Jane
« Lamour est toujours lennemi du bon sens »
1795, Angleterre. Jane Austen est une jeune fille issue de la bonne société provinciale. Esprit libre et indépendant, passionnée par lécriture, elle souhaite se battre contre sa condition et vivre de sa plume plutôt que de faire un mariage arrangé. Cest ainsi quelle refuse nombre de prétendants, au grand dam de ses parents, désargentés, qui rêvent de se retrouver à labri du besoin grâce au mariage de leur fille avec un bon parti. Cest alors que débarque dans la vie de Jane le jeune Tom Lefroy, jeune étudiant en droit de Londres, envoyé à la campagne par son oncle pour punir et réfréner ses excès et ses frasques. Si dans un premier temps, ces deux forts caractères sopposent fortement, les deux jeunes gens deviennent vite éperdument amoureux lun de lautre, et ce en dépit des convenances sociales. Une amour de jeunesse passionnée qui marquera pour toujours lauteur de quelques-uns des plus grands romans damour dAngleterre
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« Afin dexceller dans lart de la fiction, lexpérience est indispensable »
Considérée comme lune des plus grandes romancières britannique, auteur entre autre d « Orgueil et préjugés » et de « Raisons et sentiments » (tous deux adaptés avec succès au cinéma), le biopic de Jane Austen apparaissait comme un exercice périlleux. En effet, bien que plusieurs biographes se soient penchés sur le sujet, les éléments concernant la jeunesse de la romancière semblent assez vague et incertain et dès lors, lentreprise de raconter en extrapolant cette histoire damour dont on ne sait que très peu de choses, fait fortement penser au « Molière » de Laurent Tirard (2007), qui empruntait la même démarche scénaristique. Malgré tout, le film sappuie sur la biographie écrite par Jon Spence en 2003, qui permet de confirmer que Jane Austen a bien rencontré Tom Lefroy en 1795, puis son oncle à Londres, lannée suivante. Aux manettes de ce film, on découvre Julian Jarrold, réalisateur britannique qui a fait lessentiel de sa carrière comme réalisateur pour la télévision avant de signer une poignée de longs passés inaperçus de par chez nous. Cest donc pour lui son premier projet denvergure.
« - Lamour est appréciable, largent est indispensable
- Jane ne doit pas céder à la meilleure offre mais à lhomme quelle aime »
Peu de surprises sur la forme avec ce « Jane » dont la facture est très classique. Avec un tel sujet, il aurait été surprenant quil en soit autrement. Néanmoins, on constate finalement peu de différences dans la mise en scène entre ce « Jane » et « Orgueil et préjugés » (Wright 2004), ou encore « Raison et sentiments » de Ang Lee (1996) : même effort porté sur les costumes et les décors, même importance des paysages de la campagne anglaise, et même soin porté à la photographie, jouant sur des éclairages particulièrement lumineux. La surprise majeure du film et son intérêt viennent donc du fond. En effet, et pour la première fois, lentreprise menée par Jarrold et Spence tend à désacraliser limage que nous avions traditionnellement de Jane Austen : en nous la présentant dans ses jeunes années comme une jeune fille amoureuse, fougueuse et passionnée (véritable héroïne de ses propres romans), ils vont ainsi à lencontre de limage traditionnelle que nous avions delle, à savoir une éternelle vieille fille, indépendante, ayant connu le succès grâce à ses romans damour. Vraie ou non, cette version est très intéressante car elle permettrait de comprendre ce qui a influencé et nourri les romans de la romancière, et expliquerait aussi pourquoi elle na jamais voulu se marier. Car ce « Jane » est avant tout une jolie histoire damour contrariée, racontée à la manière même de lauteur. Ce film est également loccasion de brosser un intéressant portrait social de lAngleterre de la fin du 18ème siècle, où le poids des convenances sociales était prédominant et où les hommes nétaient finalement pas plus libres que les femmes (Tom ne peut ainsi pas épouser Jane, nayant pas obtenu le consentement de son oncle, et ayant besoin de la rente octroyé par celui-ci pour entretenir sa famille nombreuse et déshéritée en Irlande), mettant laccent au passage sur le caractère précurseur de Jane Austen, féministe avant lheure, ayant mené toute sa vie un combat contre les convenances sociales pour obtenir sa liberté.
« Comment pourrais-je assumer mes sentiments ? Vous partez demain »
Mise en scène classique, histoire ressemblant aux propres romans écrit par Jane Austen, le film aurait pu souffrit dun petit air de déjà-vu. Dautant que comme toujours dans les adaptations cinématographiques de la romancière, ce « Jane » néchappe pas à quelques longueurs et quelques problèmes de rythme. Néanmoins, sans être un grand amateur du genre, il plane un petit vent de fraîcheur sur ce film, qui est du en grande partie aux comédiens. Dans le rôle titre, Anne Hathaway se montre parfaite, faisant taire les critiques reprochant au réalisateur de ne pas avoir pris une actrice anglaise et non américaine pour jouer la célèbre romancière. Avec son charme particulier et son caractère pétillant et affirmée, elle propose une interprétation très crédible de Jane Austen. A ses côtés, James MacAvoy, découvert dans « Le dernier roi dEcosse » (MacDonald 2006), se montre tout aussi convainquant, passant en un clin dil du gros dur frimeur à lamoureux le plus transi. Derrière, les seconds rôles se montrent tout aussi bons et participent à limpression convaincante qui ressort de lensemble. On saluera ainsi les prestations de James Cromwell, July Walters, Maggie Smith ou encore Lucy Cohu.
« - Vos histoires se finissent-elles bien ?
- Après quelques péripéties, ils verront leurs vux sexaucer. Les belles histoires se finissent pourtant rarement bien, cest une vérité universelle. »
Projet finalement ambitieux et périlleux, « Jane » est au final un petit film très charmant. Les amateurs de la romancière apprécieront dy trouver une jolie histoire comme dans ses romans, les autres seront intéressés par cette vision de sa jeunesse que nous proposent Jarrold et Spence, et qui permettrait de mieux comprendre son uvre et sa vie. Sil fallait trouver un reproche à faire, peut-être pourrait-on reprocher que la passion des deux personnages ne soit pas représentée de manière plus dévorante. Mais cela ne relève que du détail. Un film en tous cas très recommandable et un très agréable moment de cinéma.
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