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30 Oct

L'ennemi intime

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films de guerre

« Vous êtes volontaire, bravo. Mais pourquoi n’êtes-vous pas aller vous planquer à Alger ? »

 

SNDAlgérie, 1959. Au fin fond des montagnes de Kabylie, le lieutenant Terrien, fraîchement mobilisé et novice, se voit nommer à la tête d’une petite section dans un poste avancé isolé. Idéaliste, humaniste, et utopiste, il vient aider à maintenir l’ordre dans un conflit qui ne porte pas encore le nom de guerre. Mais entre son second, l’expérimenté et désabusé Sergent Dougnac, ancien de toutes les campagnes coloniales, sa hiérarchie méprisante et belliciste, et la réalité du terrain, cruelle, injuste et d’une violence inouïe, ses belles illusions et ses principes vont être mis à mal, et lui même va peu à peu changer…

 

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« Vous connaissez le dicton, lieutenant ? Un officier qui ne boit pas n’est pas un vrai soldat ! »

 

Benoît Magimel. Thibault Grabherr / S.N.D.La guerre d’Algérie, qui n’est reconnue comme telle que depuis quelques années, reste encore aujourd’hui un sujet tabou. Si bien que peu de films jusqu’ici ont traité ouvertement de ce sujet. De « La bataille d’Alger » de Pontecorvo (1966), à « Avoir 20 ans dans les Aurès » (1972), en passant par les films de Schoendoerffer, « Le Crabe-tambour » (1976) et « L’honneur d’un capitaine » (1982), les films traitant du sujet, relativement peu nombreux, commençaient à dater, et ont toujours été sujets à polémiques. Pourtant, depuis une poignée d’années, le cinéma semble avoir un regain d’intérêt pour cette période encore trouble. Ces dernières années, on a ainsi pu voir des films comme « La trahison » (Faucon – 2005), « Mon colonel » (Herbiet – 2006), ou encore le récent « Cartouches gauloises » (Charef – 2006). Pour la petite histoire, c’est Benoît Magimel qui est à l’origine de ce projet. Sa rencontre avec Patrick Rotman, spécialiste du documentaire et de la Guerre d’Algérie, et qui avait d’ailleurs co-réalisé le documentaire « La guerre sans nom » avec Bertrand Tavernier en 1992, aura été déterminante. Côté réalisation, on retrouve un spécialiste du film d’action, Florent Emilio Siri (« Nid de guêpes » en 2002, « Otage » en 2005), qui rêvait depuis longtemps de faire un film sur les guerres de décolonisation.

 

« -    Vous avez de la famille en France, Sergent ?

-         Non. Et vous ?

-         Une femme et un fils

-         Ils doivent vous manquer. Vous devriez aller les rejoindre »

 

Albert Dupontel. Thibault Grabherr / S.N.D.Sujet sulfureux, acteurs prestigieux, gros moyens : « L’ennemi intime » était donc attendu comme l’un des films français majeurs de cette année 2007. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’on est pas déçu ! Rarement un film de cette envergure aura été aussi bien traité, mêlant habilement le film de guerre pur et le film psychologique, tout en tentant de relater des faits historiques présentés sous un angle original devant servir à faire cogiter le spectateur. Sur un scénario brillant et excellemment bien documenté signé Patrick Rotman, le film brille d’abord par sa manière originale d’aborder le problème : sans démagogie, il ne cache rien des massacres et des tortures, qui pour la première fois deviennent l’apanage des deux camps (les deux forces opposées massacrent des villages innocents, font régner la terreur, et usent de méthodes barbares, napalm, corvée de bois et gégène côté français, égorgement, émasculation, et ligaturage à base de barbelés pour le FLN), rappelant par là le côté universel (et donc particulièrement flippant) de la barbarie et de l’horreur. C’est d’ailleurs sur cette base que le film de guerre à proprement parler peut s’épanouir. Siri nous propose ainsi des scènes hallucinantes de poursuites dans des grands espaces infiniment déserts (et paradoxalement étouffants et anxiogènes), des fusillades géantes et meurtrières au milieu de nulle part, pour finir en apothéose apocalyptique dans un grand bombardement au napalm précédent le massacre purement gratuit d’un village isolé. Tout ceci  sert de base pour illustrer le cheminement psychologique des personnages qui évoluent parallèlement aux évènements qu’ils vivent. De cette violence exponentielle, de cette peur latente de mourir au milieu de nulle part, en résulte la fin d’une innocence et de tout humanisme. Constat terrorisant tendant à démontrer que même l’homme le plus humaniste et porté par les meilleures intentions finit lui aussi par sombrer dans la barbarie par l’effet de peur combiné à l’effet de groupe.

 

« Le FLN a peut-être des méthodes barbares mais les vôtres valent pas mieux. On ne peut pas répondre à la barbarie par la barbarie »

 

Albert Dupontel et Benoît Magimel. Thibault Grabherr / S.N.D.Côté réalisation, on ne pourra que saluer la virtuosité de la mise en scène de Siri. Mêlant habilement les genres, il n’en oublie jamais de soigner l’esthétique de son film, qui passe par une image soignée, une photographie léchée aux teintes volontairement sépia, donnant une luminosité irréelle accentuant à la fois le côté passé des évènements, ainsi qu’une espèce d’aridité étouffante. En outre, il ne cherche jamais à faire dans le documentaire et privilégie toujours l’aspect cinématographique, avec des scènes de combats particulièrement bien travaillées et reconstituées, dont les effets visuels « à l’américaine » sont assez bluffants (la première scène de fusillade dans la pénombre à flanc de falaise, ou encore la scène du napalm). Côté direction d’acteurs, c’est là aussi le sans-faute. Si Benoît Magimel nous livre une impeccable composition toute en sensibilité contenue, c’est Albert Dupontel qui impressionne le plus par son jeu nerveux et subtil. Le reste du casting est au diapason, avec une mention particulière pour le trop rare Aurélien Recoing, pour Eric Savin, et pour Fellag, qui apparaît le temps d’une scène très poignante. Le choix de Siri de prendre de très jeunes comédiens (comme Vincent Rottiers et Anthony Decadi) pour jouer les hommes de troupe de Magimel s’avère pertinent, leur visage d’adolescents rappelant également que se sont aussi les jeunesses que l’on sacrifie dans l’absurdité de ces guerres.

 

« Regarde cette cigarette. C’est toi. Quoi que tu fasses, tu ne sais plus qui tu es. Tu ne seras plus algérien et tu ne seras jamais français. Tu as perdu d’avance »

Albert Dupontel. Thibault Grabherr / S.N.D.Scénario solide, mise en scène inspirée et soignée, et interprétation magistrale, « L’ennemi intime » tient toutes ses promesses et s’impose sans contestes comme l’un des meilleurs films français de l’année. Film de guerre spectaculaire et crepusculaire, on ne pourra s’empêcher de le comparer au « Platoon » d’Oliver Stone, dont le scénario, psychologique, demeure assez proche. Mais plus que tout, c’est pour sa façon inédite d’aborder la guerre d’Algérie et sa volonté de remettre chaque élément à sa juste place, que « L’ennemi intime » fera date. Dénonciation de la guerre, fin de tout angélisme, il dresse un portrait sans concessions d’un conflit encore tabou de nos jours. Après « Indigènes », sorti il y a un an, « L’ennemi intime » confirme une tendance de notre cinéma, visant à rétablir une certaine vérité politco-historique, à s’affranchir d’un certain nombre de tabous, tout en s’efforçant à faire des films spectaculaires et de qualité. Voilà un film dont on ne ressort pas indifférent. Essentiel.

 Benoît Magimel. Thibault Grabherr / S.N.D.  Mohamed Fellag. Thibault Grabherr / S.N.D.



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P
Article très complet et très juste pour un film qui vous laisse complètement K.O. L'Ennemi Intime n'est effectivement pas qu'un film de guerre, il n'a rien non plus d'un péplum à la 300 ou la violence est l'aspect le plus important d'une épopée lyrique. C'est un film poignant qui vous retourne le coeur ; à voir, absolument !
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B
Super trop bon film, qui file la honte sur le genre "humain". A voir aussi de Rotman son documentaire en 3 volets du même titre.
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P
J'osais pas en parler, mais je verrais bien Dupontel repartir avec la statuette du meilleur second rôle!!!
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M
Excellent film qui pourrait bien avoir sa place au prochain césar !
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