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15 Mar

L'heure d'été

Publié par platinoch  - Catégories :  #Drames

« Mon anniversaire ? A mon âge, on s’en fiche. C’est juste un pretexte pour être réunis tous ensemble. C’est pas si fréquent. »

 

Comme chaque été, Adrienne, Frédéric, et Jérémie, viennent passer l’été avec épouses et enfants dans la maison familiale non loin de la région parisienne. L’occasion pour eux, dispersés aux quatre coins du monde pour leur travail, de se retrouver en famille, autour de leur mère, Hélène. Après son repas d’anniversaire au cours duquel elle a fêté ses 75 ans, Hélène prend son fils Frédéric à part, pour lui faire un petit récapitulatif du patrimoine familial pour le jour où elle viendrait à mourir. Un patrimoine riche d’objets et d’œuvres d’art, hérités du grand-oncle de la famille, artiste de la fin du XIXème siècle, et contemporain d’un certain nombre de pointures, tel Odilon Redon, qui lui ont offert quelques créations personnelles. Quelques mois plus tard, la disparition brutale d’Hélène réunit de manière précipitée toute la petite famille. Mais entre la volonté de Frédéric de garder le patrimoine familial, et celle de Jérémie et d’Adrienne de le revendre, ce sont deux visions du rapport au passé et au souvenir qui s’affrontent…

 

« Je te laisse mes tableaux. Là où je vais, ils ne me serviront plus à rien. Avec toi, ils continueront d’exister pour toujours »

 

A l’origine de ce film, il y avait un projet du Musée d’Orsay, qui, à l’occasion de son vingtième anniversaire, avait commandé quatre longs métrages à Olivier Assayas, Hou Hsiao Hsien, Jim Jarmush, et Raoul Ruiz, sur le thème de Paris et de l’art avec pour seule contingence, l’apparition obligatoire du musée dans au moins une des scènes de chaque film. Si le projet est finalement tombé à l’eau, Oliver Assayas et Hou Hsiao Hsien, qui avaient déjà bien avancé leurs travaux de préparation et d’écriture, ont tout de même maintenu leurs projets, sous l’égide du Musée d’Orsay. Si le film du réalisateur taiwanais, « Le voyage du ballon rouge » est déjà sorti voilà plus d’un mois, c’est désormais au tour du film d’Assayas, « L’heure d’été », de débarquer sur nos écrans. Ancien journaliste aux « Cahiers du cinéma », Assayas est déjà le réalisateur d’une bonne dizaine de longs métrages, parmi lesquels « Les destinés sentimentales » (2000), « Demonlover » (2002), « Clean » (2004), et plus récemment « Boarding gate » (2007). Ce film est pour lui également l’occasion de retrouver pour la troisième fois le comédien Charles Berling, et de mettre en scène après plusieurs rendez-vous manqués (dont « Les destinés sentimentales ») Juliette Binoche, déjà présente dans le film de Hou Hsiao Hsien.

 

« Dans ce musée, tout le monde en profite. L’Histoire appartient à tout le monde » 

 

Le délicat sujet de l’héritage, de la passation, et du rapport au passé et aux souvenirs, ne pouvait rêver à priori de réalisateur plus approprié qu’Assayas. Très inspiré par le cinéma asiatique, dont il a hérité du maniérisme et de la pudeur, Assayas était logiquement garant d’un traitement du récit qui ferait la part belle à une émotion contenue. Et sur ce plan là, on peut dire que « L’heure d’été » tient toutes ses promesses. La difficile question de la mort, des liens fraternels, de l’héritage et du rapport au passé est traitée avec beaucoup de pudeur et d’émotions, à l’image d’un Charles Berling submergé par l’émotion, qui s’isole dans sa voiture pour pleurer après le décès de sa mère, ou des échanges de souvenirs d’enfance liés à la maison familiale ou aux objets. En outre, le réalisateur aura réussi à conférer à cette fratrie de cinéma une réelle authenticité, qui ressort dans cette succession de prises de bec et de réconfort mutuel. Une belle énergie positive s’en dégage, contrebalançant de manière finalement assez positive la mort d’Hélène, mort qui intervient de manière à la fois naturelle et brutale dans le récit, provoquant à la fois une césure inattendue, tout en s’inscrivant dans un cycle logique et continu où la vie reprend le dessus sur la mort par le biais des générations suivantes. Des lors, si les objets sont des marques du passé porteurs de nombreux souvenirs et dont il est difficile de se séparer en raison de leur valeur sentimentale, ils ne sont finalement que secondaires passant derrière les liens forts qui unissent les personnes de cette même famille. Si les portraits et l’étude du rapport au passé sont touchants, le film souffre cependant d’un scénario particulièrement parisianiste et bobo, qui finit par avoir raison de toute empathie pour les personnages. Bien nés, tous dotés de situations professionnelles formidables (Frédéric est un économiste reconnu, professeur d’université, il est aussi un théoricien respecté, Adrienne est designer de renom aux USA, Jérémie est quant à lui Directeur de la qualité pour le continent asiatique pour le compte d’une grande marque de Sportswear) et d’un niveau culturel au-dessus de la moyenne, leurs conversations souvent pédantes et leurs soucis à des années lumières de ceux du petit peuple (pauvres petits riches qui pleurent de ne pas pouvoir garder des tableaux de Corot et d’Odilon Redon !) - presque indécents à l’heure où une large part de la population peine à boucler ses fins de mois – finissent par agacer profondément.

 

« Elle me disait qu’un jour, ce serait à mon tour de venir ici, avec mes enfants, quand j’en aurais. Et désormais, ma grand-mère est morte et la maison est vendue. »

 

Côté réalisation, Olivier Assayas fait une nouvelle fois étalage de ses grandes qualités : la mise en scène soignée et précieuse, le rythme un peu contemplatif, la photographie et le jeu des lumières, allant du grand soleil lumineux d’été aux clairs-obscurs, sont autant d’éléments qui donnent à ce film un petit côté impressionniste, qui colle pleinement pour le coup avec la spécialisation du Musée d’Orsay, commanditaire du film. Du côté des acteurs, les prestations sont toutes de bonne qualité même si certains brillent un peu plus que d’autres. C’est le cas avec Charles Berling : de tous les plans, il impose comme à son habitude son énergie et sa sensibilité à son personnage, sans jamais sombrer dans la caricature ni dans la facilité. Derrière, Juliette Binoche est convaincante, même si elle ne trouve pas là son meilleur rôle. Jérémie Rénier se montre du coup le moins convainquant des trois. A sa décharge, sa différence d’âge avec ses deux partenaires est un peu trop importante et voyante pour convaincre d’un lien fraternel. A noter également, dans un rôle secondaire, la présence toujours énergique d’Edith Scob. Au final, « L’heure d’été » est un film qui laisse une sensation mitigée : si on ne peut que tomber sous le charme de la mise en scène maîtrisée et de qualité d’Assayas, le propos de son film, lui, par son côté prétentieux, bobo, et élitiste, semble à l’inverse franchement vain et peu convaincant. Dommage.

  



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B
Autant, j'avais beaucoup aimé "clean" avec Maggie Cheung (son ex) et ma préférée d'"in the mood for love", autant "Les destinés sentimentales" m'avait saintement emmerdé. Ta critique, belle et efficace, ne me donne pas plus envie d'aller le voir que j'y jeter un oeil. Ne vivrons nous pas un jour pareille situation, fortune en moins, pour une petite bicoque du côté d'Orly ?
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