Soyez sympas, rembobinez!
« Il serait temps que les gens sintéressent à lHistoire de leur quartier »
Passaic, une petite ville défavorisée et paumée du New Jersey. Propriétaire dun vidéoclub situé dans un immeuble ancien et vétuste du centre ville, M. Fletcher se voit obligé par la municipalité de faire durgence des travaux de rénovation, sous peine dêtre expulsé et de voir son immeuble rasé. Malheureusement pour lui les travaux savèrent onéreux, et son vieux vidéoclub de quartier, toujours à lheure de la VHS et fréquenté par quelques habitués, ne lui rapporte pas assez pour entreprendre un tel chantier. Le temps dun mystérieux voyage, il confie les clés de la boutique à son employé, Mike, un adolescent attardé faisant encore les 400 coups avec son vieux pote Jerry. Ce dernier, totalement irresponsable et immature, se retrouve totalement magnétisé à la suite dune expérience des plus improbables. Un état qui est à lorigine de leffacement involontaire de toutes les cassettes du vidéoclub. Afin de réparer leur bêtise et de continuer à satisfaire les demandes des clients, les deux compères décident alors de tourner eux-mêmes des remakes des films qui ont été effacés
« 20$ en une journée ! du jamais vu au vidéoclub « Be kind, rewind » ! »
Issu de la réalisation de clips (il a travaillé notamment pour Björk), qui lui aura valu une réputation internationale, Michel Gondry est reconnu comme étant lun des cinéastes les plus créatifs et anticonformistes du moment. Découvert avec « Human nature », son premier long sorti en 2001, cest avec le magnifique « Eternal sunshine of the spotless mind » (2004) quil accéde à la reconnaissance du public. Après un intermède français, « La science des rêves » (2006), il nous revient avec son cinquième long, « Soyez sympas, rembobinez ». Un titre faisant référence à un célèbre slogan des vidéoclubs américains, demandant aux clients de rembobiner les cassettes avant de les rendre. Pour ce projet un peu fou, visant à rendre hommage à la créativité et au cinéma, Gondry a voulu recréer une atmosphère volontairement authentique et populaire. Cest ce qui explique le choix du réalisateur de tourner son film en décors naturels dans la petite ville de Passaic, située à à peine 13 km de Manhattan, ainsi que le choix de sélectionner ces figurants parmi les véritables habitants de la ville. « Soyez sympas, rembobinez » a été présenté, hors compétition, en ouverture du Festival de Sundance 2008.
« - Cest de ma faute, je sais quil naime pas les remakes. Pour lui, ça na pas de valeurs.
- Ce ne sont pas de simples remakes. Ils sont bien plus créatifs. »
Projet totalement atypique et inclassable, « Soyez sympas, rembobinez » est avant tout une véritable ode à la créativité, à limagination (comme pouvait lêtre « La science des rêves »), et à la liberté, doublé dun hommage du réalisateur au cinéma, aux films qui lont marqué et/ou qui ont pu linciter à devenir lui-même réalisateur. Gondry commence dailleurs son film tambour battant, prenant des libertés jouissives tant dans son récit, dans sa réappropriation des films quil « remake », que dans sa mise en scène, et semblant prendre au passage un plaisir digne de lado qui transgresse les règles : des trentenaires se comportent ainsi comme des gosses, taguant publiquement les murs, se promenant avec des ustensiles de cuisine sur la tête, et traînant avec les gamins du quartier. Dès lors, les remakes, tous plus loufoques les uns que les autres, senchaînent devant la caméra avisée du réalisateur. Faits de bric et de broc, assumant totalement leur côté cheap pour mieux encourager à la création, Gondry et ses comédiens se font plaisir en sautorisant les pires âneries, réinventant au passage toute une écriture visuelle, en créant avec les moyens du bord toutes sortes d'effets spéciaux et visuels. Si on retiendra forcément lhumour et la folie des premiers remakes maison (« Ghostbusters » et « Rush Hour 2 »), lentreprise tourne hélas rapidement à vide, et lexercice savère bien vite répétitif et lassant. De même, si la critique de la société de consommation et du formatage des films (lindustrie cinématographique privilégiant la quantité sur la qualité) savère louable et convaincante, on regrettera que le film finisse par se perdre dans une dernière partie engluée de bons sentiments (solidarité autour de la défaite de M. Fletcher pour sauver son magasin, communion de la population de la ville qui se retrouve soudée par les tournages artisanaux auquel tout le monde participe et qui les rend « meilleurs »).
« Cest notre passé. Il nous appartient. On le change comme on veut ! »
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Cette relative déception quant au scénario est dautant plus regrettable que derrière, Gondry, comme à son habitude, nous propose une mise en scène une nouvelle fois inspirée, originale et efficace. Le tournage de ces remakes constituant pour lui le parfait exercice pour laisser libre court à sa propre créativité et à sa folie. Cadrage, mouvements de caméra, travail sur les musiques et les lumières : il ny a rien à jeter ou à corriger dans ce film sur la forme. On retrouve même avec beaucoup de joie des scènes visuellement très inspirées et imaginatives comme Gondry les aime (la scène de nuit où les costumes des personnages se fondent avec le grillage et léchelle, ou encore la reconstitution en carton pâte des voitures et du train du début du siècle). Le point faible se situe probablement dans la direction dacteurs. Si Mos Def brille par sa relative sobriété et sa justesse, cest étonnement Jack Black qui déçoit. En roue libre, rarement maîtrisé par le réalisateur, il se laisse aller à un numéro de cabotinage excessif, où son surplus de paroles et dénergie finit par avoir raison du spectateur. Dans les seconds rôles, on sera en revanche ravis de retrouver les trop rares et toujours excellents Danny Glover, Mia Farrow, et Sigourney Weaver. A voir, donc, pour son originalité, son petit grain de folie, et sa volonté de proposer un cinéma évoluant hors des sentiers battus. Néanmoins, ce « Soyez sympas, rembobinez » savère être un film assez inégal qui peine à convaincre totalement.
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