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01 Dec

Faut que ça danse!

Publié par platinoch  - Catégories :  #Comédies

« -  « Homme jeune », vous êtes sûr ?

   - C’est pour pas dire jeune homme. Je ne suis pas un jeune homme, mais je suis un homme jeune »

 

Salomon, retraité octogénaire en pleine santé, déborde de vie. Pour preuve, son intarissable optimisme, son insatiable amour de la vie, et ses cours de danse et de claquettes qu’il suit avec bonheur, prolongeant ainsi sa passion pour Fred Astair. Mais si Salomon est toujours aussi jeune dans sa tête et dans sa façon d’être, personne dans son entourage ne semble le voir ainsi, ni ne l’encourage à profiter de la vie. Il faut dire qu’entre son ex-femme Geneviève, en pleine phase de régression et que plus personne ne comprend, à par son dévoué et protecteur aide ménager, M. Mootoousamy, et sa fille Sarah, névrosée et stressée, à qui on découvre une grossesse d’autant plus improbable qu’on lui avait affirmé pendant des années qu’elle n’aurait pas d’enfants, Salomon n’a pas un comité de soutien de choix. C’est pourquoi il décide de se remettre à la recherche d’une compagne…

 

« - M. Belinski, vous nous enterrerez tous

   - Ça on ne sait pas. C’est le suspens »

 

Figure assez méconnue du grand public, Noémie Lvovsky est tout de même une artiste reconnue dans le milieu du Cinéma. Diplômée de la FEMIS, en section scénariste, Lvovsky se fait remarquer par sa polyvalence, étant tour à tour réalisatrice, scénariste (outre le scénario de ses propres films, elle s’illustre en participant à l’écriture du prometteur « Il est plus facile pour un chameau » et du prochain « Actrices » de Valéria Bruni-Tedeschi, ou encore pour Philippe Garrel avec « Le cœur fantôme » en 1996), et actrice (on la voit chez Yvan Attal dans « Ma femme est une actrice », ainsi que chez Pascal Thomas dans le « Grand Appartement », chez Desplechin dans « Rois et reines », chez Claude Berri dans « L’un reste, l’autre part », ou encore chez Rochant avec « L’école pour tous »). « Faut que ça danse ! » est sa quatrième réalisation après « Oublie-moi » (1994), « La vie ne me fait pas peur » (1999), et « Les sentiments » (2003). A noter que le film devait s’appeler à l’origine « L’ami de Fred Aster »

 

« A mon âge, j’ai bien le droit de vivre comme j’en ai envie »

 

Jean-Pierre Marielle et Valeria Bruni Tedeschi. Jean-Claude Lother / UGCLoin des comédies potaches franchouillardes qui ne font pas dans la dentelle, et des comédies intellos bavardes façon Jaoui, Lvovsky surprend par sa tonalité à la fois légère et grave. Car derrière les bonnes réparties, le comique de situation, et la légèreté insufflée par un Marielle en état de grâce, « Faut que ça danse ! » traite de sujets infiniment plus graves, que chaque personnage porte en lui. L’identité d’abord, est un thème central. Dans un rapport à la mémoire toujours en question, Salomon, qui a enfoui au plus profond de lui le drame de la Shoah dont sa famille a été victime, cherche un peu de légèreté, à vivre comme il l’entend et non comme le « vieux » que les autres voient en lui. Sa fille Sarah, elle, doit affronter le fait de devenir mère sans y être préparée alors qu’elle n’arrive pas à se détacher de cette image du père-homme idéale qu’elle recherche depuis qu’elle est petite fille. Quand à Geneviève, sa régression l’empêche de s’assumer telle qu’elle est vraiment. De même, Lvovsky nous parle, à travers de Salomon, de la vieillesse et du regard de l’autre, qui lui associe forcément un carcan de préjugés et une mort certaine et rapide. Autant d’images qui enferment un peu plus les aînés dans un repli sur soi, une inactivité et une solitude que refuse frénétiquement Salomon. A travers, lui, elle pose intelligemment la question de la place réservée aux personnes âgées dans nos sociétés (la scène de l’assurance vaut son pesant de cacahuètes !). Autant de thèmes essentiels et pas forcément comiques à la base qui viennent apporter une véritable bouffée d’air frais à un genre profondément sclérosé. D’autant que le film détonne par sa tonalité profondément tendre et souvent vacharde, son humour burlesque, sa légèreté et son énergie.

 

« C’est toujours embêtant cette histoire de premier baiser, alors si vous êtes d’accord je vous propose de vous embrasser, ça me ferait très plaisir, et comme ça se serait fait »

 

Et en bonne scénariste de formation, Lvovsky signe ici un scénario très abouti, très intelligent et profondément humain. Outre sa tonalité si particulière, on ne pourra que saluer l’extraordinaire bienveillance avec laquelle elle regarde et soigne ses personnages tous plus décalés et loufoques les uns que les autres. Le soin apporté au rythme de sa comédie en est également un point fort. Le second point fort est incontestablement son casting trois étoiles, porté par Jean-Pierre Marielle tout simplement extraordinaire. A ses côtés, la toujours charmante Valéria Bruni-Tedeschi, plus intérieure, offre une impeccable performance de névrosée, tandis que Sabine Azéma nous régale dans un nouveau personnage particulièrement allumé ! Enfin, outre la découverte du très bon Bakary Sangharé, on ne pourra que souligner le plaisir de retrouver Bulle Ogier et le regretté Daniel Emilfork, disparu l’année dernière et dont il s’agit de la dernière apparition.

 

« - Qu’est-ce qu’il restera de notre histoire quand nous serons disparus ?

   - Ce que vous êtes romantique… »

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  Comédie brillante et intelligente, « Faut que ça danse ! » est une jolie bouffée d’oxygène dans le paysage français de la comédie. Tonalité décalée pour un fond de sujets beaucoup plus graves, Noémie Lvovsky nous livre un film sensible, étonnant et très maîtrisé. Tout juste pourra-t-on peut-être lui reconnaître le handicap de ne pas être tout à fait grand public. En tous cas, il ne serait peut-être pas si étonnant de retrouver le film avec quelques nominations aux Césars. D’autant que Jean-Pierre Marielle, énorme dans ce film, ferait un joli lauréat.

 

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Commenter cet article
F
J'ai bien aimé ce film, même si je suis plus réservé que toi. Les acteurs sont vraiment top, Marielle, Ogier et Azema, ça pourrait faire mal aux Césars oui... Sinon j'ai apprécié le fait qu'elle sache faire rire sur des sujets durs, et ce n'est jamais graveleux.
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B
Très belle critique qui nous donnerais envie d'aller le voir. Certes, j'y ai été, mais me suis endormi lamentablement. Sans doute est-ce de ma faute, mais aussi à une certaine langueur dans le rythme, dans l'ambience, dans cette manière d'être du film qui fait que soit on accroche, soit on s'enfuie...
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!