Un secret
« Jai longtemps été un petit garçon qui se rêvait une famille idéale »
Paris, années 50. François, petit garçon taciturne, fragile et solitaire, qui doit faire face au mutisme de ses parents concernant leur passé, sest inventé un frère qui le domine ainsi que le passé et la rencontre de ses parents. Le jour de ses 15 ans, suite à une bagarre à lécole quil a provoqué à la suite des moqueries dun camarade relatives à la Shoah, Louise, lamie fidèle de la famille, décide de rompre le secret et de lui dire toute la vérité sur le passé de sa famille. Un secret bouleversant, dans lequel des morts ressurgissent du passé, victime du nazisme, et dont on refuse de parler pour ne pas rouvrir des plaies qui nont jamais cicatrisées
« Le premier regard sur moi de mon père a laissé sa trace. Jy ai depuis retrouvé souvent ce même éclat damertume. Il dira plus tard à propos de ma conception que " Cet enfant lui a échappé " »
Cela faisait quatre années, depuis sa « Petite lili » (2003), quon avait pas eu de nouvelles de Claude Miller. Le réalisateur des légendaires « La meilleure façon de marcher » (1976) et « Garde à vue » (1981), sétait fait quelque peu discret ces dernières années avec seulement trois films au compteur, ce nouveau « Un secret » inclus, depuis le début des années 2000. Annoncé à grands renforts de publicités et dinterviews dans les médias depuis quelques semaines, « Un secret » est ladaptation du best-seller autobiographique de Philippe Grimbert, traitant du sujet sensible de la Shoah et de la difficulté à vivre avec pour ceux qui y ont laissé des proches. Un sujet particulièrement sensible pour Miller, dont une partie de la famille a également été décimée, victime de la barbarie nazie. Paru en 2004, le livre avait été plébiscité par un énorme succès public et critique, recevant entre autre le Prix Goncourt des lycéens.
« Je ne mimaginerais plus jamais être le premier, le seul, lunique »
Pour être honnête, je navais déjà pas énormément accroché au livre de Philippe Grimbert. Certes, javais été ému par lhistoire, dautant plus quil sagit dune histoire vraie et ô combien terrible, mais son style trop romancé (veuillez mexcuser pour la comparaison qui paraîtra forcément déplacée, mais il y un côté trop « Marc Lévy » dans cette façon de raconter cette histoire de frère imaginaire qui disparaît le jour où lexistence du vrai frère apparaît au grand jour) mavait saintement gonflé. La grosse difficulté de transposition du roman sur grand écran semblait être dordre temporel puisque le roman de Grimbert mêlait habilement plusieurs époque et plusieurs temps : le temps présent dans lequel le héros est adulte, son enfance, son adolescence, la rencontre imaginaire de ses parents, et la réalité de leur passé. Si la tâche sannonçait difficile, on doit reconnaître à Claude Miller quil gère plutôt bien cette donnée par un système de flash-backs plutôt convaincants. On lui reconnaîtra également davoir réussit une adaptation du roman assez fidèle, où de rares détails divergent (la suppression à lécran dun oncle et dune tante secondaire, lapparition inutile dune jeune fille de lâge du héros, Rébecca). En cela, sur le fond, le film est quasiment conforme au livre, et libre à chacun dy adhérer ou non. A titre personnel, je trouve quand même que le livre était un peu plus émouvant, certaines scènes du film manquant quand même un petit peu de chair (comme la scène de larrestation).
« - Et Hannah, tu y penses ?
- Tout le temps. Et jessaie aussi de ne pas la juger »
Les réelles reproches quon peut faire au film de Miller résident dans sa forme. Et on ne pourra que soffusquer devant la laideur visuelle indigne dun film de ce niveau et de ce budget. Avec ses couleurs un peu criardes, ses décors et ses costumes un peu cheap, le dernier Miller ressemble davantage à un téléfilm de France 3 quà un vrai film de cinéma. Cette sensation est dautant plus renforcée que ce « Secret » connaît de réels problèmes de rythme, la faute à des scènes quil nétait probablement pas nécessaire de transposer à lécran, comme par exemple cette fin dans le cimetière canin du château abandonné qui a de limportance dans le livre, et qui, explicative et didactique comme elle lest, na pas du tout sa place dans le film. Un peu cheap aussi sont les maquillages des personnages censés les vieillir dune époque à une autre. Bas joues et doubles mentons pour les uns, rides appuyées pour les autres, Patrick Bruel et Julie Depardieu ressemblent en vieillissant davantage au Père Fouras quà autre chose. Navrant. Côté mise en scène pure, Miller assure lessentiel sans faire ni de zèle ni dinnovation. Lidée de rendre le passé par un visuel coloré et le présent en noir et blanc tient plus de la mauvaise idée fumiste et démagogique que du génie de linnovation. Ceux qui auront lu le livre pourront comme moi sétonner du casting. Patrick Bruel se retrouve dans un rôle principal pas franchement taillé sur mesure. Il semble ici tout droit sorti d'un clip pour son album "Entre deux". Il sen sort assez honorablement, avec en bémol, les scènes où il est un vieillard où il est à côté de la plaque. La vraie erreur du casting, cest le choix de Cécile de France, qui ne correspond en rien (mis à part en terme de taille et de carrure athlétique) au portrait de Tania dans le bouquin original. Dailleurs, elle ne semble jamais rentrer réellement dans son personnage, et est la grosse déception du film. Derrière les seconds rôles assurent, avec en tête Julie Depardieu, qui nous livre une nouvelle fois une grosse prestation, tout comme la toujours sensible Ludivine Sagnier, qui a semble-t-il compris toute la dimension dramatique et complexe de son rôle. A noter la courte apparition de Philippe Grimbert dans le rôle du passeur.
« On ne parlerait plus de la guerre, on ne prononcerait plus les noms des disparus, et on changerait deux lettres de notre nom »
Bilan assez mitigé au final pour « Un secret », le nouveau Claude Miller. Son film, adaptation du roman à succès de Philippe Grimbert, pêche un peu par manque de chair et démotion, et beaucoup par une mise en scène un peu cheap et une interprétation inégale. Comme dans le livre, le parti pris du film de Miller est démouvoir coûte que coûte et à nimporte quel prix. Du coup, il sombre par moment dans le pathos et une certaine forme de sensiblerie mal placée lorsquon traite dun sujet aussi grave. Dautant plus dommage que certains passages du livre comme du film navaient pas besoin dêtre aussi accentués ou soulignés pour avoir une forte charge émotionnelle. Claude Miller nous avait habitué à un peu mieux, on ne pourra quêtre un peu déçu de ce « Secret ».
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