Steak
« Ça mintéresse pas, cest de lhumour ancien »
Après deux comédies franchement ratées (« La tour Montparnasse infernale » et « Double Zéro »), les ex ex ex nouveaux talents de lhumour reviennent au cinéma avec une troisième aventure qui devait laisser libre expression à leur humour. Pari ô combien risqué quand on connaît la difficulté de passer du format dun sketch de quelques minutes à un film de plus dune heure et demie. Les exemples de ratage sont nombreux même si le public est parfois au rendez-vous. On se souvient ainsi de films pas si drôles comme « Brice de Nice » (Dujardin), « La maison du bonheur » (Dany Boon), « la Beuze » (Mickael Youn), ou encore linénarrable et jespère proche de loubli « Le clone » (Elie et Dieudonné). En laissant les manettes de la réalisation à Quentin Dupieux, jeune touche à tout venu du clip (Mr. Oizo, lauteur du tube électronique « Flat beat », cétait lui. La petite marionnette faite à partir dun gant de toilette jaune qui était tantôt dans un clip tantôt à nous vendre des jeans, cétait lui aussi) et de lunivers de la musique électronique, on pouvait donc sattendre à quelque chose de très décalé et de très créatif. Même si on limaginait mal pour sa première réalisation sadapter à lunivers du duo Eric et Ramzy. Réaction à chaud.
« Elle avait des seins naturels, jai failli vomir »
Lhistoire :
2016, Quelque part en Amérique du nord. Georges, ancien souffre douleur du lycée, vit enturbanné dans un gros pansement. Il vient de se faire refaire le visage pour intégrer un groupe détudiants à la mode du moment, la bande des « Chivers ». Leurs signes de reconnaissance : des véhicules entre le pick-up et le 4x4, un Teddy rouge, un visage refait avec des pommettes hautes et saillantes, et une mâchoire bien carrée, et une fâcheuse habitude à boire du lait en permanence. Mais un beau jour, Blaise refait surface dans la vie de Georges. Ce dernier avait commis un crime en massacrant des lycéens qui se servaient de lui comme souffre douleur et le pauvre Blaise avait été accusé à sa place. Et Georges, désormais intégré à un groupe à la mode, ne veut plus entendre parler de Blaise
« Le dernier arrivé est fan de Phil Collins ! »
La première chose frappante dans « Steak », cest la juxtaposition de deux univers qui font deux films en un. Il y a tout dabord la forme, luvre de Dupieux, qui a su créer un univers universel et cohérent de campus américain se voulant futuriste, avec tout un code de la mode tenant du plus mauvais goût, et ressemblant furieusement aux années 50. Et puis de lautre côté il y a un fond décalé, une histoire délirante, servie par Eric et Ramzy. Ce mélange improbable recèle à la fois de nombreuses vraies bonnes idées et de nombreux défauts. Et le principal défaut du film est de ne ressembler à rien, pas même à un film. Embêtant, quand même !!!
Car si le scénario part dune vraie bonne idée, le jeu de lopération du visage étant une bonne idée comique à exploiter, il se perd vite dans un délire Eric-et-Ramzyesque, déjà vu plein de fois, entre les attitudes ridicules et décalées de Ramzy et les bredouillages de mots inventés dEric. Au milieu de cela, une poignée de personnages secondaires tentent dexister, mais le scénario, trop écrit pour mettre en valeur Eric et Ramzy, ne leur permet jamais de venir apporter ce petit plus si essentiel.
Et cest vraiment dommage car contrairement aux deux précédents de notre duo, la créativité de Dupieux aurait du permettre daboutir à quelque chose de très intéressant. On le sent, ce dernier sest démené pour créer un univers visuellement cohérent, avec des décors à la fois stéréotypés façon banlieue américaine et en même temps hors du temps, avec une photographie impeccable et une teinte chaude donnant un côté légèrement seventies à lensemble, et bien évidemment un soin particulier apporté à la musique, mêlant instruments folks nord-américains et musique électronique. Cette créativité débordante rend un résultat très convaincants, au point même de se demander si la forme du film ne prend pas le dessus ni nétouffe le fond. Fond, qui comme toujours reste mal exploité, partant de quelques bonnes idées générales et de quelques bonnes situations comiques originales pour finalement ne sintéresser quà Eric et Ramzy. Et cest probablement au niveau du scénario que le bas blesse et que le film devient bancal.
« On était comme frère et sur, Georges ! »
Si la réalisation est particulièrement soignée, on peut noter avec amusement que Dupieux a appeler ses copains en renfort pour le film, puisque la bande des « Chivers » est composé dans son ensemble par des artistes issus de la musique électronique et qui font pour la plupart leurs premiers pas devant la caméra. On reconnaîtra ainsi Sébastien Tellier ou Sebastian Akchote. Le reste des acteurs, à lexception de Jonathan Lambert (excessif), comique connu pour ses nombreux passages à la télévision (le petit candide de Jean-Pierre Coffe, cétait lui), ne font que des apparitions, et co-production oblige, sont québécois.
En conclusion, il semble que pour leur nouvelle aventure cinématographique Eric et Ramzy se soient fait plaisir, en laissant libre court à leurs idées quitte à les laisser tourner en roue libre. Et en soffrant les services dun des petits génies venus du clip, ils soffraient les moyens de donner un bel écrin à leur projet. Malheureusement, le film, sorte dovni tenant plus du film expérimental que de la comédie grand public est totalement déroutante. Les fous rires se font finalement assez rares et lhumour un peu répétitif malgré quelques bonnes idées ( la scène dEric quittant lhôpital psychiatrique ou sagrafant les joues restent quand même assez jouissives) pas assez bien exploitées. Cependant, le film a aussi des qualités, notamment pour ce qui est de donner une vision du future décalée, critiquant au passage limportance de lapparence et de la beauté dans nos sociétés, et un univers visuel cohérent de bout en bout. On saluera donc laudace du projet. A défaut dy adhérer réellement.
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