Missing - Porté Disparu
« Tout cela ne serait pas arrivé sil était resté chez nous. Mais je te jure que je le retrouverai »
Charles et Beth vivent en parfaite harmonie avec les habitants d'un quartier populaire de Santiago du Chili. Le 11 septembre 1973 éclate le coup d'Etat du général Pinochet. Charles, qui séjourne en province avec une amie, découvre la présence surprenante de conseillers américains sur le sol chilien. A son retour, il découvre le chaos dans le capitale, soumise au massacre et au couvre-feu. Eludant les injonctions de Beth qui le supplie de se précipiter à rentrer aux Etats-Unis avec elle, ce dernier est très marqué par les évènements. Acceptant finalement de quitter le pays avec son épouse, il lui donne rendez-vous le soir, le temps pour lui de régler quelques affaires. Malheureusement, au retour de Beth, Charles à disparu, volatilisé sans laissé de traces. Et depuis ce jour, nul ne l'a revu. Son père, un américain conservateur, imprégné des vertus de son pays, part à sa recherche.
« On ne voit bien quavec le cur. Lessentiel est invisible pour les yeux »
Cinéaste engagé, Costa Gavras aura été de tous les combats contre les totalitarismes. « Missing », son premier film américain, était pour lui loccasion de revenir sur le coup détat du Général Pinochet qui pris par les armes, avec le soutient total du gouvernement américain, le pouvoir au Chili en 1973. Projet sujet à controverses et à polémiques à lépoque, le film est tourné dans le plus secret au Mexique, à Mexico et à Acapulco. Inspiré dune histoire vraie, Costa Gavras a travaillé en étroite collaboration avec les véritables Ed et Joyce Horman. Lors de sa sortie, le véritable officier américain représenté sous les traits de Ray Tower a attaqué en justice la société Universal et le réalisateur pour diffamation, réclamant 150.000.000 de dollars. Somme quil ne touchera jamais puisque le procès sest clôt sur un non-lieu. Pour la petite histoire, si les autorités chiliennes ont bien rendu un corps à la famille Horman, des tests ADN ont prouvé quil ne sagissait pas de celui de Charles Horman, renforçant le mystère autour de la disparition de celui-ci. Présenté lors du Festival de Cannes 1982, le film remportera la Palme dOr, ainsi que le Prix dinterprétation masculin qui sera décerné à Jack Lemmon.
« Vous, les américains, vous croyez toujours quil faut avoir fait quelque chose pour être arrêté »
Tout au long de sa carrière, Costa Gavras sest érigé en ardant défenseur des libertés et des valeurs démocratiques, réalisant des films chocs, dénonçant les fascismes et les totalitarismes de tous bords. On se souvient notamment du génial « Z », qui dénonçait le coup détat des Colonels en Grèce, les méthodes fascistes des soviétiques dans « Laveu », ou encore limplication des USA dans linstallation de régimes fascistes en Amérique du Sud dans « Etat de siège ». Il était donc logique et légitime de le voir traiter du coup détat fasciste le plus médiatique des années 70 à savoir le putsch de Pinochet. Neuf ans après un certain 11 septembre (tiens
déjà
) 1973 où la junte militaire chilienne assassinait la seule démocratie du continent sud-américain, Costa Gavras sattaquait donc à ce sujet brûlant et dautant plus polémique quil sagissait de son premier film américain. Et comme à son habitude, le cinéaste sest emparé du sujet à bras le corps pour réaliser un film sans concessions. Mêlant intelligemment petite (la disparition dun homme parmi tant dautres) et grande histoire (les dessous politiques de laffaire, limplication totale de ladministration américaine), le réalisateur retranscrit parfaitement cette atmosphère oppressante et horrifiante faite de fusillades à chaque coin de rue, de violences et de massacres gratuits, de cadavres, de miliciens, dinterrogatoires incertains et dexécutions sommaires.
« Se sentir coupable cest comme avoir peur : ça doit servir à survivre, pas à se détruire »
A ce titre, quelques scènes chocs, telles celle de la morgue débordante de corps ou celle du stade sont particulièrement flippantes. Mais la grande qualité du film, cest avant tout de savoir confronter lAmérique à ses propres hypocrisies pour mieux dénoncer ses fautes, ses crimes, et son implication dans ce putsch. Et là encore Costa Gavras part du particulier pour aller au général en confrontant ce quinquagénaire conservateur dont la foi inébranlable dans les valeurs de son pays sera peu à peu ébranlée et détruite en même temps quil se confrontera à cette effrayante machine à broyer que représente la nébuleuse machine administrative américaine, où tout le monde sait tout mais personne ne dit rien, baladant ce pauvre homme de mensonges en mensonges, sans scrupules et sans humanité. Un manque total de compassion qui se traduit à la fin par un abominable sermon de lofficier de lambassade américaine (qui dit en gros au héros que son fils a mérité ce quil a eu) suivi de la délicate attention de lambassade qui donne au père la facture des frais de rapatriement du corps, passages qui font froid dans le dos. Le film est dautant plus réussi quil est mené de main de maitre par le génial Costa Gavras, qui joue à merveille de ce scénario jamais linéaire et bourré de flash-back. On retiendra également la bouleversante et magistrale interprétation de Jack Lemmon (qui trouve ici un de ses meilleures rôles), et à un degré moindre de Sissy Spacek. Costa Gavras réalise là un très grand film, véritable réveil des consciences face à la barbarie et à la tyrannie. Forcément essentiel, ce doigt dhonneur lancé à lintention du pouvoir américain fait partie de ces films qui vous hantent encore longtemps après les avoir vu.
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