Paranoiak
« Je ne suis pas un voyeur. Cest juste un effet secondaire de lennui »
Etats-Unis, quelque part dans une banlieue résidentielle huppée et calme. Kale, 17 ans, se remet mal du décès accidentel de son père auquel il a assisté et se referme de plus en plus. Suite à un énième coup de sang et de violence pendant lequel il a frappé un prof, Kyle est condamné par la justice à passer lété en résidence surveillée chez lui, avec un bracelet électronique à la cheville, lobligeant à rester dans le petit périmètre de sa maison et de son jardin. Lennui couve dautant plus que ses rares amis sont libres de leurs mouvements et que sa mère a décidé de lui couper une partie de ses loisirs afin de le responsabiliser. Kyle se découvre alors, par la force des choses, une passion de voyeur, en espionnant tous ses voisins. Tout va bien lorsquil sagit de la nouvelle bombe du quartier, la fille des nouveaux voisins qui aime bien se faire mater. Mais il nen va pas de même concernant le mystérieux M. Turner, lui aussi nouveau dans le quartier, qui semble mener une vie dissolue, et qui correspond surtout au portrait robot dun tueur en série édité par une revue qui donne dans le sensationnel
« - Il peut nous voir ?
- Non. Mais il sent quon lobserve »
Produit par Steven Spielberg, ce « Paranoiak » sentait la thriller teen movie calibrée pour être le succès pour adolescents de lété. Avec un buzz qui ressemblait à sy méprendre à un remake plus moderne du « Fenêtre sur cour » de Hitchcock (1955), et une bande-annonce rappelant lambiance en moins gore des navets du genre « Scream » (Craven 1997), « Souviens-toi lété dernier » (Gillespie 1998) ou encore « Le projet Blair Witch » (Myrick et Sanchez 1999), le film était attendu comme étant une des grosses machines de lété. Le nom du réalisateur nétait pas non plus pour rassurer quant à la qualité du film, D.J. Caruso sétant jusquici illustré en réalisant des films de secondes zones comme « Taking lives » (2004), et « Two for the money » (2006). Le pari semblait ainsi assez suicidaire tant loriginal était à priori parfait et porté par des acteurs de légende (James Stewart et Grace Kelly), cette resucée pour adolescents boutonneux ne devait pas pouvoir tenir la comparaison. Au-delà de ça, on pouvait même largement se demander quel était lintérêt artistique de faire un remake dun tel film, si ce nétait pour engranger au passage quelques millions de dollars.
« Tous ces petits pavillons bien tranquilles, ils doivent en cacher des trucs tordus. »
Au premier abord, on serait plutôt assez agréablement surpris par ce « Paranoiak ». Il faut dire que la première demie-heure est menée tambour battant, avec des scènes visuellement et émotionnellement fortes, telles que laccident de voiture du héros et de son père, ou encore lagression contre son professeur, geste désespéré synonyme de mal être et dété en résidence surveillée. Contre toute attente, cette première demie-heure définit ainsi un cadre général assez sombre et un héros au caractère faussement rebelle et vraiment blessé. Dautant quen filigrane, on peut y apercevoir un très juste portrait dune certaine jeunesse américaine, blasée et enfermée dans un ennui lattent. Mais au fur et à mesure que les minutes ségrènent, le film semble échapper de plus en plus à la belle maîtrise affichée au début par Caruso pour sombrer dans la teen movie pure et dans le grand nimporte quoi. Que ce soit larrivée de la traditionnelle et inutile bimbo incontournable dans ce genre de film, ou les effets de suspense téléphonés et éventés (Turner qui débarque dans la voiture de la fille qui le suit, ou encore le coup de Ronnie, meilleur ami du héros qui fouille en temps limité dans la voiture de Turner avant de disparaître de nuit dans sa maison scène qui semble dailleurs tout droit pompée de « Blair Witch »), le film se perd tout seul en chemin, oubliant la belle énergie et lécriture efficace du début, jusquà un final archi prévisible et grotesque, dans lequel Caruso ne peut sempêcher de jouer la surenchère de décors et de cadavres entreposés dans sa cave.
« Personne me croit mais moi je sais ce que jai vu »
Malgré une deuxième partie qui se perd dans dimprobables et regrettables errements, le film se suit néanmoins sans déplaisir et parfois avec quelques crispations dues à quelques scènes efficaces. De plus, au-delà de laspect décomplexé et cool du film et de sa mise en scène, il faut saluer la très bonne interprétation générale, qui contribue certainement à relever le niveau général du film. Ainsi, on est assez vite bluffé par le jeu de Shia LaBoeuf, quon avait déjà découvert dans « Transformers » et quon retrouvera dans lultime volet des aventures d « Indiana Jones ». Son jeu, ultra instinctif, lui permet de sapproprier parfaitement et naturellement son personnage. Doté de plus dun physique assez passe partout, son personnage y gagne une certaine authenticité rare dans les productions de ce genre où les héros possèdent toujours des physiques hors normes. A ses côtés, ses deux jeunes partenaires, Sarah Roemer et Aaron Yoo en font un peu des tonnes, et cest du côté des seconds rôles plus matures quon trouvera des bonnes surprises, notamment dans les interprétations inspirées de Carrie-Ann Moss et du flippant David Morse.
« Tu regardes beaucoup par la fenêtre pour voir le monde. Pour comprendre le monde. »
Au final, ce « Paranoiak » est un film décomplexé qui se suit sans déplaisir. Très calibré pour adolescents, ce film jouit néanmoins dune bonne première partie qui impose un bon rythme et quelques scènes assez fortes. Dommage que le film parte en roue libre sur la fin, plongeant la tête la première dans les pièges inhérents à la teen movie quelle avait su étonnement évité jusque là. Sans être un grand film, « Paranoiak » reste néanmoins une plutôt agréable surprise et un film assez fréquentable bien que prévisible et quelque peu moraliste.
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