acteurs du film jouent à leur meilleur niveau, des guest stars ne faisant quapparaitre (Jalil Lespert, Marie-José Croze) aux seconds rôles (excellents Berléand, Lellouche et Scott-Thomas). Et puis, il y a François Cluzet. Jamais il naura été aussi habité par un rôle. Aucun acteur naurait pu jouer comme lui, cette force évidente et maladroite qui le font jouer au fugitif et risquer sa vie par amour, et cette fragilité si humain, qui ne résiste pas devant un malheur plus grand que lui. Son jeu tout en nervosité nest dailleurs pas sans rappeler celui dun Dustin Hoffman, qui courait dailleurs tout aussi bien dans le « Lauréat ».
Si ladaptation dun tel best-seller avait tout du pari casse-gueule, cest avec beaucoup de culot et de classe que Guillaume Canet a su parfaitement réussir sa mission pour sa deuxième réalisation seulement. Imposant une mise en scène nerveuse, précise et sans esbroufe, reposant sur un scénario impeccable et sur un casting de stars impérial, Guillaume Canet réalise un des plus grands tour de force du cinéma français de ces dernières années. Et son film peut largement rivaliser en efficacité avec les productions du genre américaines. Les Césars obtenus, meilleur réalisateur pour Canet et meilleur acteur pour Cluzet qui livre là une de ses meilleures performances, ne sont que justice. Car si « Ne le dis à personne » reste un bon polar, bien mené et plein de rebondissements bien que très rocambolesque, cest avant tout une magnifique et déchirante histoire damour comme on en avait pas vu depuis un bon moment sur nos écrans. Dites-le à tout le monde !!!
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