La conspiration
Dans le cadre de son programme « Un dvd contre une critique », Cinetrafic m’a permis de découvrir le dvd du nouveau film de Robert Redford, « La conspiration ».
« Ce procès en fera beaucoup plus pour maintenir la paix que n’importe quel bout de papier »
Printemps 1865. Les troupes unionistes sont sur le point de faire tomber les dernières poches de résistance confédérées. La fin de la guerre de Sécession est proche, pour ne pas dire imminente. Et c’est le Nord qui l’emportera. Une victoire symbolisée par deux hommes : le chef des armées unionistes, le Général Ulysses Grant, et le Président des Etats-Unis, Abraham Lincoln. Pourtant, Washington, la capitale fédérale aux portes des territoires confédérés, grouille de sympathisants sudistes qui souhaitent encore en découdre, persuadés que le conflit peut encore tourner. Parmi eux, un célèbre comédien de l’époque, John Wilkes Booth, met en marche un terrible complot : organiser l’assassinat du Président et de trois autres décisionnaires majeurs pour désorganiser l’Union. Toutefois, s’il parvient à assassiner le Président, ses complices ne réussiront pas à mener à bien leur mission. Il s’en suivra un procès militaire, une première pour juger des civils, par lequel le gouvernement voudra faire montre de son inflexibilité et ramener l'ordre public.
« Si tu perds ce procès on dira que tu as failli à ta tâche. Et si tu le gagnes tu seras traité comme un traitre. Quelque soit l’issue tu seras perdant »
On savait que la multiplication des sorties en salles chaque semaine empêchaient la plupart des films de trouver leur public: à peine sortis, ils quittent déjà les écrans pour faire de la place à d'autres. Désormais, la saturation est telle (certaines semaines, pas moins de 15 films sortent!) que de nombreux films sont privés de sorties en salles et sortent directement en DVD. Le plus étonnant, c'est qu'on trouve parmi eux de nombreux films valables, dotés de réalisateurs ou de castings prestigieux, qui auraient largement mérités d'être exploités dans nos salles. A l'image de « La conspiration », le nouveau film réalisé par Robert Redford (rappelons tout de même qu'il a obtenu l'Oscar du meilleur réalisateur pour « Des gens comme les autres »), qui s'appuie sur un casting de première bourre (James McAvoy, Robin Wright-Penn, Evan Rachel Wood, Kevin Kline, Tom Wilkinson...).
« Pourquoi me suis-je battu pour l’Union si les droits n’y sont plus respectés ? »
Qu'il s'agisse du choix de ses rôles (« Les hommes du Président », « Les trois jours du Condor », « Nos plus belles années », « Brubaker », « Votez McKay! ») ou de ses prises de position publiques, Robert Redford a toujours été considéré comme un artiste engagé et humaniste. Avec son ami Paul Newman, ils ont ainsi longtemps incarné la conscience morale d'Hollywood. Pas étonnant donc de voir le Robert Redford réalisateur s'attaquer à des sujets politiques à la fois sensibles et polémiques (« Lions et agneaux »). Avec « La conspiration », il revient sur l'affaire de l'assassinat du président Abraham Lincoln et plus précisément sur le procès des comploteurs qui s'en est suivi. Premier président de l'histoire des Etats-Unis à être assassiné dans l'exercice de ses fonctions, Lincoln a ainsi acquis une certaine aura posthume, devenant de fait pour de nombreux américains une sorte d'icône mythique, de figure tutélaire de la nation. Difficile dans ces conditions de traiter d'un sujet sous l'angle de la contestation. Car c'est bien connu, on ne touche pas aux mythes. Prenant parti pour Mary Surratt, seule femme jugée et condamnée lors de ce procès en dépit d’une implication secondaire dans le complot, Redford charge violement contre ce procès qu’il considère injuste et s’interroge sur le fondement démocratique des Etats-Unis : une démocratie peut-elle se construire sur l’injustice et le sang ? Dénonçant tour à tour la partialité des juges (et leur manque d’indépendance), la cruauté des châtiments (traitement des accusés qui s’apparente à de la torture), ou encore l’hypocrisie des dirigeants qui voulaient par ce procès réglé à l’avance réaffirmer la puissance de l’Etat et de la démocratie et rétablir l’ordre dans un pays loin d’être pacifié. L’Amérique ne sort pas grandie de ce portrait, d’autant plus que la comparaison avec les pratiques encore tolérées par l’administration Bush dans sa guerre contre le terrorisme semble assez évidente. Mais avec son idéalisme légendaire, il conclut son film en rappelant l’importance d’avoir une presse libre et indépendante, seule à même de contrebalancer le pouvoir aux mains des politiques. Derrière son film historique, Redford signe un là un grand film politique et un vibrant plaidoyer pour la justice et la démocratie.
Le DVD: Edité par CTV International, le film est proposé en VO (ST français) et VF. Il est accompagné de sa bande-annonce, d'une galerie de photo et du traditionnel making-of. D'une durée d'environ dix minutes, celui-ci permet au réalisateur de revenir sur la genèse du projet et sur le tournage du film. Mais le vrai plus du DVD, c'est la présence d'un documentaire très intéressant de plus d'une heure consacré à l'assassinat de Lincoln, aux comploteurs et à leur procès. Construit en parallèle du film, les intervenants n'hésitent pas à contredire un peu la vision de Redford, notamment concernant la responsabilité de Mary Surratt.
Le DVD est dans les bacs depuis le 24 novembre 2011. Sa bande-annonce est visible ici.
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