L'histoire de Richard O.
« Aimer, cest construire une barrière contre la destruction »
Paris, mois daoût. Richard O. est tué accidentellement par une de ses maîtresses. Qui était cet homme et pourquoi est-il mort ? Retour en arrière de quelques semaines. Richard O. est un artiste de limage, qui filme et photographie tout ce quil peut. Mais son truc, cest les femmes. Il les photographie, les filme, et tente dobtenir leurs confessions sur leurs désirs les plus profonds et les plus inassouvis. Et ça tombe bien, comme il a un besoin compulsif davoir des rapports physiques avec les femmes, il se propose de les aider à assouvir leurs désirs. Dautant que son assistant et ami, Le Grand, sorte de gentil neuneu, lui rabat toujours plus de modèles. 13 femmes, 13 expériences, qui entraînent un peu plus Richard O. sur une pente glissante
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« Je suis un animal »
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Cinéaste plutôt fin dont luvre nest pas franchement destinée au grand public, Damien Odoul sest fait remarqué par une poignée de longs intimistes dont « Le souffle » (2001), « Errance » (2003), ou encore « En attendant le déluge » (2005). « Lhistoire de Richard O. » est ainsi son cinquième long métrage, et a été présenté à la dernière Mostra de Venise. Odoul nous invite ici dans une exploration sur le sexe et le désir qui a valu à son film une interdiction en salle aux moins de 16 ans en raison des scènes de sexe explicites. Ce qui est toujours assez utile pour faire parler dun film !
« Tu sais ce que jaime en toi Richard ? Ton instinct de résistance »
Audacieux dans son sujet comme dans sa forme le film de Damien Odoul nen ressemble pas moins à un ovni cinématographique. Dun scénario non linéaire dont Odoul ne développe que des tranches de vie sans véritable histoire, ressort le personnage de Richard O., pas franchement attachant, qui ne vit que pour avoir des rapports avec une foultitude de femmes quelles quelles soient. Loccasion de rentrer dans lintimité de ces inconnues, de leurs fantasmes et de désacraliser lacte par lui-même. On pourra forcément discuter de la part de misogynie de cette uvre où les femmes sont soumises et offertes, habitées par des fantasmes à priori dégradants, même si lauteur se garde toujours de porter un quelconque jugement de valeurs sur le sujet. Dautant que le sexe ici est montré et non simulé par instant, le tout étant fait forcément avec un peu de voyeurisme, mais sans aspect scandaleux ou réellement racoleur. Au contraire. Dans « Lhistoire de Richard O. », le sexe est assez bestial - comme si les corps étaient plus de la viande quautre chose - et sans la moindre sensualité, et les plaisir est brut et éphémère. Comme si cette succession orgiaque de femmes nétait pas réellement un plaisir en soit mais, à linstar de ces images récurrentes de lutte où le héros se fait mettre constamment et violemment par terre, plus une sorte de combat et dautodestruction calculée (perte de la femme quil aime à priori, pertes dun certain nombre de repères). Cest dailleurs ce qui est assez étonnant, dautant plus que Odoul avoue volontiers que son but était de montrer le sexe sous la lumière du burlesque et poétique.
« Tu as raison. La meilleure façon de traverser la vie, cest de passer pour un con »
Sur la forme, la mise en scène dOdoul est assez intéressante, dégageant une impression dénergie et de naturel, comme si lensemble était cadré et filmé à linstinct. Néanmoins, Odoul névite pas certains écueils propre et plombant du cinéma parisien intello. Entre lhistoire trop vaporeuse, les ellipses radicales, des scènes de dialogues et de discussions absconses et assommantes, et une dernière partie avec un revirement à 360° centrée sur le personnage improbable du Grand, il est certain quOdoul perde un peu (et volontairement ?) ses spectateurs dans cette errance. Dautant que linterprétation nest pas au beau fixe. Mathieu Amalric, icône du cinéma dauteur, fait ici un improbable tombeur obsédé et objet sexuel. Son physique pas forcément avantageux (dautant quil est affublé dune barbe dégelasse et dune coupe en arrière façon cheveux gras) et son look franchement rédhibitoire naide pas à sa crédibilité. A ses côtés, Stéphane Terpereau, protégé de Odoul, promène son étrange silhouette mais narrive jamais à convaincre, son jeu nétant décidément pas à la hauteur. A ce titre la dernière partie du film centrée sur lui et sur sa relation improbable avec un canon de chez canon déséquilibre quelque peu luvre dans son ensemble. En outre, on retiendra essentiellement la jolie prestation naturelle de la charmante Ludmilla Ruoso. A noter également lapparition de Odoul dans le rôle du professeur de lutte.
« Je suis celui qui a vu et qui part vers les Ténèbres. Et je nai plus peur »
uvre étrange et singulière, « Lhistoire de Richard O. » propose une expérience de plongée dans lunivers du désir et du sexe. Audacieux et cru sans jamais être vraiment racoleur, ce film reste cependant quelque peu déroutant par sa forme et sa trame scénaristique. Si lensemble se laisse suivre avec curiosité, on reconnaîtra néanmoins que le film reste difficilement accessible. La courte durée du film (1h15) semble être la durée adéquate pour un film aussi opaque. Surtout, le film laisse planer un voile sur la part autobiographique de ce Richard O. qui ressemble quand même beaucoup à un certain Damien O., avec qui il partage entre autre une existence d'artiste, qui utilise beaucoup sa caméra et qui est aussi un forme d'aventurier. A voir, par curiosité, et pour sortir des sentiers battus.
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