U.V.
« Il faudrait peut-être songer à préparer une chambre à notre invité »
Quelle surprise de voir Gilles Paquet-Brenner aux commandes dun film aux allures plus proches à priori du film dauteur que des gros nanards auxquels ils nous a habitué (on lui doit le désolant « Les jolies choses », il est aussi coupable du tristement célèbre « Gomes et Tavares ») !
De plus, on peut lire sur laffiche quil a co-écrit le scénario de ce film avec Lolita Pille, à qui on doit le livre « Hell », adapté au cinéma lan dernier avec Sara Forestier au casting. Bref, à priori, on se situe à des années lumières du tandem Titoff/Stomy Bugsy
Avec un casting de choix, porté notamment par Jacques Dutronc et Marthe Keller, le film était forcément alléchant, et javais logiquement envie daller le voir en salle. Impressions.
A noter que le film est adapté du roman « U.V. » de Serge Joncour.
LHistoire :
Une île, quelque part en Méditerranée. Une gigantesque maison domine un paysage paradisiaque, avec au bord dune piscine, deux jeunes et jolies femmes qui bronzent à moitié dévêtues. Un charmant jeune homme débarque, elles ne le connaissent pas, mais dit être là à linvitation de leur frère, qui nest pas encore arrivé. Elles linvitent donc à rester. Très vite, le jeune homme prend place dans cette morne mécanique familial bien huilée, cristallisant les désirs des uns et la haine des autres. Et en soulevant bien des interrogations
« Il est pas clair ce type, il a la poigné de main trop franche »
Le premier constat frappant dès les premières minutes du film, cest que Gilles Paquet-Brenner sinspire ouvertement des films de Claude Chabrol, en nous montrant justement une famille très aisée financièrement, une maison ostensiblement chère, meublées de manière très design, avec la piscine face à la mer, et lennui qui pèse sur tous ses habitants. A ce titre, larrivée de cet énigmatique inconnu qui prétend être un ami denfance du fils de la famille qui doit arriver dans les jours à venir, est comme chez Chabrol lintroduction de lélément perturbateur qui va révéler les désirs et les haines enfouis de chacun, et briser le vernis de façade de cette famille qui semble trop parfaite.
Du coup, comme chez son modèle, Paquet-Brenner sappuie sur le côté très peu chaleureux des relations et des échanges entre les personnages de cette famille, quil filme de manière très lente. Ce décalage entre la froideur des personnages et la chaleur apparente de cet été méditerranéen se ressent aussi dans les dialogues, qui sonnent toujours particulièrement creux et affables : on accueille ce jeune homme sans trop poser de questions, on fait comme sil appartenait à la famille, tout est fait pour créer une sorte de montée en puissance digne dun rebondissement final de ce nom.
« Ne vous inquiétez pas, le temps change vite par ici »
Mais voilà, nest pas Chabrol qui veut. La faute à un scénario trop baclé. Le metteur en scène oublie donc de nous expliquer en chemin qui est ce jeune homme (explications plus que succinctes et peu convaincantes), ce quil veut (mystère et boule de gomme !!!), ni quelles sont ses intentions. Du coup, la « violence » du dénouement final tombe à plat, le spectateur ne pouvant pas comprendre réellement ce qui motive un tel ultime rebondissement. De manière encore plus générale, le réalisateur ne sait jamais parfaitement mettre à profit les éléments quil a en sa possession. Ainsi, en premier lieu, il ne se sert jamais pleinement du décor : une île, une maison des plus grandioses, avec des murs trop blancs, des meubles trop bien rangés, la chaleur et le soleil omniprésent, tout cela aurait du servir à jouer sur les apparences, le vernis social, le désir, la sexualité, les frustrations mais non. Lérotisme se limite à deux poitrines (certes jolies !), le vernis social ne cachant pas grand chose, les apparences non plus. Dommage pour un film censé faire reposer son suspense sur les apparences et les non-dits.
Parmi les références de lauteur, on peut noter aussi le film « La piscine », de Jacques Deray, dont les décors et les thèmes sont également assez proches.
« Jai horreur de me sentir menacé »
Côté interprétation, le casting hétéroclite nest pas du tout homogène. Si Marthe Keller survole le niveau général, les autres narrivent jamais à briller. A part peut-être la très jolie Anne Caillon. Pascal Elbé est plombé par un rôle ultra caricatural (quil est obligé dinterpréter au second degré) auquel il ne semble pas croire, Dutronc, en personnage très aérien et tout aussi énigmatique napporte pas grand chose. Nicolas Cazalé, sil apporte sa beauté et sa luminosité physique (preuve quon a encore des beaux jeunes premiers !), semble un peu à côté de ses pompes. La palme revenant à Laura Smet, bien terne en allumeuse lascive.
Pour conclure, Paquet-Brennet signe un film ultra référencé, façon Chabrol, mais sans réussir là on son modèle brille (critique sociale, violence latente, comportement hypocrite de façade). Il se contente daligner les stéréotypes, et de tenter de créer une ambiance un peu froide, sensuelle et mystérieuse, sans jamais apporter de transgressions dans son récit, ni dexplications quant au dénouement. Trop lisse de bout en bout, sans jamais daspérités, avec une morale à deux balles (la pire violence ou le pire danger viennent souvent des gens qui ont lair ordinaires), le film ne parvient jamais à captiver. La faute à un scénario écrit avec les pieds et à une direction dacteurs amateure. Du coup, là où on pouvait sattendre à une douce insolation sensorielle, on se crame avec un film raté du début à la fin. Ne vous laissez pas berner : ça ressemble à un film dauteur, mais ce nest pas du Canada Dry !!!
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