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13 Aug

Valse avec Bachir

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Les films sont une thérapie, non ? »

Valse avec Bachir est un film autobiographique. Ari Folman, metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents, au cours desquels il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu'il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80 ! Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades. Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d'Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d'aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d'armes. Plus Ari s'enfoncera à l'intérieur de sa mémoire, plus les images oubliées referont surface.

« Je me souviens parfaitement de l’entrée dans Beyrouth mais pas du reste. Comment les massacres ont-ils pu s’effacer du disque dur ? »

Depuis une dizaine d’années, on assiste à la montée en puissance du cinéma israélien. Porté par une génération de jeunes et talentueux réalisateurs, celui-ci ose (enfin) donner un coup de pied dans la fourmilière en abordant ouvertement les maux de la société israélienne et les aspirations de sa jeunesse. Traumatismes des guerres, examens de conscience, désir de paix, liberté sexuelle, autant de thèmes encore tabous il y a peu de temps qu’ont osé aborder entre autres Ronit et Shlomi Elbkabetz, Eran Kolirin, ou encore Eytan Fox. S’inscrivant parfaitement dans cette mouvance, ce « Valse avec Bachir » était particulièrement attendu (premier film d’animation du genre en Israël), et ce d’autant plus qu’il revient sur la guerre du Liban, qui trouve un dramatique écho depuis sa résurgence il y a deux ans. Ce film d’Ari Folman s’annonçait d’autant plus fort qu’il était autobiographique, le réalisateur y racontant sa guerre du Liban. Une valeur de témoignage documentaire rendant l’œuvre encore plus intéressante. S’il s’agit du troisième long pour Folman, ce « Valse avec Bachir » demeure son premier film d’animation. Un film d’animation particulier puisque celui-ci a été d’abord été tourné en images réelles. Le story board obtenu de ce premier jet aura permis de développer un film d’animation mêlant animation Flash, animation classique et 3D. « Valse avec Bachir » a été présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes 2008, où il était en compétition. 

« C’est sûr : on a tué des innocents »

Qu’on se le dise : la guerre du Liban, sale guerre parmi tant d’autres, restera comme l’une des plus marquantes, sanglantes et controversées de ces trente dernières années. Avec en point d’orgue, les massacres des camps de Sabra et Chatila, encore impunis aujourd’hui. De quoi rendre le sujet particulièrement sensible, pour ne pas dire tabou. Le témoignage de cet ancien soldat israélien ayant participé au conflit, entre devoir de mémoire et examen de conscience, cristallisait forcément beaucoup d’attentes. Et à priori, il tient en grande partie ses promesses, montrant l’atrocité des combats ainsi que le traumatisme durable que cette guerre à laissé chez eux. Traité sur un ton qui rappelle les films américains qui ont critiqué la guerre du Vietnam (on pense forcément à « Apocalypse now », « Platoon », et d’autres films encore comme « Né un 4 juillet »), le film alterne les séquences de violence (combats, morts), et celles du quotidien de cette guerre, souvent plus surréaliste (l’officier qui a pris ses quartiers dans une luxueuse villa désertée de Beyrouth et qui passe son temps à regarder des pornos allemands), avec un cynisme assez fort. Le réalisateur – qui a inconsciemment chercher à effacer de sa mémoire ses évènements – part donc en quête de ses souvenirs auprès de ses anciens compagnons d’armes. Un cheminement difficile, ponctué des témoignages véridiques d’autres anciens combattants, qui donnent lieu à des séquences particulièrement réussies d’amnésie (cette scène revenant plusieurs fois de ses hommes qui sortent de l’eau avant de remonter la rue) et de peur (la poursuite des chiens en ouverture, le passage où le personnage se réfugie dans la mer après le massacre de son escouade). Si l’ensemble s’avère particulièrement brillant et réussi, on regrettera cependant que l’auteur n’aille pas tout à fait au bout de sa démarche, nous livrant quand même une version parcellaire et un poil hypocrite (ou en tous cas discutable) des massacres de Sabra et Chatila. En effet, Folman se dédouane quelque peu (et avec lui, Israël ?) en assumant qu’une responsabilité logistique et « innocente » aux massacres, qui sont selon lui, l’œuvre des seuls Phalangistes chrétiens – portant pourtant l’uniforme et les armes de l’armée israélienne.  

« Bachir était pour eux ce que Bowie était pour moi : une idole. Un prince charmant à adorer »

Malgré ce petit bémol, « Valse avec Bachir » va quand même à l’essentiel en osant dépasser les tabous et en apportant un regard critique sur cette guerre. Entre horreur et traumatisme, le réalisateur parvient même à laisser place à quelques scènes d’une grande poésie mélancolique, comme celle du soldat dansant en tirant des rafales de balles sur un portrait géant de Bachir Gemayel, scène qui donne son titre à ce film. Une poésie renforcée par la beauté formelle de l’ensemble, avec son animation sublime, son graphisme très « Bd » particulièrement étonnant, et ses couleurs parfaites. A noter également le choix très judicieux de la bande son très rock des 80’s, renforçant l’aspect nerveux du récit. Au final, Folman nous livre un film impressionnant et prenant, oscillant entre documentaire et fiction. Un film qui aurait pu être encore plus fort et remarquable si l’auteur ne finissait pas par une pirouette lui évitant d’aller tout à fait au bout du problème et de sa dénonciation. D’une beauté visuelle incroyable, ce « Valse avec Bachir » demeure donc un bon film. A défaut d’être le chef d’œuvre qu’il aurait du être.

     



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B
C'est vrai que l'œuvre est gâchée par cet hypocrisie, cette lâche pirouette finale qui donne le message du traumatisme de la vision d'un massacre vu plus que participé. Le "responsable mais pas coupable" est d'autant plus choquant dans le Liban d'aujourd'hui à deux doigts de repartir aux massacres d'innocents. Israël à sa très large part dans cette guerre et dans ce massacre. Leurs armes, leurs uniformes, leur logistique mais aussi leur participation. Mettre tout sur le dos de leurs "alliés" qu'ils manipulaient, est un manque de courage et dangereux pour les chrétiens libanais qui ont hélas, eux aussi subit tant de Sabra et Chatilla, ce qui n’excuse pas celui-ci ! Bon film, oui, mais gare aux haines qu'ils véhiculent sur le dos des autres pour mieux dédouaner leur conscience. C’est déjà un premier pas…
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