Traqué dans la ville
Un grand merci à Tamasa Distribution pour m'avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd de « Traqué dans la ville » de Pietro Germi.
« Une chose est sûre, ce ne sont pas des professionnels. Ceux qui ont défié la ville avec tant de témérité et d’amateurisme ne peuvent être que des criminels d’occasion »
Poussés par la misère, quatre hommes organisent le braquage de la billetterie d’un stade durant un match de football. Poursuivis par la police, ils décident de se séparer afin que la police ne retrouve pas leur trace. Chacun orchestre sa propre fuite. Toutefois, seuls deux des braqueurs sont partis avec des valises d’argent. Traqués par la police qui quadrille la ville, les quatre braqueurs font face comme ils peuvent à la situation, entre terreur et suspicion. Avec un unique but : quitter la ville sans se faire prendre.
« Que devais-je faire ? Attendre que vous creviez de faim ? »
Ancien élève du Centro sperimentale di cinematografia de Rome (où feront également leurs classes Michelangelo Antonioni et Dino De Laurentiis), Pietro Germi débute sa carrière de réalisateur en 1946, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Très ancrés dans la mouvance néo-réaliste, ses premiers films (« Le chemin de l’espérance », « La tanière des brigands ») sont pour l’essentiel des mélodrames sociaux centrés sur les difficultés des prolétaires italiens des années 40. En 1951, il tourne « Traqué dans la ville ». Basé sur un scénario écrit par Federico Fellini et Luigi Comencini (rien que ça !), le film marque un tournant dans la carrière de Germi, qui délaisse quelque peu la fresque sociale pour s’essayer au film noir. Un genre alors en plein essor à Hollywood et dont on sent ici la très forte influence : la scène d’ouverture du film, tout comme la tonalité résolument désenchantée du film font grandement penser à « Quand la ville dort », chef d’œuvre du film noir signé John Huston sorti l’année précédente. Mais Germi y apporte quelque chose en plus : un regard empathique envers ses personnages qui ne sont pas des criminels rôdés et cruels mais des pauvres quidams de la rue, poussés au crime par pauvreté et désespoir. La fable sociale n’est jamais loin. Le film dresse ainsi en filigrane le portrait de ces hommes qui ont tous en commun l’échec de leur vie et la volonté d’en sortir, de l’ancienne gloire déchue du football à l’ouvrier sans emploi cherchant à sortir sa famille de sa condition miséreuse. S’en suivra pour chacun une fuite en avant désespérée et forcément tragique (terrible scène dans le tramway où l’un des fuyards repasse la bague qu’il vient de récupérer chez les prêteur sur gages à sa femme). Car pour Germi, ses antihéros sont avant tout les victimes d’une société dure et cruelle rongée par l’individualisme et la cupidité (l’un des personnages sera ainsi trahi par son ancienne compagne tandis qu’un autre finira assassiné et volé par un gang maffieux). C’est ce même manque de solidarité et de compassion entre eux qui rendra les quatre braqueurs si vulnérables et qui les conduira à leur perte. Optant pour un format court, la réalisation de Pietro Germi, composée de beaucoup de plans serrés sur les visages des personnages et de plans extérieurs donnant l’impression d’une ville grouillante, confèrent au film une sensation d’oppression qui grandit tout au long du film et que seule la dernière scène viendra quelque peu réchauffer. « Traqué dans la ville » constitue donc un formidable film noir qui annonce la seconde partie de carrière du réalisateur, marquée par un autre grand film du genre, à savoir « Meurtre à l’italienne ». Mais c’est surtout grâce à ses comédies de mœurs satyriques des années 60 (« Divorce à l’italienne » pour lequel il obtiendra une nomination à l’Oscar du meilleur réalisateur, « Ces messieurs dames » qui gagne la Palme d’Or à Cannes, ou encore « Alfredo Alfredo » avec Dustin Hoffman), que Germi obtiendra la reconnaissance internationale.
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