Pale Rider, le cavalier solitaire
« Il y a très peu de problèmes quon ne puisse résoudre avec un peu de sueur et dhuile de coude »
Californie. Quelque part, dans une bourgade perdue dans le désert, une petite communauté de chercheurs dor est constamment harcelée par la bande de Coy LaHood, le riche magnat de la région, qui tente en vain de les faire partir afin de récupérer lexploitation de leurs parcelles, les dernières quil ne possède pas dans cette région minière. Alors que ces derniers semblent résigner à fuir suite à la dernière et violente intrusion des hommes de LaHood, un mystérieux cavalier solitaire surgi de nulle part prend la défense de lun des chercheurs dor alors que ce dernier se fait tabasser en ville. Afin de le remercier, ce dernier lui offre son hospitalité. Très vite, lénigmatique cavalier va se prendre de sympathie pour la petite communauté et décide de rester pour les aider
« Sacramento est un paradis : ils ont deux politiciens par immigré chinois et deux putes par politicien. Sils avaient de lor jy habiterais ! »
Même sil ne sagit officiellement pas dun remake, ce « Pale rider » - réalisé en 1985 par Clint Eastwood est bel et bien une relecture dépoussiérée de « Lhomme des vallées perdues », vieux classique du western réalisé par Stevens en 1953. Eastwood ne sen est dailleurs jamais caché. Considéré comme un chef duvre du genre, loriginal souffrait néanmoins des affres du temps, ainsi que dun scénario dont la morale facile semblait surannée. Lenjeu de cette relecture et de cette réactualisation était donc de taille, mais qui mieux que le grand Clint, lune des plus grandes légendes du genre du western (« Le bon, la brute et le truand », « Impitoyable », « Lhommes des hautes plaines », « Pendez-les haut et court », « Josey Wales »), aurait pu mieux relever et réussir si brillamment un tel pari ? Car autant le dire tout de suite, il y arrive haut la main ! Tout dabord, en modernisant intelligemment son propos. Ainsi, les rugueux chercheurs dor remplacent les trop lisses paysans, et la cruauté des bandits (avec une surenchère bienvenue dans leurs exactions) en sort largement renforcée. Quant au personnage central celui de laventurier infaillible qui a roulé sa bosse mais dont on ne sait rien il prend ici une toute autre dimension. Apparaissant sur les prières dune adolescente qui souffre des violences perpétrées contre sa communauté et qui souhaite trouver un protecteur, le personnage dEastwood prend dentrée des allures mystiques. Sans nom, sans passé, peu bavard : son personnage demeure des plus énigmatiques, tel lange revenu des enfers et de la mort, comme le prouvent les cicatrices de balles sur son dos. Sa relation avec la communauté gagne en substance et en intérêt, notamment avec la relation quil entretien avec ladolescente (qui remplace l'insupportable gamin de l'original) et sa mère, toutes deux éprises de lui bien que cette dernière soit déjà engagée auprès de lami dEastwood. De même, le final gagne en spectaculaire et en violence. Là aussi, ce nest plus un tueur à gages cynique et glacial à qui le héros aura à faire, mais à un shérif énigmatique et corrompu, affublé de ses six adjoints, qui font penser aux cavaliers de lApocalypse.
« Si nous vendons nos terres aujourdhui, à quel prix estimerons-nous notre dignité demain ? »
Western assez lent et symbolique, « Pale Rider » est bourré de références, tant aux westerns classiques quaux films de Sergio Leone, auxquels Eastwood rend hommage (lhabit du shérif et de ses hommes est identique à celui de Franck dans « Il était une fois dans louest »). Stylé, racé, et dune incroyable sobriété, « Pale Rider » nous montre encore létendu du talent de réalisateur dEastwood. Celui ne néglige pas non plus lesthétisme de son film, comme le prouvent la formidable photographie granuleuse ainsi que la musique. Côté interprétation, Clint Eastwood crève une nouvelle fois lécran. A limage de sa réalisation dépouillé, il interprète un personnage assez austère, parfaite antithèse de son personnage de Blondin dans « Le bon, la brute et le truand », pour lequel son charisme naturel fait merveille. Face à lui, on retiendra les performances très justes de Michael Moriarty, de Carrie Snodgress, et de Sydney Penny. Tout juste regrettera-t-on que le méchant du film nai pas le charisme et le magnétisme que pouvait avoir Jack Palance dans la version originale. Pour autant, cest bien la seule chose quon regrettera du film de 1953, tant la version dépoussiérée dEastwood est au final plus aboutie. Ce qui est certainement lapanage des grands. Un excellent western, peut-être lun des derniers westerns classiques de qualité en date.
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