Be happy
« - Vous avez quel âge ? 22 ? 23 ?
- Cest gentil, ça ! Je vous garde !!! Jen ai 30. Et je suis une vieille fille avec ça !!! »
Institutrice, Poppy est une jeune femme aussi drôle et fantaisiste que rationnelle et déterminée. A l'écoute des autres, elle séduit tous ceux qui l'approchent, adore ses élèves et s'investit complètement dans son travail. Poppy vit en colocation avec une copine, Zoe. Elle sort beaucoup avec ses soeurs cadettes, et s'éclate en prenant des cours de flamenco et de trampoline. Quand elle se décide à apprendre à conduire, sa gentillesse et son sens de l'humour semblent même amadouer son moniteur d'auto-école pourtant peu aimable et très cyclothymique. Tout va donc plutôt bien dans la vie de la positive Poppy, surtout quand elle rencontre, dans le cadre de son travail, Tim avec lequel elle se sent aussitôt sur la même longueur d'ondes.
« Je suis foncièrement heureusement, même si parfois cest dur. Jadore ma vie, mon boulot, ma liberté. Jai une chance folle »
.
Bien que relativement peu prolifique (ce « Be happy » nest que son douzième film en près de quarante ans de carrière), Mike Leigh sest imposé comme lun des réalisateurs britanniques majeurs de sa génération. Comme en atteste ses nombreuses récompenses aux BAFTA, ses cinq nominations aux Oscars, et sa Palme dor obtenue à Cannes en 1996 pour « Secrets et mensonges ». Reste que si le réalisateur a construit sa carrière essentiellement dans le registre dramatique (« Naked », « Vera Drake »), il était plus étonnant de le retrouver dans un registre plus léger, celui à la mode du « Feel good movie ». Bien lui en a pris visiblement, puisque son film a été primé de lOurs dArgent lors du Festival de Berlin 2008, tandis que sa comédienne principale, Sally Hawkins (aperçue dans le « Rêve de Cassandre » de Allen) a été récompensée du Prix dInterprétation féminine.
« - Arrête dêtre gentille. Tu pourras pas rendre le monde heureux.
- On peut toujours essayer ! »
On nous promettait un feel good movie, de ceux, générationnels, qui vous parlent dune époque, du quotidien le plus commun, mais qui vous collent une banane durable. Sauf quici, cest tout le contraire. La fantaisie de Poppy, sorte dAmélie Poulain anglaise, se résume à shabiller comme une clocharde, à prendre tous les évènements de la vie de manière positive et à se marrer de tout, afin de « rendre les autres heureux ». Le problème cest que Poppy en fait des caisses à se marrer comme une neuneu pour un rien. Dautant quau fond, contrairement à ce quelle veut bien affirmer, Poppy est comme les autres, et a toutes les peines du monde pour trouver lamour. Construit de manière beaucoup trop didactique, avec une succession de saynètes genre « Poppy à lécole », « Poppy avec ses copines », « Poppy au cours de flamenco », le film souffre dun format clairement trop long (près de deux heures) qui ne sied pas du tout à un scénario finalement aussi creux et niais. Dautant que le réalisateur se complet dans des scènes franchement too much qui napportent pas grand chose, comme les interminables scènes de leçons de conduite automobile (qui ne sont même pas drôles !), ou celle de la rencontre de nuit avec un clochard. Au final, Poppy apprendra a ses dépend que son petit jeu euphorique peut aussi rendre les gens malheureux, comme son prof de conduite, qui a pris son comportement pour des avances et qui est amoureux delle. Tout ça pour ça. On est daccord, cest chiche ! Sur la forme, le film souffre dune mise en scène dont lapparence un peu « cheap » est très factice pour mieux coller au standard du cinéma indépendant, avec ses plans au plus proche des personnages et ses éclairages faussement naturels, censés rappeler par certains aspects le documentaire. Reste les interprètes qui se débâtent comme ils peuvent avec leurs personnages caricaturaux à mort. La pétillante Sally Hawkins parvient à développer des trésors de charme afin de compenser lhystérie maladive de son personnage, tandis que Eddie Marsan, se montre plutôt convaincant en moniteur de conduite mal dans sa peau et raciste. Mais leurs efforts ne suffisent pas : si « Be happy » demeure une petite comédie douce-amère regardable, elle nen est pas moins bien factice, cucul, et vite agaçante et ennuyeuse.
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