L'affaire Farewell
« Je ne veux pas fuir, cest minable. Je nai pas peur de mourir. Mon pays a besoin de moi. Je peux changer le monde. »
Moscou, au début des années 80, en pleine Guerre Froide. Sergueï Grigoriev, colonel du KGB déçu du régime de son pays, décide de faire tomber le système. Il prend contact avec un jeune ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment. Les informations extrêmement confidentielles qu'il lui remet ne tardent pas à intéresser les services secrets occidentaux. Mitterrand lui-même est alerté et décide d'informer le président Reagan : un gigantesque réseau d'espionnage permet aux Soviétiques de tout connaître des recherches scientifiques, industrielles et militaires à l'Ouest ! Les deux hommes d'Etat décident d'exploiter ces données ultra sensibles transmises par une mystérieuse source moscovite que les Français ont baptisée : " Farewell ". Homme sans histoires, Pierre Froment se retrouve alors précipité au coeur de l'une des affaires d'espionnage les plus stupéfiantes du XXème siècle. Une affaire qui le dépasse et qui menace bientôt sa vie et celle de sa famille...
« Depuis le début, lui et moi sommes les seuls à risquer notre peau dans cette affaire. Ça suffit. Je veux des garanties autant pour lui que pour moi. »
Christian Carion est un féru dHistoire. Ou plus exactement de ces petites histoires individuelles qui font la grande Histoire. Après « Joyeux Noël » (2005) où il contait la fraternisation des soldats français et allemands dans les tranchées un soir de Noel 1914, le réalisateur sintéresse donc à un sujet historique beaucoup plus ambitieux, en loccurrence « Laffaire Farewell », lune des plus étonnantes affaires despionnage du vingtième siècle, qui contribua à affaiblir lURSS et à enclencher la Perestroïka. De quoi faire ressortir, 25 ans après les faits, les orgueils et les susceptibilités des différents pays. Ainsi, si Carion peut senorgueillir dêtre le premier cinéaste à avoir obtenu lautorisation de tourner quelques scènes dans le Palais de lElysée, il eu moins de chance avec les autorités russes qui refusèrent que le film soit tourné sur leur territoire. Il faut dire que lactuel Ministre de la Culture fut à lépoque de laffaire lun des espions expulsés suite aux informations données par Farewell. Cest donc à Kiev que seront tournées les scènes censées se passer à Moscou. Pour la petite histoire, le rôle de Grigoriev devait initialement être interprété par le réalisateur russe Nikita Mikhalkov, qui du renoncer pour des questions demploi du temps, son rôle revenant à un autre réalisateur slave, Emir Kusturica.
« Cest plus drôle de bluffer quand on sait que ladversaire à une main minable »
Le cinéma français a toujours eu du mal à maitriser les genres de la fresque politique et du film despionnage, genres traditionnellement plus anglo-saxon. En cela, le projet de Carion de se frotter à une affaire politique aussi éminemment complexe que laffaire Farewell était en soi clairement ambitieux. Et force est de constater que le film, dans lensemble tient plutôt bien ses promesses. Reconstitution des années 80 très crédible, récit minutieux à défaut dêtre précis, mise en perspective du contexte géopolitique (en particulier les échanges en Reagan et Mitterrand, à qui le premier reproche davoir dans son gouvernement des ministres communistes), dénonciation du cynisme des services secrets occidentaux : « Laffaire Farewell » est un film plutôt solide qui atteint globalement ses objectifs. Pourtant, on aurait aimé y trouvé le souffle et la profondeur des grandes fresques politiques du cinéma américain, comme le « JFK » de Stone par exemple, ou encore plus récemment le « Raisons d'Etat » de De Niro. Car à lévidence, « Laffaire Farewell » manque un peu dampleur. A commencer par un petit peu de nervosité, le film manquant cruellement dun peu de tension dramatique et de stress. On pourra également regretter certaines facilités prises avec la réalité des faits, notamment lorsquil sagit de faire passer Farewell pour une sorte de personnage idéaliste et romantique alors quil tomba initialement pour avoir poignardé sa maitresse. Dune manière générale, on pourra reprocher à Carion de retomber dans ses mêmes travers sentimentalistes qui plombaient déjà quelque peu « Joyeux Noël ». En effet, à force de vouloir souligner lhumanité de ses personnages, leur vie privée prend un peu le pas sur laffaire politique elle-même. Surtout dans le dernier tiers du film, alourdit inutilement par les relations de Grigoriev avec son fils et sa maitresse. Reste un beau casting, hétéroclite, dont on retiendra surtout létonnante mais non moins belle prestation dEmir Kusturica. Objectif atteint donc pour Carion, qui, même sil ne signe pas à proprement parler un grand film, parvient à nous intéresser de bout en bout à cette improbable et méconnue page dHistoire.
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