Un baiser s'il vous plait!
« Je vais être honnête, jai moi aussi quelquun dans ma vie. Mais je voulais juste vous donner un baiser dau revoir. Un baiser sans conséquences. »
De passage à Nantes pour raisons professionnelles, une femme, Emilie, fait la connaissance dun homme, Gabriel. Séduits mutuellement, et bien quils soient tous les deux déjà engagés par ailleurs, ils décident de passer la soirée ensemble. Mais lorsque celui-ci tente de lembrasser, Emilie se dérobe. Avec pour seule raison, lhistoire similaire qui est arrivée à son amie : celle-ci était mariée, installée, et heureuse, et a remis en question toute sa vie pour avoir accepté de dépanner physiquement et mécaniquement son meilleur ami, en mal de tendresse physique. Pour elle, le simple baiser dun autre homme, à priori sans importance, a suffit pour chambouler littéralement sa vie
« Jai du mal avec les compagnes de mes amis : non seulement il faut sefforcer de ne pas les trouver désirables, mais en plus il faut sefforcer de les apprécier »
Cinéaste à part dans lunivers du Cinéma français, Emmanuel Mouret affirme son style, sans se soucier des modes, au fil de ses films. Un style résolument littéraire et décalé, marqué par sa prédilection pour le marivaudage. Diplômé de la FEMIS (section réalisation), Mouret, malgré des critiques souvent enthousiastes, na jusquici connu que des succès destime. Pour preuve, son dernier long en date, « Changement dadresse » (2006), bien que porté par une bonne critique presse, navait pas atteint les 150.000 spectateurs en fin de carrière. Continuant son exploration du marivaudage, « Un baiser sil vous plait », son nouveau film, sort sur nos écrans, porté là encore par une critique presse très favorable. Selon les propres mots de lauteur et réalisateur, ce dernier souhaitait faire un film sur le désir et les conséquences et les répercussions quun simple baiser, acte finalement anodin et léger, pouvait avoir sur une vie ou sur une relation. A noter que le film a été présenté à la dernière Mostra de Venise, dans la section « Giornate degli autori ».
« On ne peut devenir sage quà la condition davoir été fou »
Il est surprenant de voir combien Mouret affirme son style, film après film. Un style hybride, mélange de nombreuses influences, à la fois de Woody Allen façon très francisée, par son héros franchement gauche et souvent dépassé par les évènements, de Eric Rohmer, pour le côté très littéraire des dialogues, récités de manière décalée et volontairement artificielle, et de Sacha Guitry, pour lamour des situations causasses, du marivaudage, et surtout des jeux avec les mots et les sonorités. Mélange étonnant, donc, pour un résultat qui, contre toute attente, savère assez charmant. Certes, il faudra pour apprécier rentrer dans lunivers bien particulier de Mouret. Un univers désuet, peuplé de grands garçons trop bien coiffés qui restent bons joueurs en toutes circonstances, et à lhumour absurde et très décalé, où les situations les plus improbables senchaînent sans que cela ne pose problème aux différents personnages (le héros demande à sa meilleure amie, pourtant mariée, de lui rendre le service de coucher avec lui parce quil est en mal de tendresse depuis sa récente rupture, ce qui conduira les deux amants à monter les pires stratagèmes pour préserver leurs conjoints respectifs). Mais tout cela cache un film beaucoup plus subtile. Elégante variation sur le désir, Mouret brille par son talent dauteur, tant par ses dialogues léchés que par la mise en parallèle de deux histoires, lune servant à justifier lautre. On sourit souvent devant la légèreté de lensemble, humour qui sefface le temps dune ultime scène brillante, poétique, et délicatement romantique. Reste que le film souffre quand même de quelques défauts, notamment au niveau du rythme, certains passages paraissant beaucoup trop longs.
« Doit-on déstabiliser tout ce quil y a autour de soi simplement pour les baisers et les caresses qui sen suivent ? Et si ce nétait pas une simple histoire de baisers et de caresses ? Et si cétait simplement une très belle histoire damour ? »
Sur la forme, la mise en scène de Mouret semble plus proche du théâtre que du cinéma, les dialogues très calculés et millimétrés ne laissant, semble-t-il, que peu de place à limprovisation. Un choix de mise en scène qui, combiné à des dialogues très écrits, pourra dérouter voire rebuter certains spectateurs, mais qui se justifie par le travail millimétré de Mouret. Côté interprétation en revanche, lensemble savère très inégal. On ne pourra que tomber sous le charme du couple Julie Gayet Michael Cohen, dont le jeu de séduction savère très réussi et très intéressant. Mais tous les autres comédiens ne sont pas au même niveau. Virginie Ledoyen reste très moyenne, tout comme Emmanuel Mouret, dont le jeu volontairement décalé et artificiel finit par ennuyer un peu. Frédérique Bel reste un peu trop enfermée dans son rôle de blonde nunuche qui lavait révélée dans la « Minute blonde ». Reste un Stefano Accorsi intéressant, mais dont la présence à lécran est trop réduite pour être satisfaisante.
« Avant quun baiser ne soit donné, on ne peut pas savoir sil sera petit ou grand »
Au final, à défaut dêtre un chef duvre, « Un baiser sil vous plait » est une agréable variation sur le thème du désir. Bien caché derrière sa comédie subtilement décalée, Emmanuel Mouret nous surprend en glissant malicieusement quelques moments réussis de sensualité, de charme, et de poésie. Reste que la forme trop écrite et le jeu artificiel de certains comédiens risquent de décourager et de dérouter certains spectateurs. Un film singulier et original en tous cas. Mouret, à contre courant et en progression constante, est définitivement un réalisateur à suivre.
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