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17 Aug

Le pont de la rivière Kwaï

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films de guerre

« Les chances de réussir une évasion sont faibles . Mais celles de survivre au camp le sont encore plus. Renoncer à l’idée de s’évader, c’est comme se résigner à attendre la mort »

En 1943, un régiment anglais interné dans un camp de prisonniers en Birmanie est affecté a la construction d'un pont stratégique en pleine jungle. Après s'être opposé à ce projet, le colonel cède aux exigences japonaises, au point de se prendre pleinement au jeu. Il ignore que de l’autre côté du front, les britanniques préparent une opération commando afin de dynamiter ce pont avant que celui-ci ne permette d’acheminer les troupes nipponnes vers les Indes…

« Vous avez été vaincus mais vous n'avez pas de honte. Vous êtes têtus mais vous n'avez pas de fierté. Vous êtes durs mais vous n'avez pas de courage »

.

A la base de ce récit, un événement véridique : la construction d’un pont sur ladite Rivière Kwai, en Thaïlande, par les japonais et surtout par leurs prisonniers. Un pont de chemin de fer stratégique entre la Birmanie et la péninsule du Siam, qui sera bombardé (et détruit) par les alliés en 1943. Un fait militaire qui servira de base au romancier français Pierre Boule (qui verra également un autre de ses romans adapté à Hollywood : « La planète des singes »), qui en tirera un roman fictif, « Le pont de la rivière Kwai », publié en 1952 (Prix Sainte-Beuve la même année). Un roman pour lequel l’auteur confiera avoir crée le personnage du Colonel Nicholson d’après des mémoires d’officiers français d’Indochine. Fort de son succès, le livre sera donc adapté sur grand écran par le grand David Lean. Fort d’avoir réalisé une dizaine de films en près de seize ans, le réalisateur signe ici sa première grande fresque et son premier grand succès commercial (il réalisera dans les années qui suivent « Lawrence d’Arabie » et « Docteur Jivago »). Nommé 8 fois aux Oscars de 1958, le film repart grand vainqueur de la cérémonie avec 7 statuettes, dont celles de meilleur réalisateur, meilleur film, et surtout meilleur acteur pour Alec Guinness, qui coiffe sur le poteau le jeune Paul Newman, pourtant très remarqué dans « La chatte sur un toit brûlant ».

« Un jour, la guerre sera finie et les générations futures qui passeront par ce pont se souviendront de ceux qui l’ont bâti. Ils se souviendront qu’il n’aura pas été bâti par des esclaves mais pas des soldats britanniques »

Classique parmi les classiques des films sur la seconde guerre mondiale produit par le grand Hollywood, « Le pont de la rivière Kwai » s’avère être un film beaucoup plus fin et complexe que la plupart des autres. Ne se contentant pas de relater un épisode héroïque ou de glorifier tel fait d’armes, le film de Lean s’intéresse au contraire à un aspect plus psychologique, plus morale du conflit et des décisions des officiers. Car la construction du pont, si elle a son importance stratégique, ne sert qu’à mettre en exergue la confrontation entre les deux colonels japonais et anglais. Le premier, prêt à tout pour réussir sa mission et préserver son honneur, bafoue allégrement les codes et conventions internationales sur le droit des prisonniers. Face à lui, le colonel anglais, à l’ancienne, refuse de se plier à la barbarie. Deux personnages inflexibles qui ne se comprennent pas et se méprisent. Jusqu’à ce que leur guerre psychologique ne prenne un autre tournant, lorsque l’officier anglais décide de prendre en main lui-même la construction du pont, afin de remobiliser ses hommes et surtout d’infliger un revers psychologique aux japonais, le montrant la supériorité du savoir-faire des anglais. Mais ce dernier se laisse prendre à son propre piège, devenant prisonnier des mêmes objectifs que ceux de ses geôliers. Au point de le voir prendre parti pour les japonais et mettre en péril l’opération menée par le commando allié pour détruire le pont. Avec ce personnage et son revirement total, le réalisateur pose clairement des questions d’ordre morale sur les limites de l’honneur, du devoir et de l’obéissance. Il s’interroge également sur les frontières entre obligation et collaboration (les prisonniers n’ont pas le choix que de travailler à la construction du pont pour sauver leur peau, mais doivent-ils pour autant réaliser un pont « solide » ou au contraire saboter ou faire trainer le chantier ?). Par ce procédé et ces interrogations légitimes, Lean se livre à un édifiant et brillant réquisitoire contre l’absurdité de la guerre, qui voit des officiers faire passer l’honneur devant la stratégie (pour Nicholson la réussite de l’édifice est plus importante pour la gloire de ses hommes et de son pays que l’enjeu stratégique même), ou des états-majors qui n’hésitent pas à envoyer en mission suicide des hommes ayant encouru les pires risques pour s’évader et sauver leur peau. Et dans une époque où les productions du genre faisaient ouvertement l’apologie de l’héroïsme et du sacrifice des soldats américains, le film de Lean, totalement à contre-courant morale, fait office de véritable tour de force.

« Vous êtes exactement aussi fou que le Colonel Nicholson, avec votre héroïsme et votre honneur : savoir mourir dans les règles quand la seule chose qui importe, c’est de savoir vivre comme un être humain »

Pour autant, « Le pont de la rivière Kwaï » n’est pas exempt de tout reproche. A commencer par sa longueur. Car si Lean se révèlera être un adepte de la grande fresque romanesque de plus de deux heures trente, l’exercice trouve quand même ici ses limites, avec notamment un réel manque de dynamisme (très peu d’actions dans la première heure, centrée sur la partie de bluff psychologique entre les deux officiers) et un certain nombre de plans trop contemplatifs (l’interminable traversée de la jungle), qui pénalisent logiquement le rythme du film. Dommage car le réalisateur a indéniablement un sens aigu de la mise en scène et du cadrage. Visuellement, le film est ainsi superbe, le Technicolor amplifiant le côté très exotique des sublimes décors. La musique est également prépondérante, le morceau sifflé par les troupes de Sa Majesté étant devenu depuis un classique, qui aura donné lieu à la scène culte de l’arrivée des soldats anglais dans le camp de travail japonais. Reste l’interprétation impeccable des acteurs, en premier lieu celle d’Alec Guinness. Avec un flegme on ne peut plus british, ce dernier se donne corps et âme à son personnage à l’attitude des plus ambigües. Face à lui, on retrouve le très charismatique William Holden, qui, bien qu’héritant un peu du même rôle que dans « Stalag 17 », se montre également irréprochable. Les seconds rôles sont tout aussi impeccables, à commencer par Jack Hawkins, et surtout au japonais Sessue Hayakama, qui obtiendra une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle. Définitivement, Lean signe avec « Le pont de la rivière Kwai » une grande fresque romanesque qui brocarde clairement l’absurdité de la guerre, tout en élevant la valeur de la vie par rapport à celle de la mort et du sacrifice inutile. Si on pourra toujours lui reprocher quelques longueurs, « Le pont de la rivière Kwaï » n’en reste pas moins un très grand film.

  



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P
Le pont de la rivière Kwai est un film cultissime et magnifique. A voir et à revoir
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B
Il est incontestable que ce film à profodément marqué tout ceux qui l'ont vu et revu, car malgrés sa longueur, on le revoit toujours avec plaisir. Film cultissime.
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