L'orphelinat
« Tout va bien se passer. Il va être formidable notre centre. »
Laura, orpheline de naissance, a passé son enfance dans un orphelinat de bord de mer entourée dune poignée denfants quelle aimait comme ses frères et surs. Jusqu'au jour où elle a été adoptée, quittant lorphelinat et ses petits camarades quelle naura jamais revu. Quelques décennies plus tard, Laura rachète lorphelinat, à labandon, avec son mari et Simon, leur fils de sept ans, dans le but den faire un centre daccueil pour enfants handicapés. La demeure, immense et ancienne, réveille lesprit imaginatif de Simon, enfant particulièrement solitaire et rêveur, qui se livre à détranges jeux avec ses amis imaginaires. Mais une série dévènements étranges, notamment le fait que Simon découvre quil est un enfant adopté et atteint depuis sa naissance du VIH, viennent troubler Laura. Jusquau jour où, en pleine fête daccueil des nouveaux pensionnaires, Simon disparaît sans laisser de traces
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« - Tu mourras quand ?
- Quand tu seras âgé et que je serais moi-même très vieille
- Je serais jamais âgé, moi. Je ne grandirai pas. Comme Peter Pan. »
Plus gros succès espagnol de tous les temps au box-office ibérique, « Lorphelinat » débarque donc sur nos écrans précédé dune flatteuse réputation et dune certaine curiosité. Dautant que, non content de son succès public, le film a également réussi à obtenir un grand succès critique en accumulant un grand nombre de récompenses (Grand Prix et Grand Prix du jury Sci-Fi du Festival de Gérardmer, le film a aussi obtenu un nombre records de nominations aux Goya, léquivalent de nos Césars pour lEspagne, repartant avec 7 trophées, dont Meilleur scénario et Meilleur premier film). Il faut dire quen étant produit par le très imaginatif réalisateur mexicain Guillermo Del Toro (réalisateur ayant fait ses preuves à Hollywood, à qui lon doit « Hellboy » et le récent « Labyrinthe de Pan », gros succès critique en 2006 et nommé à lOscar du meilleur film étranger en 2007), « Lorphelinat » était demblée doté dune certaine crédibilité. A noter quil sagit du premier long pour le réalisateur Juan Antonio Bayona, jeune réalisateur venu du clip.
« Quand il sest passé quelque chose de terrible, il en reste toujours une trace, faisant le lien entre deux lignes du temps. Comme un pincement qui ne demande que la délivrance et lapaisement dune caresse. »
Le renouveau que connaît depuis une petite dizaine dannées le cinéma espagnol, lui aura permis, sous la houlette de quelques réalisateurs (Almodovar, Amenabar, Coixtet), dexporter avec succès de nombreux films hors de ses frontières. On se souvient ainsi de films comme « Ouvre les yeux », « Ma vie sans moi », « Mar Adentro », ou encore « Volver ». Dans ce renouveau, le genre du fantastique semble se faire la part belle, et les réalisateurs espagnols, reconnus pour leur savoir-faire et leur inventivité, ont été assez souvent sollicité pour réaliser des films de genre à létranger (« 28 semaines plus tard » par Fresnadillo, « La maison de cire » par Collet-Serra, « Les autres » par Amenabar). La production espagnole nétant pas en reste, il sera bon de rappeler le succès du « Labyrinthe de Pan » et du prochain « Rec », qui a bien marché de lautre côté des Pyrénées. Dans cette logique, on attendait forcément beaucoup de cet « Orphelinat ». Et le moins que lon puisse dire, cest que Bayona réussit pleinement son coup. Profitant dun scénario très malin et astucieux, se jouant volontiers des effets inhérents au genre (grande maison vide au milieu de nulle part, personnages inquiétants, portes qui claquent, fantômes, éléments visuels forts comme la cagoule du gamin qui nest pas sans rappeler le masque de Jigsaw dans « Saw »), il nous livre un film efficace et séduisant, avec une atmosphère bien personnelle. Son scénario à tiroirs, mêlant habilement évènements passés et présents, jeu de piste, et paranormal, lui permet de jouer astucieusement avec ses spectateurs, les menant à sa guise sur des fausses pistes, les perdant volontairement pour mieux les surprendre ensuite. Mais plus encore, sa réussite tient dans le fait quil a réussi à donner une dimension émotionnelle très forte à son récit, par le drame vécu par ces enfants orphelins, martyrs oubliés ayant payé le prix dun accident, et par la disparition dun fils, dont les raisons sont beaucoup logiques et tristes quon pourrait le croire. Dès lors, Bayona enchaîne les scènes visuellement fortes, parfois flippantes (la partie de 1,2,3, soleil), débouchant sur un final des plus poétiques et émouvants.
« Vous mécoutez, mais vous ne mentendez pas : il faut croire pour voir, et non linverse »
Si on pourra toujours lui reprocher quelques longueurs dans son récit, et quelques passages scénaristiques des plus convenus, sa mise en scène savère dun classicisme pleinement efficace : jeu sur les lumières (alternant les couleurs saturées, les clairs-obscurs et lobscurité), sur les sons, cadrages souvent serrés, tout est ici est réuni pour créer une atmosphère étouffante et angoissante. La prestation des acteurs se révèle également de qualité, Belen Rueda en tête, faisant preuve dune belle émotion pour un rôle proche de celui quinterprétait de manière plus terne Naomi Watts dans « Le cercle ». A ses côtés, si Fernando Cayo et le jeune Roger Princep se montrent un peu plus lisses, on saluera la jolie apparition de Géraldine Chaplin, qui habite toujours autant la pellicule par sa belle présence. Si « Lorphelinat » nest pas un film dépouvante, il savère être un efficace et habile thriller prenant la forme dun comte particulièrement sombre et émouvant. Une des agréables surprises de ce début dannée 2008.
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