Mes meilleurs copains
« - Il paraît que tu es devenu un dentiste bourgeois
- Pas du tout, je suis conventionné »
Bien que véritable poids lourds du cinéma comique français, la carrière de Jean-Marie Poiré est marquée par autant de succès commerciaux que de bides, et par autant de films réussis que ratés. On retrouve ainsi dans sa carrière de réalisateur des comédies hilarantes comme « Le père noël est une ordure », « Papy fait de la résistance », et surtout ses deux énormes succès « Les visiteurs 1&2 », mais aussi des films dont on ne dira rien par politesse, comme « Les visiteurs en Amérique », « Ma femme sappelle Maurice », ou encore « Les anges gardiens ». Au milieu de tout cela, un film na pas du tout rencontré son public en salle. Il sagit de « Mes meilleurs copains ». Véritable bide lors de sa sortie, en 1989, surtout compte tenu de son casting, ce film est pourtant probablement le plus abouti et le plus profond de toute la carrière de Poiré. Même sil a depuis gagné son statut de film culte grâce à ses passages à succès à la télévision, ce film, porté devant la caméra par son éternel complice Christian Clavier, méritait certainement mieux. Retour sur un savoureux voyage dans le temps.
« Arrêtez de vous battre on est pas au Vietnam ! »
Lhistoire :
Jean-Michel, Richard, Guido, Antoine et Dany sont liés par une forte amitié depuis les années 70, lorsquils vivaient ensemble dans une communauté. Approchant tous la quarantaine, ils se retrouvent pour aller voir le concert de Bernadette Legranbois, chanteuse québécoise à succès et ancienne amie de lépoque, qui les a quitté pour faire carrière dans la chanson. Laprès concert ne se déroule pas tout à fait comme prévu et Bernadette sinvite donc à limproviste pour faire le point dans la grande maison de Richard. Loccasion pour toute la joyeuse bande de se remémorer leurs jeunes années, la folie des années 70, faire un premier bilan de leur vie et régler quelques comptes
« Ya vraiment des souvenirs qui ruinent lambiance »
Loin de la grosse gaudriole, ou des bonnes idées scénaristiques exploitées à outrance, « Mes meilleurs copains » est probablement le film le plus équilibré de Jean-Marie Poiré. Construit sur la base dun scénario des plus cohérents, le film vogue entre hommage à une époque révolue et à une jeunesse bercée dillusions, et comédie douce-amère sur lheure des premiers bilans, tout en sachant exploiter de manière souvent délirante les situations qui lui sont offertes par le scénario. Pour le coup, léquilibre semble être le maître mot et la notion de base de ce film. Car de léquilibre, il y en a dans la gestion de lunité temporelle du film, où présent et flash-backs senchaînent de manière très cohérente, sans jamais se chevaucher de façon à perdre en route les spectateurs. Il y en a aussi dans la mise en valeur des comédiens puisque fort dun groupe de cinq protagonistes, Poiré arrive à leur donner vie à tous, en leur offrant à chacun une véritable personnalité et sans que lun prenne le pas sur lautre.
« Karma et Karl Marx ne pas confondre ! »
Pour autant cet équilibre nempêche à aucun moment lexistence des scènes les plus comiques. Poiré maîtrise totalement son sujet, et sait parfaitement jouer de toutes les situations : dans un univers parfaitement calculé, il sait, avec la précision dun horloger, profiter de chacune des situations et jouer sur les contrastes entre époques pour faire rire ses spectateurs. Entre le look de ses personnages dans les années 70 (cheveux longs, costumes ridicules, expressions et habitudes franchement ringardes), et ce quils sont devenus aujourdhui (les règlements de compte, lembourgeoisement), tout y passe pour notre plus grand plaisir. Et la force de lhumour que Poiré nous distille ici, cest quen aucun cas il se moque de ses héros. Au contraire, il les couve avec bienveillance, en essayant au maximum de nous les rendre attachant. Dautre part, la qualité des dialogues, probablement ses meilleurs avec ceux du « Père Noel » et de « Papy fait de la résistance », qui font mouche systématiquement avec une précision chirurgicale, rendent lensemble parfaitement fluide.
« Ton chanteur, cest une énorme couille. Et flûte électrique, il atteint des sommets lui aussi. Faut quil arrête den jouer ou bien quil lavale »
Mais ce « Mes meilleurs copains » ne serait rien sans son casting impressionnant et au diapason. Rendez-vous compte : Christian Clavier, Gérard Lanvin (excellent), Jean-Pierre Bacri (le meilleur des cinq !), Philippe Khorsand, et Jean-Pierre Darroussin (drôlissime) sur la même affiche. Rien que ça. Et le meilleur dans tout ça ? Cest que tous jouent parfaitement juste, sans cabotiner, et surtout sans tirer la couverture sur soi. Les cinq se renvoient ici parfaitement la balle dans un film choral où pour le coup, il ny a pas de personnage principal mais cinq ou six seconds rôles. Chacun dans la peau dun personnage au caractère bien trempé et bien distinct des autres, ils livrent ici tous une de leurs plus belles performances.
« Mais enfin, cest un roman. Le type na rien à voir avec toi, il est roux »
Au final, si « Mes meilleurs copains » na pas connu le succès escompté, il nen est pas moins le film le plus mature de Jean-Marie Poiré. Loin de la folie excessive (bien quhilarante) du « Père Noel est une ordure » et des « Visiteurs », il signe ici un film malin, tout en finesse et en observation, sur des quadragénaires pour qui sonnent lheure des premiers bilans. Il rend également hommage à une époque didéaux brisés, les années 70, quil caricature gentiment et avec beaucoup de tendresse (les musiques de lépoque qui illustrent le film sont géniales, à commencer par le « Walk in the wild side » de Lou Reed). Une comédie intelligente et chaleureuse que je recommande vivement à tout le monde !
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