Le premier cri
« Quand elle met la tête sous leau, elle retrouve le souvenir du ftus dans le liquide amyotique. Elle retrouve les angoisses qui y sont liées pour mieux sen débarrasser »
Le miracle et les mystères de lenfantement. Le premier cri à la vie que lon pousse à la naissance, cycle ininterrompu du renouvellement de lHumanité. Malgré les différences du milieu géographique, du milieu culturel et économique, la naissance reste lacte naturel et universel par excellence. Durant 24 heures, alors quune éclipse du soleil se dessine aux quatre coins du monde, une dizaine de femmes, toutes de continents, de cultures, et de milieux différents, nous font partager lintimité de leurs dernières heures de grossesse et de leur accouchement.
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« On milite pour un monde plus juste. Et mapproprier la naissance de mon enfant va dans ce sens, celui de me sentir une femme libre »
Bien que formée à lécole du documentaire, Gilles le Maistre sétait jusquici surtout fait connaître dans le cinéma de fiction. En tant que scénariste et réalisateur, tout dabord, puisquil a signé deux précédents longs, « Killer Kid » (1994) et « Féroce » (2002) avec Samy Naceri, et en tant que producteur ensuite, Le Maistre étant « coupable » de « Bouge ! » (1997). Avec « Le premier cri », il soffre donc un retour aux sources (cest le cas de le dire !), retrouvant sa passion pour le travail de documentaire. Un projet qui semble vouloir surfer sur la vague des documentaires naturalistes qui se sont multipliés ces dernières années sur nos écrans (on se souvient ainsi des plus ou moins récents « Un jour sur Terre » de Linfield et Fothergill, « Le peuple migrateur » de Perrin, Cluzaud et Debats, « La planète blanche » de Piantanida et Dagobert, « Génésis » de Nuridsany et Pérénnou ou encore « Microcosmos » du même tandem). Pour information, Le Maistre a déclaré récemment vouloir donner une suite à ce film, un documentaire sur la mort qui viendrait lui faire écho et qui sintitulerait « Le dernier souffle ».
« La sage femme me dit que les femmes arrivent chez elle en pleurant et quelles en sortent en souriant »
Projet personnel et audacieux, sujets « naturalistes » traités avec une fausse neutralité, messages parfois insidieux cachés en filigrane, le tout illustré par des belles images de carte postale et souvent un manque de dynamisme soporifique, il est toujours très difficile de critiquer ce genre de film documentaire. Dautant que « Le premier cri » cumule un peu tous les éléments énumérés ci-dessus. A la base, le projet de Le Maistre pouvait sembler intéressant et original. En effet, le fait de filmer cet instant universel et si intime de la naissance, en observant aux quatre coins du monde les relations des femmes en particulier et des peuples en général face à cet événement, devait servir à dresser une carte postale sociale dun monde dont la globalisation et luniformisation est à la fois très avancé, et en même temps où les divisions sont plus que jamais nombreuses et marquées (sur des plans aussi divers que la langue, léconomie, la politique, la culture, la religion, etc
). Le réalisateur réussit dailleurs une démonstration efficace à défaut dêtre révolutionnaire, montrant à la fois luniversalité de ce moment tout en soulignant les grandes différences et injustices entre les pays riches où laccouchement se fait avec une assistance médicale moderne, et les pays pauvres ou les sociétés plus reculées, qui font à défaut avec des moyens plus traditionnels et risqués. La deuxième réflexion de Le Maistre sur la volonté de certaines femmes occidentales de revenir à des moyens plus traditionnels daccoucher pour préserver le naturel de cet instant quand dautres femmes issus de pays pauvres vivent des accouchements plus douloureux, risqués et dramatiques faute de choix, semble à la fois pertinente mais aussi plus douteuse. La faute à un choix dexemples souvent peu probants et ridicules. Ainsi, de Vanessa la Québécoise, qui accouche dans une piscine gonflable avec son compagnon tout nu également pendant que toute sa communauté regarde le spectacle, et qui sobstine à refuser toute aide médicale alors quelle est un temps en danger, aux deux mexicaines nanties qui accouchent en piscine avec les dauphins, alors quune grosse partie de la population de ce pays reste pauvre, on reste sceptique devant ce qui sapparente à une certain malhonnêteté journalistique, ces femmes-là ne représentant pas, et loin sen faut, les femmes de leur pays. De plus, derrière une volonté affichée d'objectivité, on ne peut s'empêcher de voir une tendresse particulière de l'auteur pour tous les accouchements traditionnels, plus proches des femmes et de la nature, que pour ceux médicalisés. Dommage, car c'est oublié que les taux de mortalité, tant des femmes que des enfants, ont été énormément baissé grâce aux progrès de la médecine, et que certaines femmes du reportage, telle la femme des bidonvilles indiens, aimeraient beaucoup pouvoir avoir accès à l'hôpital pour son accouchement.
« Laccouchement est un levé de soleil, on ne peut ni le bloquer, ni laccélérer »
De même, sur la forme, lidée de ce fil rouge scénaristique, matérialisé par une éclipse solaire qui fait progressivement le tour du monde, pour rappeler que malgré toutes nos différences, nous faisons tous partie dun même ensemble, semble tenir de la facilité et de lacadémisme le plus détestable. Reste alors de très belles images, du Kenya, du Niger, ou encore dAmazonie. Mais comme dans la plupart des films de ce genre, le manque de dynamisme du montage, la musique « world » ou « ethnique », et la monotonie des commentaires pousse davantage à lennui et à la sieste quautre chose. Dommage, car certaines scènes sont émouvantes et tristes (laccouchement de la femme Touareg, celui de la femme Indienne), et certains rappels des disparités mondiales semblent bienvenues. Un ensemble mitigé donc pour un film qui lest tout autant et qui ne semble jamais totalement abouti ni probant. Les fans du genre apprécieront certainement, les autres pourront sans regrets sen passer.
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