There will be blood
« Jai toutes les croyances : je nappartiens à aucune. »
Fin du 19ème siècle. Daniel Plainview mène la difficile existence de ceux qui ont succombé à la ruée vers lor noir. A la force de ses mains, et avec un peu de réussite et de chance, il finit par trouver un gisement, qui assure à la petite entreprise quil a crée de confortables bénéfices. Un jour, un jeune homme vient le trouver à son bureau, lui indiquant pour quelques poignées de dollar un gisement inexploité au beau milieu du désert californien. Partant avec son jeune fils, Daniel parvient à racheter aux particuliers tous les terrains de la région pour quelques bouchées de pain, tout en étant conscient de la véritable valeur de ces terres. Son pari savère particulièrement payant tant le gisement est colossal. Mais entre laccident que subit son fils sur le chantier, et linfluence grandissante sur les autochtones du jeune pasteur local aux ambitions personnelles énormes, le succès exacerbe chez Daniel sa mégalomanie, sa misanthropie, et sa paranoïa
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« Jai le goût de la compétitivité. Je ne veux voir personne dautre réussir. Je hais la plupart des gens. Je veux gagner assez dargent pour pouvoir me couper du monde. »
Considéré comme lun des petits prodiges de la jeune génération des cinéastes américains, la carrière de Paul Thomas Anderson est déjà riche de films unanimement reconnus, comme « Boogie nights » (1998), « Magnolia » (2000), et « Punch drunk love » (2003). Son cinquième long, « There will be blood », est une adaptation du roman « Pétrole ! » signé de lauteur Upton Sinclair et publié en 1927. Un projet de longue haleine pour PT Anderson qui aura passé cinq années à préparer cette grande fresque sur la ruée vers lor noir. Laccord très rapide du trop rare Daniel Day-Lewis aura permis aux scénaristes de finir et de peaufiner le scénario en adaptant au mieux le personnage de Daniel Plainview au comédien britannique. Le tournage a duré près de quatre mois, de mai à août 2006, principalement au Texas, dans la petite ville de Marfa, où avait déjà été tourné par le passé « Géant » (Stevens 1957). Pour la petite histoire, le grand rival de ce « There will be blood » pour les Oscars, à savoir le film des frères Coen « No country for old men », a été tourné dans la ville au même moment. La scène de lincendie du derrick, qui aura été à lorigine dun gros nuage de fumée, aura même contraint les frères Coen a suspendre le tournage de leur film pendant plus dune journée. « There will be blood » aura été récompensé par huit nominations aux Oscars 2008, repartant avec deux trophées : celui du meilleur acteur pour Daniel Day-Lewis (déjà lauréat pour « My left foot » en 1989), et celui de la meilleure photographie.
« La doctrine du salut universel est un mensonge : vous ne serez pas sauvé si vous rejetez le sang. »
Il y a quelque chose de « Citizen Kane » (Welles 1941) dans cette grande fresque, qui à travers le portrait et lascension dun homme au destin hors du commun, traite des principes fondamentaux de la société américaine, à savoir largent et la religion. Deux mondes intimement liés, qui ont besoin lun de lautre, synonymes de contrôle des foules et dont la finalité suprême est le pouvoir. Deux univers animés ici par des hommes à la fois très opposés, et en même temps pas si différents, puisque tous deux sont en quête de reconnaissance, poussés par leur mégalomanie, et par leur quête effrénée de pouvoir. Il est assez frappant de voir combien ce film, sur le fond, est assez proche par les thèmes quil aborde et par les valeurs quil critique, du film des frères Coen, « No country for old men », sorti sur les écrans approximativement en même temps. Cette grande fresque bénéficie également dun scénario dune rare qualité, à la fois passionnante par la reconstitution quelle propose dune époque pas si lointaine et déjà largement révolue où la vie était particulièrement rude, mais aussi par ces portraits psychologiques quelle dresse des personnages de Daniel et dEly. Dans cette mégalomanie et cette folie qui les habite, ils sopposent violemment dans la quête du pouvoir (les scènes humiliantes du tabassage dans la marre de pétrole puis celle de lexpiation des pêchés en public dans lEglise sont incroyablement fortes), avant de se retrouver réunis lors dun final hallucinant de violence et de folie. Les intrigues secondaires, comme les relations que Daniel entretien avec son fils, son frère, ou encore avec ce représentant dune grande compagnie voulant lui racheter ses puits, sont également passionnantes et déroutantes.
« Jai laissé le démon entrer en moi. Je vis dans le pêché »
Côté réalisation, PT Anderson nous livre un spectacle dune rare maîtrise, à limage dun premier quart dheure muet totalement hallucinant, dont les images sont particulièrement fortes et impressionnantes. Ses longs plans-séquences, dune langueur incroyable, rappellent à ce titre certains westerns, comme ceux de Sergio Leone. Dun classicisme redoutablement efficace, la mise en scène est particulièrement soignée, avec son lot de scène magistralement réussies et impressionnantes (comme lincendie du puit de pétrole), avec une mention particulière pour la superbe photographie de Robert Elswit. La bande musicale, signée par Johnny Greenwood (guitariste de Radiohead), apporte une dissonance qui renforce magistralement la sensation de mal-être que laisse le film. Un film qui ne serait pas non plus ce quil est sans lincroyable prestation de Daniel Day-Lewis. De tous les plans, le trop rare acteur britannique (neuf films seulement en près de vingt ans, pour deux Oscars) se montre particulièrement flippant, totalement habité par ce personnage névrosé basculant petit à petit vers la folie. Son Oscar est infiniment mérité. Face à lui, Paul Dano (découvert en frangin autiste dans « Little miss sunshine »), parvient malgré tout à faire exister son personnage grâce à son physique inquiétant et à quelques passages très convaincants (comme sa transe lors de son sermon). Un exploit en soi, tant la performance de Day-Lewis semble vampirisante. Reste un film dune force incroyable, dont la longueur et latmosphère, poisseuse et lourde, en fait ressortir le profond désenchantement. En ressort également une sensation de gène, de mal-être, qui chamboule le spectateur encore longtemps après la fin. Une grande réussite.
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