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28 Oct

Missing - Porté Disparu

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Tout cela ne serait pas arrivé s’il était resté chez nous. Mais je te jure que je le retrouverai »

Charles et Beth vivent en parfaite harmonie avec les habitants d'un quartier populaire de Santiago du Chili. Le 11 septembre 1973 éclate le coup d'Etat du général Pinochet. Charles, qui séjourne en province avec une amie, découvre la présence surprenante de conseillers américains sur le sol chilien. A son retour, il découvre le chaos dans le capitale, soumise au massacre et au couvre-feu. Eludant les injonctions de Beth qui le supplie de se précipiter à rentrer aux Etats-Unis avec elle, ce dernier est très marqué par les évènements. Acceptant finalement de quitter le pays avec son épouse, il lui donne rendez-vous le soir, le temps pour lui de régler quelques affaires. Malheureusement, au retour de Beth, Charles à disparu, volatilisé sans laissé de traces. Et depuis ce jour, nul ne l'a revu. Son père, un américain conservateur, imprégné des vertus de son pays, part à sa recherche.

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »

Cinéaste engagé, Costa Gavras aura été de tous les combats contre les totalitarismes. « Missing », son premier film américain, était pour lui l’occasion de revenir sur le coup d’état du Général Pinochet qui pris par les armes, avec le soutient total du gouvernement américain, le pouvoir au Chili en 1973. Projet sujet à controverses et à polémiques à l’époque, le film est tourné dans le plus secret au Mexique, à Mexico et à Acapulco. Inspiré d’une histoire vraie, Costa Gavras a travaillé en étroite collaboration avec les véritables Ed et Joyce Horman. Lors de sa sortie, le véritable officier américain représenté sous les traits de Ray Tower a attaqué en justice la société Universal et le réalisateur pour diffamation, réclamant 150.000.000 de dollars. Somme qu’il ne touchera jamais puisque le procès s’est clôt sur un non-lieu. Pour la petite histoire, si les autorités chiliennes ont bien rendu un corps à la famille Horman, des tests ADN ont prouvé qu’il ne s’agissait pas de celui de Charles Horman, renforçant le mystère autour de la disparition de celui-ci. Présenté lors du Festival de Cannes 1982, le film remportera la Palme d’Or, ainsi que le Prix d’interprétation masculin qui sera décerné à Jack Lemmon.

« Vous, les américains, vous croyez toujours qu’il faut avoir fait quelque chose pour être arrêté »

Tout au long de sa carrière, Costa Gavras s’est érigé en ardant défenseur des libertés et des valeurs démocratiques, réalisant des films chocs, dénonçant les fascismes et les totalitarismes de tous bords. On se souvient notamment du génial « Z », qui dénonçait le coup d’état des Colonels en Grèce, les méthodes fascistes des soviétiques dans « L’aveu », ou encore l’implication des USA dans l’installation de régimes fascistes en Amérique du Sud dans « Etat de siège ». Il était donc logique et légitime de le voir traiter du coup d’état fasciste le plus médiatique des années 70 à savoir le putsch de Pinochet. Neuf ans après un certain 11 septembre (tiens…déjà…) 1973 où la junte militaire chilienne assassinait la seule démocratie du continent sud-américain, Costa Gavras s’attaquait donc à ce sujet brûlant et d’autant plus polémique qu’il s’agissait de son premier film américain. Et comme à son habitude, le cinéaste s’est emparé du sujet à bras le corps pour réaliser un film sans concessions. Mêlant intelligemment petite (la disparition d’un homme parmi tant d’autres) et grande histoire (les dessous politiques de l’affaire, l’implication totale de l’administration américaine), le réalisateur retranscrit parfaitement cette atmosphère oppressante et horrifiante faite de fusillades à chaque coin de rue, de violences et de massacres gratuits, de cadavres, de miliciens, d’interrogatoires incertains et d’exécutions sommaires.

« Se sentir coupable c’est comme avoir peur : ça doit servir à survivre, pas à se détruire »

A ce titre, quelques scènes chocs, telles celle de la morgue débordante de corps ou celle du stade sont particulièrement flippantes. Mais la grande qualité du film, c’est avant tout de savoir confronter l’Amérique à ses propres hypocrisies pour mieux dénoncer ses fautes, ses crimes, et son implication dans ce putsch. Et là encore Costa Gavras part du particulier pour aller au général en confrontant ce quinquagénaire conservateur dont la foi inébranlable dans les valeurs de son pays sera peu à peu ébranlée et détruite en même temps qu’il se confrontera à cette effrayante machine à broyer que représente la nébuleuse machine administrative américaine, où tout le monde sait tout mais personne ne dit rien, baladant ce pauvre homme de mensonges en mensonges, sans scrupules et sans humanité. Un manque total de compassion qui se traduit à la fin par un abominable sermon de l’officier de l’ambassade américaine (qui dit en gros au héros que son fils a mérité ce qu’il a eu) suivi de la délicate attention de l’ambassade qui donne au père la facture des frais de rapatriement du corps, passages qui font froid dans le dos. Le film est d’autant plus réussi qu’il est mené de main de maitre par le génial Costa Gavras, qui joue à merveille de ce scénario jamais linéaire et bourré de flash-back. On retiendra également la bouleversante et magistrale interprétation de Jack Lemmon (qui trouve ici un de ses meilleures rôles), et à un degré moindre de Sissy Spacek. Costa Gavras réalise là un très grand film, véritable réveil des consciences face à la barbarie et à la tyrannie. Forcément essentiel, ce doigt d’honneur lancé à l’intention du pouvoir américain fait partie de ces films qui vous hantent encore longtemps après les avoir vu.

  



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B
Un très grand film, qui vu et revu laisse une nuit blanche hantée de cauchemards. Réalisation et interprétation génialissime. Il représente toutes les angoisses et toutes les souffrances au travers de ce monde incertain. Dictatures brunes, rouges, vertes, mettant nos sociétès et nos démocraties en perpétuel danger. Le pire, c'est quand elles viennent d'un pays censée être la plus grande démocratie du monde.
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!