You kill me
« - Tu échapperas à la neige à San Francisco
- Mais jaime la neige »
Fort de nombreux prix internationaux récompensant plusieurs de ses réalisations, John Dahl sest imposé au fil des années comme un cinéaste original dans lunivers hollywoodien. Spécialisé dans les polars et autres thrillers, Dahl a su imposer un univers qui lui est propre, stylisé, sombre, teinté dinfluences des films noirs de lâge dor Hollywoodien. On trouve ainsi dans sa filmographie des films tels que « Kill me again » (1989), « Red rock west » (1992), « Last seduction » (1994), ou encore « Les joueurs » (1998) avec Matt Damon et Edward Norton. Sil se faisait plus rare depuis quelques années, revoilà donc John Dahl avec son nouveau long « You kill me », film à petit budget et petite distribution. Impressions.
« - Vous navez pas lair abattue
- Même les gens quon naime pas meurent »
Lhistoire :
Buffalo, Etats-Unis. Franck est tueur à gages au service de Roman, parrain de la mafia polonaise locale. Sur les ordres de ce dernier, il doit éliminer le parrain de la mafia irlandaise locale, qui négocie une alliance avec la mafia chinoise pour gagner le leadership de la ville. Malheureusement pour lui, Franck est alcoolique, et une fois de plus, son addiction va lempêcher de mener à bien sa mission. Echec qui lui vaut un séjour imposé par son boss à San Francisco pour suivre une cure auprès des alcooliques anonymes. Là-bas, Dave, un contact local, lui trouve une place dans les pompes funèbres et un appartement. Entre ses réunions dabord peu convaincantes et sa rencontre avec la belle Laurel, Franck va peu à peu retrouver le goût à la vie. Mais à Buffalo, les irlandais deviennent de plus en plus pressants et agressifs contre les polonais
« Cest bien plus facile de baiser des filles moches quand on est saoul »
Voilà un film à lunivers qui détonne ! Avec ce « You kill me », Dahl réalise un joli coup, en imposant un film avec une liberté et un mélange de tons très original, partagé entre film noir (ça reste avant tout un film de tueur à gages), film doux-amer (élégant et émouvant portrait dun homme désabusé, désenchanté, qui lutte difficilement contre ses propres démons), romance, et comédie. Le plus impressionnant dans tout cela, cest quaucun des genres ne prend le dessus sur un autre, et tous sont amenés et traités avec beaucoup de subtilité et dintelligence. Plus que cela, on peut également souligner lintelligence avec laquelle sont écrits les dialogues, qui font systématiquement mouche, en mettant précisément le doigt sur les problèmes de Franck et en apportant une touche dhumour décalé et souvent cynique qui vient dédramatiser les passages les plus sombres (fascinante scène où Franck explique sa vie de tueur à gages et ses motivations à vaincre ses démons à la réunion des alcooliques anonymes).
« Voilà un mort qui a bonne mine »
Lautre grand point fort de ce film, cest la qualité de ses interprètes. Autant le dire tout de suite, à priori, le noms des comédiens semblaient daccoler de manière surprenante et pas forcément convaincante. Mais on doit reconnaître que lalchimie opère parfaitement. Le mérite revient en partie à lexcellent (mais faut-il encore le rappeler ?) Ben Kingsley, qui excelle dans ce rôle dhomme désenchanté en proie à lalcool. Tantôt tueur dune froideur glaçante, tantôt séducteur maladroit, tantôt malade en alcoolique qui cherche à se sortir de ses démons, il glisse dun registre à un autre avec un facilité déconcertante. Le comédien dont la réputation nest plus à faire, sest même investi plus quà laccoutumée en étant producteur du film. A ses côtés, Tea Leoni (elle aussi investie, puisque productrice exécutive) en femme daffaire déçue par la vie, arrive à exister largement, et prouve par là-même quelle est trop rare et utilisée à bon escient au cinéma. Dans des seconds rôles savoureux mais pas assez mis en valeur, on retrouve avec toujours autant de joie Luke Wilson. A noter enfin les jolies apparitions de Bill Pullman, Denis Farina et Philip Baker Hall.
«Tu veux un verre ? Jai de leau sensationnelle »
Pour conclure, ce « You kill me » marque de jolie manière le retour de John Dahl sur grand écran. Son film, sil nest probablement pas sa meilleure ni sa plus grande réalisation, nen demeure pas moins un film très sympathique doublé dun très bon divertissement. A coup sûr, il sera lune des bonnes surprises de lété. Dommage quil doive se contenter dune diffusion sur un nombre restreint de salles.
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