Modern love
« A se rêver des comtes de fées, on finit par ne pas être aimé »
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Soirée du réveillon. Eric vient tenter de récupérer la femme quil aime, Marie, quitte à se ridiculiser. Quelques mètres plus loin, sur la piste de danse de la même soirée, Elsa se fait larguer par Victor. Une soirée dramatique qui marquera profondément le comportement sentimental dEric et dElsa. Quelques années plus tard, Eric semble filer le parfait amour avec Anne, jusquau jour où Marie fait de nouveau irruption dans sa vie. Mariée à un homme stérile, elle demande à Eric de lui faire un enfant. Un choix qui pourrait mettre en péril son couple. Elsa de son côté rencontre lhomme idéal, répondant à ses attentes du prince charmant. Problème : Jérôme, la perle rare, est homosexuel. Leurs destins et leurs histoires sentrecroisent, au rythme endiablé du film « Modern love », une comédie romantique parfaitement clichée dont ils sont tous fans, et qui exprime parfaitement leurs attentes et leurs rêves de grand amour
« Franchement, tas tout pour toi : tes beau, intelligent, marrant, tu danses bien. Et tes célibataire ? Cest pas possible ! tes homo ou quoi ? »
Bien que passionné de cinéma, Stéphane Kazandjian ne se destinait pas à priori à une carrière artistique dans ce milieu. Pourtant sa passion aura pris le dessus sur sa formation, le poussant tout dabord vers lécriture de scénarios. Après plusieurs projets abandonnés, il passe pour la première fois à la réalisation en 2001 avec « Sexy boyz », remake français (!) du succès « American Pie » (re- !). Echec cuisant pour un film particulièrement raté, salace et excessif, et surtout dépourvu de lesprit provocateur quavait le film de Chris Weitz, montrant les déboires sexuels des ados américains à la face dune Amérique puritaine. Il aura fallu attendre sept ans pour le revoir de nouveau derrière une caméra, et la sortie de ce « Modern love », son deuxième film. Si Kazandjian a depuis participé à plusieurs projets en tant que scénariste, notamment à la série boursière « Scalp », il rêvait depuis pas mal de temps de faire un film rendant hommage aux comédie romantiques, genre quil apprécie tout particulièrement. Sur le papier, rien de bien original à priori puisque ce « Modern love » reprend tous les éléments à la mode du cinéma français, tant dun point de vue thématique avec labord décalé et parodique du genre de la comédie romantique centré sur les trentenaires (« Célibataires » de Verner, « Ma vie nest pas une comédie romantique » de Gibaja, « Lâge dhomme, maintenant ou jamais » de Fejtö, ou plus récemment « Didine » de Dietchy), que dun point de vue technique, puisque le film néchappe pas à la mode très française du film choral. Mais plus que tout, son incursion dans le genre de la comédie musicale (combinée à la présence dAlexandra Lamy) font forcément penser au film « On va saimer », navet réalisé par Ivan Calbérac et sorti en 2006. Une partie musicale réalisée pour loccasion par le chanteur compositeur français Martin Rappeneau.
« Lhomme idéal auquel tu crois nexiste que dans les films. Dans la vraie vie, il nexiste pas. Il lui arrive même de pisser sur la cuvette des chiottes. Faut sy faire ! »
Les histoires damour finissent mal en général, nous disait la chanson. Un proverbe que reprend à son compte le film de Kazandjian, illustrant son propos en faisant le parallèle entre deux univers : celui dune vraie vie, avec les tribulations sentimentales dun homme, Eric, et dune femme, Elsa, tous deux en quête du bonheur et de lêtre parfait, et celui dun film, « modern love », une comédie musicale romantique, mélange de « Pretty woman », « cendrillon », et « Chicago », dans laquelle deux êtres que tout opposent vont se retrouver lier par lamour. Lidée de cette mise en abyme des deux univers, celui dun film romantique, monde fantasmé par excellence cristallisant les désirs de perfection sentimentale de tous, et celui de la vraie vie, où légoïsme de chacun, la complexité des sentiments et de la réciprocité, et la vaine quête de perfection qui rendent les histoires beaucoup plus compliquées, aurait pu être intelligente et originale. Seulement voilà. Kazadjian, même animé des meilleures intentions, narrive jamais à faire décoller réellement son film. La principale raison de cet échec repose certainement dans le manque doriginalité de son propos. Car derrière les trois pauvres chansons de comédie musicale, bien clichées et franchement ringardes, se cache un film qui enchaîne les lieux communs comme les perles. Tromperie, coucheries, personnages immatures et franchement décalés, ton faussement enjoué, petit laïus nous disant quune réalité conforme aux rêves est vite lassante et quon se rend compte de son bonheur une fois quon la perdu, Kazandjian nen oublie aucun, nous gratifiant même dun improbable passage où la meilleure copine mariée part dans une relation lesbienne, et où lhomme idéal homosexuel finit par tomber amoureux dElsa. Le tout porté par un récit mou du genou, manquant cruellement de rythme et de dynamisme. Des grosses longueurs viennent ainsi plomber le film (toute la scène de lhôtel, ou celle du voyage romain), qui nest jamais relevé par un humour très convenu, où les quiproquos et les situations manquent doriginalité et de mordant.
« - Et sinon, avec Ziggy, cest toujours copain-copain ?
- Lache-moi un peu. Moi je ne chante pas « une femme avec une femme » »
A la réalisation, Kazandjian tente de jouer pleinement sur le côté parodique en optant pour un visuel assez coloré et artificiel, façon sitcom. Un choix qui aurait pu être payant, mais à condition que son scénario soit dune qualité bien meilleure. Pour le reste, la mise en scène est pour le moins classique et formatée, répondant parfaitement aux codes habituels du genre, ne permettant pas à ce film de se démarquer de ses prédécesseurs récents (là encore, la comparaison à « On va saimer » simpose assez logiquement). Côté comédiens, on natteint pas franchement des sommets. PEF nous ressort son énième numéro dattardé maladroit et pas sûr de lui. Si ce dernier passait plutôt bien dans son « Essaye-moi », il fait plus quagacer ici. Bérénice Béjo assure lessentiel, mais reste un tantinet fade dans ce rôle. Si Clotilde Coureau déçoit une nouvelle fois, les bonnes surprises viennent des seconds rôles, avec les très bonnes interprétations de la craquante Mélanie Bernier, et de Stéphane Debac. Pour la partie musicale, on regrette forcément le déséquilibre flagrant du couple Lamy/Rousseau. Si le comédien québécois, habitué des shows à laméricaine mêlant chant, comédie, et danse (il a notamment joué sur scène la comédie musicale « Chicago »), se montre parfaitement à laise dans lexercice, Alexandra Lamy livre un numéro beaucoup plus amateur, manquant souvent de grâce (le coup du petit saut latéral symbolisant lamour est à mourir de rire tant il est ridicule). Pire, sa voix de crécelle, étonnement proche de celle de lanimatrice Dorothée, savère peu appropriée pour ce genre de numéro musical. Du coup, cette accumulation de clichés, de déjà-vu, de maladresse, et de sensation de facilité, empêche dadhérer vraiment à ce film raté et artificiel. Et ce en dépit de son aspect second degré revendiqué et de sa tonalité très légère. A éviter.
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